
Avec A Failed Attempt to Photograph Reality, Julian Slagman compose des lettres personnelles qui mêlent des images monochromes et des poèmes. Issu d’une démarche intuitive, ce travail, présenté au Danemark et en Suède dans un premier temps, dévoile sa relation intime au monde à travers l’objectif.
Après avoir publié son livre Looking at My Brother aux éditions Diskobay, Julian Slagman replonge dans ses archives, notamment les premiers clichés qu’il a pris lorsqu’il avait 15 ou 16 ans. « En les regardant aujourd’hui, je me rends compte que je ne réfléchissais pas du tout à ce que je photographiais. Je me contentais de suivre mon intuition », confie-t-il. Toujours en noir et blanc, avec une focale fixe (comme dans le temps), l’artiste installé en Suède observe et fait des images sans penser à la technique. « Quand j’étais adolescent, je photographiais de manière très enfantine, car je n’avais pas encore de formation. Je voulais vraiment revenir à cette façon particulière de voir le monde », poursuit-il. Il se focalise alors à nouveau sur des moments de vie, des détails, des visages, des paysages ou des voyages entre l’Allemagne et la Suède, sans se préoccuper de la lumière ou des réglages du boîtier. « Pour moi, l’appareil argentique que l’on tient dans la main et que l’on place devant son œil est en quelque sorte un outil qui permet de comprendre sa propre relation avec son environnement, ses émotions, sa famille. C’est ainsi que s’est développé, petit à petit, A Failed Attempt to Photograph Reality », ajoute Julian Slagman. Ce projet, qui tire son titre d’un essai du même nom écrit par le photographe américain Duane Michals, consiste pour le moment en 165 tirages uniques de petite taille qui ont été présentés dans des galeries au Danemark et en Suède. Aujourd’hui, ils font d’objet d’une exposition digitale et sont voués à devenir des lettres personnelles.


S’asseoir avec les photographies et lâcher prise
Pour concevoir ces lettres personnelles, Julian Slagman écrit des poèmes courts accompagnant chacune des 165 photographies de A Failed Attempt to Photograph Reality. « J’ai toujours été intéressé par les textes fragmentés. Cela décrit quelque chose qui relève davantage du sentiment que d’un récit spécifique, peut-être », remarque l’auteur. Il compose des cartes postales sur lesquelles dialoguent mots, faits de petits tampons alphabétiques, et images – destinées à être vendues. « J’aimais beaucoup l’idée de conserver tous ces tirages, mais je trouve cela agréable de savoir qu’ils peuvent vivre ou exister dans des endroits et des contextes différents, même au risque qu’ils disparaissent », détaille-t-il. Alors, tel un rituel, Julian Slagman s’assied une trentaine de minutes avec chaque photographie, rédige le texte et réalise la carte. « Je pense que c’est bien de lâcher prise sur les photos et, dans ce sens, les envoyer sous forme de lettre est une belle façon de procéder, car c’est très tactile », explique l’artiste. Ce projet traduit du temps qui passe. Le photographe accède à ses sentiments, les contemple et se retrouve en mesure de lâcher prise, d’accepter les choses du quotidien, les gens qui entrent et qui quittent sa vie. « Le passage du temps et cette proximité émotionnelle avec les images et les mots, c’est ce qui me préoccupe en ce moment », conclut Julian Slagman. Et pour celles et ceux qui souhaitent toujours regarder ces clichés délicats, l’artiste assure que l’exposition digitale servira de catalogue permanent.


