Joakim Kocjancic : une nuit à Bucarest

16 novembre 2023   •  
Écrit par Ana Corderot
Joakim Kocjancic : une nuit à Bucarest
© Joakim Kocjancic

Dans The City of dreams, Joakim Kocjancic dépeint Bucarest en monochromes, comme dans un rêve éveillé. La ville prend vie sous des flashs impétueux et nous conte elle-même sa folle histoire…

© Joakim Kocjancic

Les passant·es foulent les pavés, le ciel est triste ou endormi habillé de sa robe nuageuse. Il a l’air de faire froid, mais grâce aux sourires que l’on aperçoit, une chaleur s’immisce dans le brouillard. Il fait meilleur la nuit, paraît-il, au moment où les rêves et le champ des possibles s’ouvrent sur la ville. C’est en tout cas ce qu’a ressenti Joakim Kocjancic lorsqu’il a bravé les ruelles de Bucarest pour la première fois.

Tout démarre en octobre 2019, alors qu’il s’envole pour quelques jours seulement dans la capitale roumaine. « C’était une journée d’automne chaude et ensoleillée. Depuis le rond-point, je suis entré dans la rue Mendeleev et j’ai eu l’impression d’ouvrir une porte sur un nouveau monde. De vieux bâtiments du 19e siècle, des maisons art déco, des câbles électriques qui pendent partout, tant de couches de temps, de vie, de gens… J’ai été immédiatement fasciné et attiré par cette rue. Lorsque je me suis promenée dans le centre-ville, je me suis sentie à l’aise avec la vie urbaine et ses habitants. C’était détendu, sans prétention et accessible. J’ai senti que je pouvais communique même niveau, même si je ne connaissais pas la langue », explique-t-il dans une interview accordée à Andrei Becheru, directeur artistique et photographe roumain.

De retour à Stockholm où il est installé, il se plonge dans la lecture de Solenoid de Mircea Cărtărescu, un roman surréaliste situant son histoire à Bucarest. Il est immédiatement bouleversé, ses souvenirs de voyage se mélangeant à la prose de l’auteur, et très vite il ressent le besoin de retourner là-bas. De ce séjour liminaire trois autres suivront, toujours de façon brève, comme une escapade nécessaire, suffisamment intense pour capter des instants fougueux.

© Joakim Kocjancic

© Joakim Kocjancic
© Joakim Kocjancic
© Joakim Kocjancic

© Joakim Kocjancic

La ville en partenaire

Ayant vécu à Milan, d’une mère suédoise et d’un père italien, Joakim Kocjancic a toujours été fasciné par l’aura attractive des milieux citadins. Pendant ses études de peinture à l’Académie d’art de Florence, suivies d’un master de photojournalisme à Londres, il parcourt l’Europe, de l’Irlande à l’Angleterre en passant par la Belgique et l’Espagne, tout en façonnant son regard photographique. En découlent plusieurs séries, dont Europea, ode à l’éclectisme européen, et à l’évanescence de l’ordinaire.

Et pour créer The city of dreams, il capte dans l’urgence, dans l’effervescence d’un geste, frontalement et sans jugements ce qui s’y passe. Comme dans l’ensemble de son œuvre, il shoote en noir et blanc et à l’argentique, laissant ainsi peser le doute sur la période, les saisons où l’heure de la prise de vue. Un manque de repères suscitant une complicité avec l’éternel. Une sorte de mirage éveillé, comme celui que Bucarest lui a procuré la première fois. Dans les images, les fils électriques s’étirent, les flous étourdissent, les visages des inconnu·es défilent, se posent un instant pour repartir aussitôt… La ville nous parle, nous appelle à sombrer à ses côtés, à écouter ronronner les moteurs endormis, et à admirer la danse entêtante des radars dans le noir. C’est avec Bucarest tout entière que Joakim Kocjancic s’est entretenu pour écrire sa série, telle une caresse bienveillante en pleine nuit.

© Joakim Kocjancic
© Joakim Kocjancic
© Joakim Kocjancic
© Joakim Kocjancic
© Joakim Kocjancic

© Joakim Kocjancic

© Joakim Kocjancic

© Joakim Kocjancic
© Joakim Kocjancic
© Joakim Kocjancic
Explorez
16 expositions photographiques à découvrir en novembre 2025
Topside III, de la série L’île naufragée, 2022 © Richard Pak
16 expositions photographiques à découvrir en novembre 2025
Pour occuper les journées d'automne, la rédaction de Fisheye a sélectionné une série d'événements photographiques à découvrir à Paris et...
17 novembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Paris Photo 2025 : atteindre sa montagne intérieure avec Suwon Lee
© Suwon Lee, Pico Bolívar I, 2025 / Courtesy of Sorondo Projects
Paris Photo 2025 : atteindre sa montagne intérieure avec Suwon Lee
Présentée cette année par Sorondo Projects (Barcelone) à Paris Photo, la série The Sacred Mountain de Suwon Lee raconte une quête...
14 novembre 2025   •  
Écrit par Milena III
Les images de la semaine du 20 octobre 2025 : famille, cultures alternatives et lumière
© Sara Silks
Les images de la semaine du 20 octobre 2025 : famille, cultures alternatives et lumière
C’est l’heure du récap ! Dans les pages de Fisheye cette semaine, les photographes nous font voyager, aussi bien dans des lieux...
26 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Festival InCadaqués 2025 : les coups de cœur de la rédaction
Hail Mary, bobbin lace, serpent’s thread © Emilia Martin, Special Mention InCadaqués Festival Open Call 2025
Festival InCadaqués 2025 : les coups de cœur de la rédaction
La rédaction de Fisheye a déambulé dans les rues idylliques du village de Cadaqués, en Espagne, à l'occasion du Festival Photo...
16 octobre 2025   •  
Nos derniers articles
Voir tous les articles
À la MEP, Tyler Mitchell joue avec les codes du portrait formel
The root of all that lives, 2020 © Tyler Mitchell. Courtesy de l'artiste et de la Galerie Gagosian
À la MEP, Tyler Mitchell joue avec les codes du portrait formel
Jusqu’au 25 janvier 2026, la Maison européenne de la photographie présente la première exposition personnelle de Tyler Mitchell en...
19 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Au musée des Arts décoratifs, Guénaëlle de Carbonnières exhume la mémoire
© Guénaëlle de Carbonnières
Au musée des Arts décoratifs, Guénaëlle de Carbonnières exhume la mémoire
Jusqu’au 1er février 2026, le musée des Arts décoratifs de Paris vous invite à découvrir Dans le creux des images. Cette exposition...
19 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Loose Fist : une cartographie de la masculinité par Arhant Shrestha
Adarsh © Arhant Shrestha
Loose Fist : une cartographie de la masculinité par Arhant Shrestha
À la librairie 7L, le photographe népalais Arhant Shrestha présente Loose Fist, livre et exposition issus d’un long travail de...
18 novembre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
La sélection Instagram #533 : au pays des mots
© Simon Phumin / Instagram
La sélection Instagram #533 : au pays des mots
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine se plongent dans les livres et les univers composés de mots. Ouvrages, magazines...
18 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger