Nous poursuivons notre engagement auprès des photographes ukrainien·nes en leur offrant un espace de témoignages. Aujourd’hui, c’est Taras Bychko, établi à Lviv (ville située à 70km de la frontière polonaise), qui prend la parole.
« Ce qui se passe actuellement n’est pas un conflit. C’est une guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine. Cela dure depuis 2014 et s’est intensifié dorénavant dans tout le pays. L’objectif de la Russie est de détruire notre peuple libre, s’efforçant de vivre selon des valeurs démocratiques. Nous n’avons jamais fait partie de la Russie ou d’un peuple fraternel − comme ils aiment à le dire. Et jamais nous ne le serons.
Depuis le début de la guerre, mon activité de conservateur de projets photographiques au Centre d’art de Lviv s’est arrêtée. Tout ce qui était familier a disparu. Mon quotidien a cessé d’exister. Nous avons initié une existence dans des conditions de guerre.
Le 8e art me procure de l’optimisme, et ce, depuis toujours… Pendant dix jours, j’ai été contraint d’arrêter de photographier − je n’ai pas eu une telle pause depuis 2015. Même lorsque je suis tombé malade et que je suivais une chimiothérapie. Quand j’ai appris que je n’avais aucune chance de m’en sortir, j’ai donné une interview à Fujifilm (heureusement, les prédictions ne se sont pas révélées exactes). J’aime ma terre et les gens qui m’entourent sans relâche et c’est pour cela qu’il m’est trop difficile de photographier toute cette souffrance. L’inspiration qui me guidait autrefois s’est envolée. J’arrive à me rendre utile en Ukraine en faisant du bénévolat et en redistribuant l’argent que je reçois de la vente de mes images. Maintenant que ma famille est en sécurité en Pologne, j’arrive enfin à prendre de la distance pour me concentrer davantage sur la photographie. Les clichés de la série Rear représentent des lieux de Lviv où, avant toute cette horreur, l’art se déployait. Dorénavant, ce sont des abris pour les réfugié·e·s ou des lieux de tri et de distribution utilisés par les organisations d’aide humanitaire.
Si j’étais devant Poutine, je resterai silencieux. Une balle, c’est plutôt ça qu’il mérite. »
Rear 1 © Taras Bychko