Kayla Connors : Ô monde réel

24 avril 2025   •  
Écrit par Ana Corderot
Kayla Connors : Ô monde réel
© Kayla Connors
Deux hommes en sweater assis sur un banc
© Kayla Connors

Puisant son inspiration dans le cinéma, Kayla Connors s’empare des codes de la mode pour conter des histoires singulières, ancrées dans le réel, mais empreintes de féminité, de force et d’esprit de communauté.

Iels arborent une moue rêveuse, parfois boudeuse et font corps avec leurs vêtements, qui racontent l’histoire de celles et ceux qui les portent. L’ambiance générale est imprégnée de satire. Aucun faux raccord, et pourtant, on ne se prend pas trop au sérieux. Au contraire, on cherche à faire irradier l’authenticité. Voilà ce qui pourrait résumer le travail de Kayla Connors : une maîtrise de l’esthétique et un goût prononcé pour ce qui touche au réel. L’artiste de 26 ans, originaire de Suisse, fait ses premiers pas dans le milieu de la photo en s’installant à Londres pour poursuivre une licence en histoire et conservation à la Central Saint Martins College of Art and Design, puis un master en création d’image dans la même école. Imprégnée par le monde de la conservation d’images, elle aspire à devenir photographe documentaire avant de développer un attrait profond pour le cinéma, qui infuse encore aujourd’hui son travail. En jouant avec les codes de la photographie de mode, elle entend dépasser ses limites habituelles. L’idée qu’elle se fait de cette imagerie, c’est que le vêtement est un outil narratif en soi, un élément qui permet de construire des personnages et des intrigues. « Beaucoup de gens ne le comprennent pas, mais la mode est un moyen de raconter des histoires. Et la photographie est mon deuxième canal préféré pour le faire. Une image peut contenir un film entier, chaque spectateur·ice peut y ajouter sa propre interprétation. La mode est simplement un moyen d’aider à créer des personnages et à exprimer leur identité. »

Kayla Connors garde un souvenir marquant de sa première rencontre avec la photographie de mode, lors d’une exposition de l’artiste américain Herb Ritts, face à une image représentant simplement un maillot de bain et des jambes. Un « juste rien » qui la transcende aussitôt. « Je savais que c’était une photographie de mode, mais il n’y avait pas de mode. Et pourtant, elle racontait une histoire », se rappelle-t-elle. Depuis, Kayla Connors s’est établie à Paris, où elle s’épanouit au rythme des campagnes pour lesquelles elle shoote et collabore avec différentes marques et magazines, tels que Dazed ou Self Service.

Trois hommes noirs assis sur un canapé, l'un téléphone, le second mange et le dernier tient quelque chose dans ses mains
© Kayla Connors
Deux femmes dont on ne voit pas le visage, bien habillées
© Kayla Connors
Couverture de Fisheye Magazine #70 : Griffes
156 pages
7,50 €

Sublimer le réel

Pour créer, elle s’inspire de ses relations et de son quotidien : avec un peu d’imagination, tout est sujet à réinterprétation. Ainsi, elle sublime le réel en lui conférant mouvement et rêverie. Pour Kayla Connors, l’intérêt d’une photographie réside dans cette capacité à émouvoir et toucher le plus grand nombre sans le prendre de haut. « Je pense que c’est ça, la vie. Rien n’est sérieux, surtout pas la mode ! Il est important de se rappeler que nous ne sommes pas des scientifiques, que nous ne construisons pas des fusées. Nous sommes là pour inspirer, pour rêver. Il faut donc garder une certaine légèreté tout en représentant la vraie vie », nuance-t-elle.

Son regard sur l’industrie de la mode est teinté d’une volonté d’évolution, d’un besoin de ralentissement face à la surproduction et d’une prise de conscience plus globale des enjeux écologiques. Elle espère que les créateur·ices émergent·es pourront développer de nouvelles manières de concevoir des vêtements et accessoires. Elle insiste également sur la nécessité de la collaboration dans la photographie. « Aucune de mes photos n’aurait pu être créée sans mon équipe », affirme-t-elle. « Nos images construisent la mode d’aujourd’hui. Avec de la visibilité et une meilleure représentation, nous avançons dans la bonne direction, mais tant de choses restent à remettre en question – de nouvelles voix doivent être soutenues. » Difficile pour Kayla Connors d’isoler ses images pour en choisir une. Elles cohabitent ensemble, forment un tout, un univers unique où se mêlent féminité, force et communauté.

Cet article est à retrouver dans Fisheye #70. Rendez-vous par ici pour découvrir plus de sujets de notre dossier spécial mode.

Plusieurs personnes dans un bureau
© Kayla Connors
deux femmes, une en blanc s'étire la jambe, l'autre en rouge à un pied posé sur un banc
© Kayla Connors
Deux femmes adossées à des rambardes dans un champ
© Kayla Connors
Une femme blonde portant des lunettes de soleil
© Kayla Connors
Deux femmes se tenant le bras près d'un lac entouré de forêt
© Kayla Connors
À lire aussi
Fisheye #70 : la photographie de mode montre ses griffes
© Léo Baranger
Fisheye #70 : la photographie de mode montre ses griffes
Alors que la Fashion Week parisienne vient de s’achever, Fisheye consacre son numéro #70 à la mode. Au fil des pages, photographes et…
12 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Rino Qiu : Le manifeste des petites mains
Shanghai Project © Rino Qiu
Rino Qiu : Le manifeste des petites mains
Dans sa série Shanghai Project, Rino Qiu met en lumière les coulisses de la création d’une photographie de mode. Son regard se pose sur…
10 avril 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Algorithmes 
sous influence
© Lena Simonne, backstage du show Étam 2024 à Paris.
Algorithmes 
sous influence
Autrefois dominé par les magazines et les photographes, le secteur de la mode s’est transformé sous l’impulsion…
27 mars 2025   •  
Écrit par Anaïs Viand
Explorez
Le Liban suspendu de Charbel Alkhoury 
© Charbel Alkhoury
Le Liban suspendu de Charbel Alkhoury 
Avec Not Here Not There, l’artiste visuel libanais Charbel Alkhoury propose un ouvrage bouleversant, à mi-chemin entre mémoire intime et...
08 août 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Chloe Sharrock : chants de bataille
© Chloe Sharrock / MYOP
Chloe Sharrock : chants de bataille
Photojournaliste de profession, Chloe Sharrock a couvert de nombreux conflits. Dans Il hurlait encore, la membre de l’agence MYOP...
07 août 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Visa pour l’image 2025 : récits d’un monde en crise
Des chèvres se tiennent près d’une maison alors que l’incendie de Thompson progresse à Oroville. 2 juillet 2024. © Josh Edelson / AFP
Visa pour l’image 2025 : récits d’un monde en crise
Du 30 août au 14 septembre 2025, Perpignan accueille la 37e édition de Visa pour l’image, le grand rendez-vous international du...
06 août 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
5 questions à Nyo Jinyong Lian : la fiction pour (re)faire société
Intrusion, de la série Trust Me © Nyo Jinyong Lian
5 questions à Nyo Jinyong Lian : la fiction pour (re)faire société
L’artiste chinoise Nyo Jinyong Lian, récemment diplômée des Beaux-Arts de Paris et lauréate du prix Jeunes Talents 2025 des Agents...
06 août 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Sarah Moon, expérimentations et ville engloutie : dans la photothèque de Sophie Alyz
Un ou une artiste que tu admires par-dessus tout ? © Sophie Alyz
Sarah Moon, expérimentations et ville engloutie : dans la photothèque de Sophie Alyz
Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les artistes des pages de Fisheye reviennent sur les œuvres et les...
13 août 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Du silence aux images : le mentorat des Filles de la photo
© Claire Delfino
Du silence aux images : le mentorat des Filles de la photo
Quand la photographie devient le lieu d’un tissage mémoriel, politique et sensible, le mentorat des Filles de la Photo affirme toute sa...
12 août 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
La sélection Instagram #519 : évasion infinie
© Giorgia Pastorelli / Instagram
La sélection Instagram #519 : évasion infinie
Liberté. Ce mot résonne avec le clairon de l’été. Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine célèbrent la douceur et le...
12 août 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Dans l'œil de Jonathan Chandi : un clip dans un monde parallèle
© Jonathan Chandi
Dans l’œil de Jonathan Chandi : un clip dans un monde parallèle
Aujourd’hui, plongée dans l’œil de Jonathan Chandi, photographe autodidacte belge. L’artiste réinterprète avec une grande délicatesse et...
11 août 2025   •  
Écrit par Marie Baranger