Herbier pandémique et poétique

Herbier pandémique et poétique

Proche de la nature, Alexandra Serrano constitue, depuis le début du confinement, un herbier délicat. En mêlant procédés anciens, coupures de journaux et végétation, elle insuffle un souffle poétique à notre quotidien.

« La photographie est arrivée dans ma vie par un heureux hasard »,

confie Alexandra Serrano. C’est durant sa licence en communication, à Londres, que l’artiste française tombe amoureuse de la chambre noire. « Son silence, son obscurité, son odeur, et toutes ces images qui apparaissent et disparaissent sous la lumière rouge m’ont immédiatement fascinée… » poursuit-elle. Privilégiant une approche plasticienne, l’auteure mélange 8e art, land art, et même performance physique pour créer des œuvres uniques aux dimensions multiples. La prise de vue, souvent, devient la dernière étape de sa création, et fige les scènes qu’elle construit.

Fascinée par la nature – elle a grandi à la lisière de la forêt de Fontainebleau – Alexandra Serrano la place au cœur de ses réalisations. « J’ai par exemple travaillé sur ma relation à la forêt, la ruralité, et la relation entre hommes et animaux », précise-t-elle. Son herbier, construit durant le confinement, s’inscrit dans cette même volonté. « Il s’agit d’un objet qui me fascine depuis un certain temps, de sa forme la plus traditionnelle avec les spécimens de plantes, aux empreintes solaires d’Anna Atkins, en passant par l’Herbarium de Joan Fontcuberta, ajoute la photographe. Cueillir, c’est scruter le paysage avec attention, c’est une pratique qui rend plus sensible au vivant. »

© Alexandra Serrano© Alexandra Serrano

Une certaine sérénité

Plantes et fleurs séchées, coupures de journaux anxiogènes… L’Herbier d’Alexandra Serrano fait écho à notre situation. Harmonisées par la technique du cyanotype – un procédé ancien qui fonctionne par contact direct et permet la réalisation d’empreintes sur papier photosensible – les images évoquent calme et poésie. « Cette technique me permet d’expérimenter de manière concrète et plastique le paysage, c’est aussi un moyen de l’impliquer directement dans le processus de création, puisque la réalisation des cyanotypes dépend de ce que j’y prélève, de la lumière ambiante et de son exposition au soleil », explique l’artiste.

Chaque image incite le regardeur à repenser son rapport à la matière. Face aux créations, la peur, l’angoisse se fond dans le papier bleuté, et s’efface au profit d’une certaine sérénité. Les créations d’Alexandra Serrano sont aussi fragiles que précieuses, et se forment lentement, au contact du soleil. « Travailler avec ce procédé ancien, c’est finalement renouer avec la matérialité de l’image, ce rapport au temps, au hasard, à l’incertitude. Le temps d’exposition rappelle celui du confinement, cette attente pesante que l’on vit chaque jour depuis le 17 mars », confie-t-elle. Délicats, ces collages entre actualité et nature, réalité et poésie nous invitent à repenser notre quotidien, à nous distancer des tracas pour mieux apprécier ces moments de grâce. « Une manière de rendre immatériels des éléments matériels », conclut l’auteure.

© Alexandra Serrano© Alexandra Serrano
© Alexandra Serrano© Alexandra Serrano
© Alexandra Serrano© Alexandra Serrano
© Alexandra Serrano© Alexandra Serrano

© Alexandra Serrano

Explorez
Pooya Abbasian remporte la 3e édition du prix Art & Environnement
Oxalis (détail), 2024 © Pooya Abassian
Pooya Abbasian remporte la 3e édition du prix Art & Environnement
Lee Ufan Arles et la Maison Guerlain ont annoncé hier, à la Guerlain Academy, le nom du troisième lauréat de leur prix Art &...
08 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
La sélection Instagram #527 : l'être-nature
© Tetsuo Kashiwada / Instagram
La sélection Instagram #527 : l’être-nature
Trop souvent l’être humain s’est pensé extérieur au monde naturel. Capitalisme et mondialisation en sont en partie responsables. Si la...
07 octobre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
InCadaqués 2025 : des images entre le vent et la mer
The Wave, Jamaica, 2013 © Txema Yeste, courtesy of Galería Alta
InCadaqués 2025 : des images entre le vent et la mer
Du 9 au 26 octobre 2026, le village côtier de Cadaqués, en Catalogne, devient le théâtre du monde de l’image. Quarante photographes, en...
03 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Photoclimat 2025 : la photographie au service de l’environnement
© Juliette-Andréa Élie / Fondation Avril
Photoclimat 2025 : la photographie au service de l’environnement
Jusqu’au 12 octobre 2025, la 3e édition de la biennale Photoclimat prend ses quartiers à Paris. De la place de la Concorde à celle de...
27 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Une danse entre la vie et la mort capturée par Oan Kim
Le coup de grâce lors d'une corrida à Madrid © Oan Kim/MYOP
Une danse entre la vie et la mort capturée par Oan Kim
À travers un noir et blanc contrasté, qui rappelle la chaleur sèche de l'Andalousie, Oan Kim, cofondateur de l'agence MYOP, montre...
27 octobre 2025   •  
Écrit par Milena III
5 coups de cœur qui utilisent le noir et blanc
© David Zheng
5 coups de cœur qui utilisent le noir et blanc
Tous les lundis, nous partageons les projets de deux photographes qui ont retenu notre attention dans nos coups de cœur. Cette semaine...
27 octobre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les images de la semaine du 20 octobre 2025 : famille, cultures alternatives et lumière
© Sara Silks
Les images de la semaine du 20 octobre 2025 : famille, cultures alternatives et lumière
C’est l’heure du récap ! Dans les pages de Fisheye cette semaine, les photographes nous font voyager, aussi bien dans des lieux...
26 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
7 séries photographiques qui offrent une nouvelle vie à des archives familiales
Marianne et Ebba, The Mothers I Might Have Had © Caroline Furneaux
7 séries photographiques qui offrent une nouvelle vie à des archives familiales
Parmi les photographes qui travaillent autour des archives, un certain nombre s’intéresse aux images qui pourraient figurer, si ce n’est...
25 octobre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet