Dans sa série Womb, Lucile Boiron photographie sans concession les femmes de sa famille. Par l’image, elle souhaite les libérer des postures imposées par la société. Un album de famille capté au plus près.
Utérus, entrailles, matrice. Dans sa polysémie, le terme anglais « womb » parle à lui seul du corps déconstruit, de l’intériorité et des origines. Un titre qui épouse à la perfection cette série commencée en 2016 et dans laquelle la photographe Lucile Boiron chronique sa famille sans concession: cadres serrés, couleurs souvent crues… « La découverte de la photographie a été un épisode douloureux. J’ai pris conscience assez tôt de la dissymétrie entre les photographies où j’apparaissais et l’image que je me faisais de moi-même. »
Dans ses clichés, la chair est partout: celle des êtres, de la nourriture et des lieux, pareils à des théâtres vivants de ses obsessions. Par un débordement sensible et assumé, elle écrit à l’argentique cette relation parfois difficile où se mêlent amour filial et indépendance. Womb est également un acte militant. En photographiant des peaux abîmées, flétries et imparfaites, Lucile Boiron va à l’encontre du corps fantasmé.
Inverser le rapport de force
Ces images prises à l’occasion de repas ou de siestes, des moments de relâche, elle libère les femmes de leur carcan social. Ce n’est certainement pas un hasard si Womb est d’abord un projet éditorial qui fera l’objet d’un livre à la rentrée (à paraître aux éditions Libraryman).Avec une technique solide et une direction devenue plus nette, l’auteure répare à sa façon ce qu’elle a, un temps, voulu détruire : « Lorsque ma mère avait le dos tourné, je subtilisais les albums de famille pour déchirer ces représentations fallacieuses. » Être photographe est une manière pour elle d’inverser le rapport de forces. La sincérité de sa démarche et la maîtrise dont elle fait preuve l’installent naturellement dans l’album de la famille Fisheye.
Vidéo : © Nina Peyrachon
© Lucile Boiron