Créé par les équipes de Fisheye, Focus est un format vidéo innovant qui permet de découvrir une série photo en étant guidé·e par la parole de son auteur·ice. Cette narration originale à travers une mosaïque d’images et un habillage sonore nous entraîne dans un parcours immersif aussi sensible que stimulant. Plongée dans les coups de cœur Focus publiés dans Fisheye #68.
Focus #67 – Devin Yalkin
Les vampires ne dansent pas qu’à Halloween. Dans ce Focus, Devin Yalkin, artiste new-yorkais d’origine turque, capture un bal des vampires où érotisme, sensualité et bienveillance sont des codes à appliquer religieusement. Noir et blanc, teints livides, bas résilles, crayon khôl et canines aiguisées composent les photographies de sa série Until Dawn. C’est une commande pour le New York Times sur le fabricant de crocs artificiels sur-mesure Father Sebastiaan qui mène le photographe dans des chapelles claniques où, à partir de minuit, les membres crient à la lune, récitent des prières ritualisées et s’adonnent à des valses sexuelles jusqu’au petit matin. « Le vampirisme est l’antithèse de toutes les idéologies plus conservatrices, avance Devin Yalkin. Voir des gens aussi libres dans leurs amours et leur sexualité est fascinant. » Son appareil photo se transforme alors en un outil de communication avec cette communauté mystérieuse qui essaime aux quatre coins du monde.
Marie Baranger
Focus #68 – Marguerite Bornhauser
C’est dans le cadre d’une résidence au sein d’un chantier archéologique arlésien, situé dans une ancienne verrerie, que Marguerite Bornhauser a composé Retour à la poussière. Là-bas, deux maisons ont été découvertes, et l’une d’elles, datant du Ier siècle avant Jésus-Christ, était décorée de fresques somptueuses. Les fragments retrouvés ont inspiré une imagerie graphique et colorée à celle qui se définit comme une « photographe d’invention ». Sous son objectif, les repères spatio-temporels sont abolis. Les échelles et les époques se superposent, jusqu’à créer un monde indépendant. Le sable noir, qui sert à conserver les enduits peints, devient un cosmos dans lequel flottent des éléments fragiles. Ces visions singulières, qui suggèrent à la fois l’infiniment grand et l’infiniment petit, invitent alors à sonder notre environnement, à s’attarder sur les détails, pour en saisir la beauté avant qu’ils ne s’évanouissent dans le tumulte de l’existence.
Apolline Coëffet
Focus #50 – Benoît Méjean
Les empreintes s’impriment dans la terre, les lumières se font rares, les escaliers s’évanouissent dans l’obscurité – jusqu’aux entrailles du monde. C’est en noir et blanc que Benoît Méjean met en scène son deuil à la suite de la mort de sa sœur aînée. Guidée par le timbre de cet artiste, « comédien-voix, photographe, auteur, bande-songeur », la déambulation dans son imaginaire nous apparaît aussi poétique que mélancolique. En incorporant des extraits audio – reprenant des fragments du rapport de police rédigé après le décès –, cet épisode de Focus convoque des tensions, entre vie et mort, organique et clinique, réel et inconscient. L’ensemble forme une œuvre puissante où se creusent des gouffres aux dimensions inconnues. De cette plongée fantasmagorique s’échappent pourtant des instants suspendus, comme autant de métaphores d’une perte que l’on ne parvient pas tout à fait à concevoir. « Je ne pourrais pas dire que [ce projet] est une résolution : plutôt le départ d’une enquête plus profonde qui ne s’arrêtera probablement jamais », conclut Benoît Méjean.