« Je suis le sujet de ma propre recherche »

26 avril 2018   •  
Écrit par Lou Tsatsas
« Je suis le sujet de ma propre recherche »

Alessandra Calò, photographe italienne, présente, au Festival Circulation(s), sa série Kochan. Un travail hybride, où dessin et photographie se mélangent pour former une exploration poétique et intime. Rencontre avec l’artiste.

Fisheye : À quel moment as-tu su que tu voulais être photographe ?

Alessandra Calò : J’ai toujours été passionnée par la photographie. Je n’ai pas eu de déclic. Le médium a toujours été un moyen de conserver mes souvenirs. Je suis entrée dans le monde de l’art seule, sans avoir fréquenté d’école. J’aime découvrir de nouveaux moyens de communication, et la photographie m’a permis d’aller dans d’autres directions. Aujourd’hui, je me définis comme une créatrice d’images, et non comme une photographe.

Quelles sont les images que tu aimes créer ?

Il y a bien un thème commun, qui relie tous mes travaux : la mémoire. Pour moi, il s’agit d’un état d’esprit lié à la réalité, et pas simplement un sentiment de nostalgie évoquant le passé. Dans mes photographies, j’essaie de mettre en avant une émotion, sans l’énoncer précisément.

Peux-tu nous parler de ta série Kochan ?

Dans ce projet, je travaille l’idée de voyage. Le voyage que chacun entreprend pour s’affirmer. Je présente le corps comme un territoire à explorer. Un périple qui se révèle difficile du fait de la relation complexe au corps.

Le titre du projet vient du livre Confession d’un Masque, de Jukio Mishima. Un ouvrage que j’avais beaucoup aimé. L’auteur utilise des bribes de son journal intime pour raconter le long voyage que fait Kochan, le protagoniste, pour découvrir son identité et son corps.

Comment t’es venue l’idée de travailler sur des cartes ?

J’ai commencé ce projet en 2016, lorsque j’ai découvert que la New York Public Library avait mis en ligne une grande partie de ses archives. J’ai passé des journées entières à observer les cartes, les manuscrits, les lettres… Ils me fascinaient tellement que j’ai décidé de les intégrer à mon travail, et de les combiner à une série d’autoportraits.

© Alessandra Calo

Pourquoi avoir choisi de combiner ces deux matériaux ?

Travailler avec ces documents me permettait de créer de nouveaux univers et de raconter de nouvelles histoires. Mais c’est aussi un véritable voyage dans l’image photographique. Mon objectif est d’immerger le spectateur dans ces narrations, comme s’il regardait un film ou lisait un livre. Les cartes de Kochan m’ont aidé à contextualiser le récit, à emmener le public dans un imaginaire spécifique : un voyage dans l’intime.

Et dans nos mémoires ?

Tout ce projet vient de la mémoire corporelle. C’est un chemin qu’il faut suivre, en s’aidant des signes que notre corps nous envoie, pour nous raconter une histoire. Un sentiment presque imperceptible. Kochan est un voyage personnel, ma manière à moi de parler de mon passé, des choses perdues ou oubliées. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai choisi d’être actrice de mon travail.

L’autoportrait t’est apparu comme indispensable ?

Oui. C’était un choix, de me mettre face à l’objectif. Dans les photographies, je suis nue, je suis moi-même : une présence physique et intellectuelle, sans artifice. Pour la première fois, je suis le sujet de ma propre recherche. Inspirée par une période de ma vie plus insouciante, j’ai essayé d’observer ce qui s’était passé en moi, et non autour de moi.

Quel rôle joue le corps, dans Kochan ?

Il va au-delà de son aspect matériel. Il tente de devenir quelque chose d’universel. C’est peut-être même une recherche autour du concept du genre – si le genre existe réellement. Je voulais me débarrasser des stéréotypes, des règles. Être libre de mes décisions. Mon corps vogue comme il le veut sur ce territoire, il suit ses propres directions.

© Alessandra Calo

© Alessandra Calo© Alessandra Calo
© Alessandra Calo© Alessandra Calo

© Alessandra Calo

 

© Alessandra Calo© Alessandra Calo
© Alessandra Calo© Alessandra Calo

© Alessandra Calo

Explorez
Fisheye #73 : vivre d'Amour et d'images
© Jenny Bewer
Fisheye #73 : vivre d'Amour et d’images
Dans son numéro #73, Fisheye sonde les représentations photographiques de l’amour à l’heure de la marchandisation de l’intime. À...
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
RongRong & inri : « L'appareil photo offre un regard objectif sur le sentiment amoureux »
Personal Letters, Beijing 2000 No.1 © RongRong & inri
RongRong & inri : « L’appareil photo offre un regard objectif sur le sentiment amoureux »
Le couple d’artiste sino‑japonais RongRong & inri, fondateur du centre d’art photographique Three Shadows, ouvert en 2007 à Beijing...
04 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Dans l’œil de Valentine de Villemeur : un réfrigérateur révélateur
© Valentine de Villemeur
Dans l’œil de Valentine de Villemeur : un réfrigérateur révélateur
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil de Valentine de Villemeur. La photographe a consigné le parcours de sa procréation...
01 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Yu Hsuan Chang : des femmes et des montagnes
G-Book © Yu Hsuan Chang
Yu Hsuan Chang : des femmes et des montagnes
Dans des collectes effrénées d’images, la photographe taïwanaise Yu Hsuan Chang transcrit autant la beauté de son pays que la puissance...
25 août 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Sandra Calligaro : à Visa pour l'image, les Afghanes sortent de l'ombre
Fahima (17 ans) révise dans le salon familial. Elle suit un cursus accessible en ligne sur son smartphone. Kaboul, Afghanistan, 24 janvier 2025. © Sandra Calligaro / item Lauréate 2024 du Prix Françoise Demulder
Sandra Calligaro : à Visa pour l’image, les Afghanes sortent de l’ombre
Pour la 37e édition du festival Visa pour l’Image à Perpignan qui se tient jusqu’au 14 septembre 2025, la photojournaliste Sandra...
Il y a 4 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Fisheye #73 : vivre d'Amour et d'images
© Jenny Bewer
Fisheye #73 : vivre d'Amour et d’images
Dans son numéro #73, Fisheye sonde les représentations photographiques de l’amour à l’heure de la marchandisation de l’intime. À...
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Nicole Tung, ultime lauréate du Prix Carmignac !
Diverses espèces de requins, dont certaines sont menacées d'extinction, tandis que d'autres sont classées comme vulnérables, ont été ramenées à terre à l'aube par des pêcheurs commerciaux au port de Tanjung Luar, le lundi 9 juin 2025, à Lombok Est, en Indonésie. Tanjung Luar est l'un des plus grands marchés de requins en Indonésie et en Asie du Sud-Est, d'où les ailerons de requins sont exportés vers d'autres marchés asiatiques, principalement Hong Kong et la Chine, où les os sont utilisés dans des produits cosmétiques également vendus en Chine. La viande et la peau de requin sont consommées localement comme une importante source de protéines. Ces dernières années, face aux vives critiques suscitées par l'industrie non réglementée de la pêche au requin, le gouvernement indonésien a cherché à mettre en place des contrôles plus stricts sur la chasse commerciale des requins afin de trouver un équilibre entre les besoins des pêcheurs et la nécessité de protéger les populations de requins en déclin © Nicole Tung pour la Fondation Carmignac.
Nicole Tung, ultime lauréate du Prix Carmignac !
La lauréate de la 15e édition du Prix Carmignac vient d’être révélée : il s’agit de la photojournaliste Nicole Tung. Pendant neuf mois...
04 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
RongRong & inri : « L'appareil photo offre un regard objectif sur le sentiment amoureux »
Personal Letters, Beijing 2000 No.1 © RongRong & inri
RongRong & inri : « L’appareil photo offre un regard objectif sur le sentiment amoureux »
Le couple d’artiste sino‑japonais RongRong & inri, fondateur du centre d’art photographique Three Shadows, ouvert en 2007 à Beijing...
04 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger