Durant tout l’été, la galerie de photographie du Centre Pompidou, en contrepoint d’Allemagne / Années 1920 / Nouvelle Objectivité / August Sander, vous ouvre les portes de la rétrospective du photographe allemand Jochen Lempert. Biologiste de formation, l’artiste encapsule un écosystème délicat et personnel. Une exposition à découvrir jusqu’au 4 septembre 2022.
Diptyque de grenouilles, envolées de papillons, irruption soudaine d’un croissant de lune, détails microscopiques d’une feuille d’arbre… Teintées d’onirismes, les monochromes de Jochen Lempert inspectent le vivant d’un regard sensible et subjectif. D’abord biologiste et spécialiste des libellules, ce n’est qu’à partir de la fin des années 1980, à 31 ans, que l’artiste allemand se tourne vers le 8e art. En observateur aguerri, il privilégie alors un boîtier 50mm − qu’il utilise encore aujourd’hui − afin de conserver sa relation de proximité à l’environnement qu’il chérit. Cette appétence pour le détail, l’exposition en cours à la galerie photographique en fait l’état, retraçant trois décennies de son travail photographique. Divisée en trois parties : « Physionomies / Morphologies », « Bioluminescence » et « Perception » − présentées sans chronologie distincte −, la rétrospective dévoile les contours d’une nature aérienne et parfois labile.
© Jochen Lempert
L’écosystème de l’intime
Avant de rentrer dans la galerie, un cartel nous avertit sur la fragilité des images exposées. Une caractéristique propre à la matérialité des œuvres, mais que l’on pourrait également relier aux sujets des clichés eux-mêmes. En effet, alternant entre grand et petits formats, Jochen Lempert révèlent une attention particulière portée aux papiers et aux textures, accentuant ainsi la sensualité de ses images. Déployés dans une scénographie minimaliste − voire certaines fois poussée à son paroxysme, avec des images dépourvues de cadres déposées sur les cimaises, ou en vitrines − les clichés aux titres simples et évocateurs dévoilent l’évanescence des organismes naturels et biologiques. Entre végétal, animal et humain, les mondes apparaissent et disparaissent dans la tendresse du regard de Jochen Lempert. À travers ses petites fables visuelles, la nature s’offre à nous, perd ses feuilles, se disloque, mais se renouvelle indéfiniment.
Et avec Jochen Lempert, la rondeur de la lune nous rassure, la poussière devient trainée d’étoiles, le sable dialogue avec la nuit dans Wandering Dune, les pointillées rugueux d’un corps animal s’apparentent aux cosmos. Ici, la faune et la flore s’incarnent et ressentent des milliers d’émotions. Poésie de l’infiniment petit, le travail de l’artiste traduit finalement toute la vulnérabilité d’un être humain dans un univers immensément grand. « Ces images délicates, poétiques, toujours en noir et blanc, rendent hommage aux explorations photographiques des plantes par Anna Atkins et Karl Blossfeldt ; elles résonnent tout autant avec l’iconographie surréaliste d’un Jean Painlevé comme avec l’œil objectif des photographes modernistes allemands », concluent les commissaires Florian Ebner et Julie Jones.
© Jochen Lempert