Dyal Thak : Kin Coedel, tisserand d’un Tibet onirique

09 avril 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Dyal Thak : Kin Coedel, tisserand d'un Tibet onirique
© Kin Coedel
© Kin Coedel

Pour réaliser Dyal Thak, Kin Coedel s’est rendu à de multiples reprises sur le plateau tibétain. Là-bas, le photographe chinois a immortalisé une communauté de nomades qui vit en harmonie avec la nature. En résulte une imagerie poétique, tissée autour du lien qui ancre les êtres dans le monde alentour. 

Des terres verdoyantes, habillées de quelques fleurs, s’étendent à perte de vue. Dans le lointain, des collines se devinent dans la brume. L’hiver venu, elles se confondront avec le ciel laiteux. Pour l’heure, le vent chasse les nuages, balayant sur son passage la douce toison de yacks nonchalants, broutant les hautes herbes du pâturage. Dans cette région, qualifiée à juste titre de « toit du monde », le soleil brille dans l’azur comme dans les cœurs. Un sentiment de plénitude ou de sérénité enveloppante se dégage de ces images signées Kin Coedel. Originaire de Hong Kong, le photographe a découvert le Tibet dans le cadre d’un travail de commande, réalisé pour une marque de prêt-à-porter féminin. Ce premier séjour, d’une décade, a suffi à lui laisser une forte impression. Sous le charme de cet endroit et de la culture qui s’y est développée, l’artiste se mit dès lors à chercher des motifs pour y retourner. 

© Kin Coedel
© Kin Coedel
© Kin Coedel
© Kin Coedel

Encourager le public à faire un pas de côté

Dyal Thak cristallise neuf mois passés sur place, de manière discontinue, à photographier les jours d’une communauté de nomades menée par des tisserandes installées dans le village de Ritoma. Le nom de la série renvoie à la fois à un fil conducteur et à quelque chose d’intangible qui rapproche. « Là-bas, tout se transmet de mère en fille, y compris la conscience de la nature, dont on doit prendre soin. Au Tibet, l’alimentation, les objets ou les vêtements fabriqués sont liés au yack – et, en conséquence, à ces femmes qui travaillent la laine –, et suivent une certaine logique », relève Kin Coedel. Ce lien, qui régit les populations locales, se trouve également au cœur de sa démarche. « Je voulais qu’elles comprennent ce que je faisais, alors j’étais toujours accompagné d’une personne qui parle leur dialecte, poursuit-il. Je ne pouvais pas me contenter d’apposer un regard étranger, je souhaitais échanger avec elles, prendre le temps de saisir leur mode de vie, leurs traditions. »

Si, aujourd’hui, de nombreuses marques s’inscrivent dans un retour à des modes de production et de consommation plus responsables, semblables à ceux de la communauté dépeinte, Kin Coedel ne souhaite pas s’en faire l’étendard. Avec un regard poétique plutôt que dans une approche documentaire, il donne à voir d’autres perspectives. « La plupart des gens parlent du Tibet d’un point de vue politique, sans comprendre la réalité de cette région, déplore notre interlocuteur. Mon travail n’est pas politique. C’était un point de départ très clair, car ces lieux, ces gens, leur façon de vivre sont très éloignés de ce type de récits. Pour moi, cette série est une sorte d’échappatoire. Je ne raconte pas une vérité, je crée une narration onirique pour encourager le public à faire un pas de côté et à s’inspirer. »

© Kin Coedel
© Kin Coedel
© Kin Coedel
© Kin Coedel
© Kin Coedel
© Kin Coedel
© Kin Coedel
© Kin Coedel
© Kin Coedel
© Kin Coedel
© Kin Coedel
© Kin Coedel
© Kin Coedel
© Kin Coedel
© Kin Coedel
© Kin Coedel
© Kin Coedel
À lire aussi
Joel Redman : le combat d'un peuple pour sauver sa terre
Joel Redman : le combat d’un peuple pour sauver sa terre
Dans “The North Chose Us”, Joel Redman témoigne du combat que mène le peuple sami pour sauvegarder sa terre.
13 novembre 2023   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Dans l'œil de Sabatina Leccia : le charme onirique de la nature
© Sabatina Leccia, Traverser la nuit, 2023 / Courtesy of Galerie XII
Dans l’œil de Sabatina Leccia : le charme onirique de la nature
Cette semaine, plongée dans l’œil de Sabatina Leccia, artiste française qui se plaît à expérimenter avec la matière. Pour Fisheye, elle…
18 mars 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Explorez
Raï de Boris Bincoletto : oublier quelqu'un pour retrouver les autres
© Boris Binceletto
Raï de Boris Bincoletto : oublier quelqu’un pour retrouver les autres
Après Solemar, son premier livre photographique qui explorait la côte Adriatique, Boris Binceletto sort Raï, qui se situe entre la...
17 décembre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Motel 42 : Eloïse Labarbe-Lafon peint le décor d’un road trip
© Eloïse Labarbe-Lafon
Motel 42 : Eloïse Labarbe-Lafon peint le décor d’un road trip
Composé d’une quarantaine de portraits pris dans des chambres durant un road trip, Motel 42 d’Eloïse Labarbe-Lafon s’impose comme un...
06 décembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Marie Le Gall : photographier un Maroc intime
© Marie Le Gall
Marie Le Gall : photographier un Maroc intime
Absente depuis vingt ans, lorsque Marie Le Gall retourne enfin au Maroc, elle découvre un territoire aussi étranger que familier....
22 novembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Visions d'Amérique latine : la séance de rattrapage Focus !
© Alex Turner
Visions d’Amérique latine : la séance de rattrapage Focus !
Des luttes engagées des catcheuses mexicaines aux cicatrices de l’impérialisme au Guatemala en passant par une folle chronique de...
20 novembre 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Nos derniers articles
Voir tous les articles
The Color of Money and Trees: portraits de l'Amérique désaxée
©Tony Dočekal. Chad on Skid Row
The Color of Money and Trees: portraits de l’Amérique désaxée
Livre magistral de Tony Dočekal, The Color of Money and Trees aborde les marginalités américaines. Entre le Minnesota et la Californie...
21 décembre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Paysages mouvants : la jeune création investit le Jeu de Paume
© Prune Phi
Paysages mouvants : la jeune création investit le Jeu de Paume
Du 7 février au 23 mars 2025, le Jeu de Paume accueille le festival Paysages mouvants, un temps de réflexion et de découverte dédié à la...
20 décembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Mirko Ostuni : une adolescence dans les Pouilles
© Mirko Ostuni, Onde Sommerse.
Mirko Ostuni : une adolescence dans les Pouilles
Dans Onde Sommerse, Mirko Ostuni dresse le portrait de sa propre génération se mouvant au cœur des Pouilles. Cette jeunesse tendre et...
20 décembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Ces séries photographiques qui cherchent à guérir les blessures
© Maurine Tric
Ces séries photographiques qui cherchent à guérir les blessures
Pour certain·es artistes, la photographie a un pouvoir cathartique ou une fonction guérisseuse. Iels s'en emparent pour panser les plaies...
19 décembre 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine