Pour réaliser Dyal Thak, Kin Coedel s’est rendu à de multiples reprises sur le plateau tibétain. Là-bas, le photographe chinois a immortalisé une communauté de nomades qui vit en harmonie avec la nature. En résulte une imagerie poétique, tissée autour du lien qui ancre les êtres dans le monde alentour.
Des terres verdoyantes, habillées de quelques fleurs, s’étendent à perte de vue. Dans le lointain, des collines se devinent dans la brume. L’hiver venu, elles se confondront avec le ciel laiteux. Pour l’heure, le vent chasse les nuages, balayant sur son passage la douce toison de yacks nonchalants, broutant les hautes herbes du pâturage. Dans cette région, qualifiée à juste titre de « toit du monde », le soleil brille dans l’azur comme dans les cœurs. Un sentiment de plénitude ou de sérénité enveloppante se dégage de ces images signées Kin Coedel. Originaire de Hong Kong, le photographe a découvert le Tibet dans le cadre d’un travail de commande, réalisé pour une marque de prêt-à-porter féminin. Ce premier séjour, d’une décade, a suffi à lui laisser une forte impression. Sous le charme de cet endroit et de la culture qui s’y est développée, l’artiste se mit dès lors à chercher des motifs pour y retourner.
Encourager le public à faire un pas de côté
Dyal Thak cristallise neuf mois passés sur place, de manière discontinue, à photographier les jours d’une communauté de nomades menée par des tisserandes installées dans le village de Ritoma. Le nom de la série renvoie à la fois à un fil conducteur et à quelque chose d’intangible qui rapproche. « Là-bas, tout se transmet de mère en fille, y compris la conscience de la nature, dont on doit prendre soin. Au Tibet, l’alimentation, les objets ou les vêtements fabriqués sont liés au yack – et, en conséquence, à ces femmes qui travaillent la laine –, et suivent une certaine logique », relève Kin Coedel. Ce lien, qui régit les populations locales, se trouve également au cœur de sa démarche. « Je voulais qu’elles comprennent ce que je faisais, alors j’étais toujours accompagné d’une personne qui parle leur dialecte, poursuit-il. Je ne pouvais pas me contenter d’apposer un regard étranger, je souhaitais échanger avec elles, prendre le temps de saisir leur mode de vie, leurs traditions. »
Si, aujourd’hui, de nombreuses marques s’inscrivent dans un retour à des modes de production et de consommation plus responsables, semblables à ceux de la communauté dépeinte, Kin Coedel ne souhaite pas s’en faire l’étendard. Avec un regard poétique plutôt que dans une approche documentaire, il donne à voir d’autres perspectives. « La plupart des gens parlent du Tibet d’un point de vue politique, sans comprendre la réalité de cette région, déplore notre interlocuteur. Mon travail n’est pas politique. C’était un point de départ très clair, car ces lieux, ces gens, leur façon de vivre sont très éloignés de ce type de récits. Pour moi, cette série est une sorte d’échappatoire. Je ne raconte pas une vérité, je crée une narration onirique pour encourager le public à faire un pas de côté et à s’inspirer. »