Evangelia Kranioti : le théâtre du réel

04 septembre 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Evangelia Kranioti : le théâtre du réel

Jusqu’au 22 septembre, l’œuvre d’Evangelia Kranioti est exposée à la Chapelle du Méjan, dans le cadre des Rencontres d’Arles. Un travail sublime et philosophique, aux influences baroques.

Dans le grand espace de la Chapelle du Méjan, à Arles, se trouve l’œuvre envoûtante d’Evangelia Kranioti. La photographe athénienne, installée à Paris est diplômée des Arts décoratifs et du Fresnoy-Studio national des arts contemporains. Un cursus qui lui a permis de découvrir le design, la communication visuelle, la vidéo et le cinéma. Autant de domaines qui ont alimenté sa vision du 8e art. « Pour moi, la photographie est une manière d’utiliser le réel à mes fins. L’image est la matière première à partir de laquelle je crée d’autres projets », explique l’artiste. Transcender le réel, telle est l’ambition d’Evangelia Kranioti. Si l’auteure ne s’est jamais réellement sentie photographe, elle s’est servie de cette ambivalence pour se plonger dans des travaux où l’image devient un élément soutenant une émotion. « Cela s’est traduit par des projets documentaires ou de fiction », précise-t-elle.

L’exposition Les vivants, les morts et ceux qui sont en mer marque un double anniversaire. « Le festival fête ses cinquante ans tandis que je complète environ dix ans de travail artistique », confie l’artiste. Un cadeau inattendu, qui a engendré une certaine réflexion. En travaillant sur la mise en place de l’événement, aux côtés de Matthieu Orléan, commissaire de l’exposition, et Sam Stourdzé, directeur des Rencontres, la photographe a souhaité confronter dans un même espace plusieurs travaux, mêlant images fixes et en mouvement. « Le pari était d’immerger le spectateur dans un univers. Pour cela, je me suis questionnée : qu’est-ce qui me pousse à créer ce corps d’images ? Qu’est-ce que je cherche à mettre en relation ? Quelles sont les constantes, les thématiques communes ? » s’interroge-t-elle.

© Evangelia Kranioti

Le réel et ses interprétations

Théâtrales et dramatiques, les images trônent dans une scénographie immersive et poétique. Au cœur de la Chapelle et au centre de l’exposition, trône un espace aux parois sombres à l’atmosphère tropicale. Sur les murs se trouvent des portraits de la communauté queer de Rio de Janeiro. Une série suave et sensuelle, en écho avec le décor. « Je souhaitais remettre en question la représentation d’une image : comment la mettre en scène pour qu’elle suscite une émotion », précise Evangelia Kranioti. Dans ce lieu sombre et mystérieux, ombres, lumières et sons submergent et emportent le visiteur dans un monde à part. De part et d’autre de cet étrange îlot, d’autres portraits attirent le regard : des marins nouant des relations éphémères à leur retour sur terre, des jeunes domestiques étrangères tentant de se faire une place au Liban, ou encore des vivants en route vers la demeure des défunts au Caire.

Influencée par la peinture, le cinéma et la littérature – notamment les œuvres du Caravage, de David Lynch et les tragédies grecques – la photographe sublime des personnages en marge de la société dans un baroque délicat. « J’étudie les questions d’exil, de déplacement, et j’interroge la place d’un être humain égaré dans un monde devenu théâtre d’événements sociopolitiques, précise Evangelia Kranioti. Je m’intéresse à ces gens qui inventent, résistent et vivent leur vie à travers leurs propres fictions. » L’artiste ne croit pas au réel, mais à ses interprétations, et cherche sans cesse à rapprocher ses modèles de leur propre réalité. Une œuvre digne des récits époustouflants et des émotions fortes des épopées, à la croisée de la mise en scène et du documentaire, du réel et de la fiction.

© Evangelia Kranioti

© Evangelia Kranioti© Evangelia Kranioti

© Evangelia Kranioti© Evangelia Kranioti

© Evangelia Kranioti© Evangelia Kranioti

© Evangelia Kranioti

© Evangelia Kranioti / Galerie Sator© Evangelia Kranioti

© Evangelia Kranioti

© Evangelia Kranioti

Explorez
Fisheye #72 : la photographie comme acte de résistance
© Luke Evans
Fisheye #72 : la photographie comme acte de résistance
À travers son numéro #72, Fisheye donne à voir des photographes qui considèrent leur médium de prédilection comme un outil de...
03 juillet 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
À la découverte du regard enfoui de Nicole Lala
© Nicole Lala
À la découverte du regard enfoui de Nicole Lala
Restée dans l’ombre toute sa vie, Nicole Lala fut pourtant une photographe majeure du quotidien, du sensible, de l’invisible. Du 16...
30 juin 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
PHotoESPAÑA 2025 : Après tout, que nous disent encore les images ?
© Joel Meyerowitz
PHotoESPAÑA 2025 : Après tout, que nous disent encore les images ?
Chaque été, PHotoESPAÑA transforme Madrid en capitale de la photographie. Pour sa 28e édition, le festival déploie plus d’une centaine...
28 juin 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Mois des fiertés : l'identité queer dans l'œil des photographes de Fisheye
© Paul Mesnager
Mois des fiertés : l’identité queer dans l’œil des photographes de Fisheye
Enjeux sociétaux, crise environnementale, représentation du genre… Les photographes publié·es sur Fisheye ne cessent de raconter, par le...
27 juin 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Fisheye #72 : la photographie comme acte de résistance
© Luke Evans
Fisheye #72 : la photographie comme acte de résistance
À travers son numéro #72, Fisheye donne à voir des photographes qui considèrent leur médium de prédilection comme un outil de...
03 juillet 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Wolfgang Tillmans revient sur sa carte blanche au Centre Pompidou
Wolfgang Tillmans à la Bpi, janvier 2025 © Centre Pompidou
Wolfgang Tillmans revient sur sa carte blanche au Centre Pompidou
Le Centre Pompidou lui donne carte blanche jusqu’au 22 septembre 2025, dernier accrochage avant la fermeture du bâtiment pour cinq ans de...
03 juillet 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Sous les paupières closes : un rêve surréaliste à Arles
Two Dinners, 2024 © Nyo Jinyong Lian
Sous les paupières closes : un rêve surréaliste à Arles
Du 7 juillet au 5 octobre 2025, la Fisheye Gallery ouvre son espace arlésien à quatre artistes émergentes : Eloïse Labarbe-Lafon, Anna...
02 juillet 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Marco Dos Santos fait feu de tout bois
© Marco Dos Santos
Marco Dos Santos fait feu de tout bois
Mais peut-il seulement tenir en place ? Depuis plus de vingt ans, Marco Dos Santos trace une trajectoire indocile à travers les scènes...
02 juillet 2025   •  
Écrit par Milena III