Puisant son inspiration dans le cinéma, Kayla Connors s’empare des codes de la mode pour conter des histoires singulières, ancrées dans le réel, mais empreintes de féminité, de force et d’esprit de communauté.
Iels arborent une moue rêveuse, parfois boudeuse et font corps avec leurs vêtements, qui racontent l’histoire de celles et ceux qui les portent. L’ambiance générale est imprégnée de satire. Aucun faux raccord, et pourtant, on ne se prend pas trop au sérieux. Au contraire, on cherche à faire irradier l’authenticité. Voilà ce qui pourrait résumer le travail de Kayla Connors : une maîtrise de l’esthétique et un goût prononcé pour ce qui touche au réel. L’artiste de 26 ans, originaire de Suisse, fait ses premiers pas dans le milieu de la photo en s’installant à Londres pour poursuivre une licence en histoire et conservation à la Central Saint Martins College of Art and Design, puis un master en création d’image dans la même école. Imprégnée par le monde de la conservation d’images, elle aspire à devenir photographe documentaire avant de développer un attrait profond pour le cinéma, qui infuse encore aujourd’hui son travail. En jouant avec les codes de la photographie de mode, elle entend dépasser ses limites habituelles. L’idée qu’elle se fait de cette imagerie, c’est que le vêtement est un outil narratif en soi, un élément qui permet de construire des personnages et des intrigues. « Beaucoup de gens ne le comprennent pas, mais la mode est un moyen de raconter des histoires. Et la photographie est mon deuxième canal préféré pour le faire. Une image peut contenir un film entier, chaque spectateur·ice peut y ajouter sa propre interprétation. La mode est simplement un moyen d’aider à créer des personnages et à exprimer leur identité. »
Kayla Connors garde un souvenir marquant de sa première rencontre avec la photographie de mode, lors d’une exposition de l’artiste américain Herb Ritts, face à une image représentant simplement un maillot de bain et des jambes. Un « juste rien » qui la transcende aussitôt. « Je savais que c’était une photographie de mode, mais il n’y avait pas de mode. Et pourtant, elle racontait une histoire », se rappelle-t-elle. Depuis, Kayla Connors s’est établie à Paris, où elle s’épanouit au rythme des campagnes pour lesquelles elle shoote et collabore avec différentes marques et magazines, tels que Dazed ou Self Service.
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Sublimer le réel
Pour créer, elle s’inspire de ses relations et de son quotidien : avec un peu d’imagination, tout est sujet à réinterprétation. Ainsi, elle sublime le réel en lui conférant mouvement et rêverie. Pour Kayla Connors, l’intérêt d’une photographie réside dans cette capacité à émouvoir et toucher le plus grand nombre sans le prendre de haut. « Je pense que c’est ça, la vie. Rien n’est sérieux, surtout pas la mode ! Il est important de se rappeler que nous ne sommes pas des scientifiques, que nous ne construisons pas des fusées. Nous sommes là pour inspirer, pour rêver. Il faut donc garder une certaine légèreté tout en représentant la vraie vie », nuance-t-elle.
Son regard sur l’industrie de la mode est teinté d’une volonté d’évolution, d’un besoin de ralentissement face à la surproduction et d’une prise de conscience plus globale des enjeux écologiques. Elle espère que les créateur·ices émergent·es pourront développer de nouvelles manières de concevoir des vêtements et accessoires. Elle insiste également sur la nécessité de la collaboration dans la photographie. « Aucune de mes photos n’aurait pu être créée sans mon équipe », affirme-t-elle. « Nos images construisent la mode d’aujourd’hui. Avec de la visibilité et une meilleure représentation, nous avançons dans la bonne direction, mais tant de choses restent à remettre en question – de nouvelles voix doivent être soutenues. » Difficile pour Kayla Connors d’isoler ses images pour en choisir une. Elles cohabitent ensemble, forment un tout, un univers unique où se mêlent féminité, force et communauté.
Cet article est à retrouver dans Fisheye #70. Rendez-vous par ici pour découvrir plus de sujets de notre dossier spécial mode.