Kyotographie : cap sur Kyoto, où l’image devient territoire

25 avril 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche
Kyotographie : cap sur Kyoto, où l’image devient territoire
© Mao Ishikawa
Portrait d'une femme
© Mao Ishikawa


Direction le Japon, plus précisément Kyoto, où le festival Kyotographie, fondé en 2013 par Lucille Reyboz et Yusuke Nakanishi, explore cette année le thème « Humanity ». Cette 13e édition est marquée par deux expositions majeures, signées Mao Ishikawa et Graciela Iturbide, et par l’énergie renouvelée du parcours KG+, vivier de la photographie émergente.

Qu’est-ce que l’humanité quand on la regarde en face ? Quand on photographie celles et ceux qu’on préfère oublier ? C’est la question posée cette année à Kyotographie, dans une programmation pensée comme une traversée visuelle. Des temples, des maisons traditionnelles, des friches industrielles deviennent les écrins de récits souvent tus. Deux expositions, notamment, incarnent avec force cette tension : Red Flower – The Women of Okinawa de Mao Ishikawa et la rétrospective de l’œuvre de Graciela Iturbide.

Ces couples mixtes qui dérangent

À Kondaya Genbei, Mao Ishikawa présente Red Flower – The Women of Okinawa. Dans les années 1970, l’artiste originaire d’Okinawa partageait le quotidien de femmes japonaises travaillant dans des bars fréquentés par des soldats afro-américains. Serveuse à l’époque, elle photographie de l’intérieur, sans mise en scène. Le contexte est lourd : ces couples mixtes dérangent. Le regard extérieur est stigmatisé. Les soldats noirs sont discriminés jusque dans les bases. Quant aux femmes, elles sont rejetées pour leur proximité avec eux. Taro Amano, commissaire de l’exposition, nous l’a rappelé : il s’agissait d’« un rejet partagé, doublé d’un silence pesant ». Certaines images, restées inédites jusqu’à aujourd’hui, prennent une résonance nouvelle. Née en 1953, Mao Ishikawa poursuit inlassablement son travail sur les marges et les tensions du Japon contemporain, avec une lucidité intacte.

Des enfants jouants dans un parc
© Mao Ishikawa
Portrait d'une femme
© Graciela Iturbide

« Je photographie pour comprendre »

Au City Museum of Art Annex, la photographe mexicaine Graciela Iturbide propose une rétrospective forte et sans fioritures. On y retrouve des images devenues iconiques : Mujer Ángel, prise dans le désert de Sonora, ou encore les femmes zapotèques de Juchitán. Il n’y a pas de mise en scène. Juste un regard précis. Une tension constante entre modernité et tradition. Ces lieux aussi portent l’histoire : Ostie, sur les traces de Pasolini. La salle de bain de Frida Kahlo, restée close cinquante ans, où elle capte un autoportrait d’une rare pudeur. Formée par Manuel Álvarez Bravo, Graciela Iturbide photographie depuis les années 1970 une humanité digne, discrète, souvent en marge. « Je ne prends pas de photos pour surprendre. Je photographie pour comprendre », explique-t-elle.

KG+ : le terrain libre d’une création émergente

En parallèle du programme officiel, KG+ continue d’ouvrir de nouveaux espaces depuis sa création en 2013. Ce « hors-champ » du festival accueille des projets plus jeunes, plus libres. Cette année, le Bolivien Federico Estol est récompensé pour Shine Heroes, une série dans laquelle les cireurs de chaussures de La Paz deviennent superhéros du quotidien. Un travail simple, visuel et politiquement chargé. 

Avec ses fanions jaunes disséminés dans la ville, KG+ incarne une volonté claire : faire exister des projets sans complexe, à la marge du système, mais au cœur du regard. Tout au long du parcours, des visions singulières jalonnent le festival, parfois jusqu’à la rencontre : JR, Martin Parr, Éric Poitevin, Pushpamala N, Adam Rouhana, Keijiro Kai, Laetitia Ky, Tamaki Yoshida, Hsin-Yu Liu, Eamonn Doyle, Omar Victor Diop… Autant de façons d’interroger l’image aujourd’hui. Et une question qui persiste, plus que jamais : qu’est-ce que Humanity ?

Un article complet sera à retrouver dans Fisheye #71, à découvrir prochainement en kiosque.

Kyotographie 2025
Image extraite de la série Red Flower: The Women of Okinawa, 1975-1977 © Mao Ishikawa
Terminé
Festival
Kyotographie 2025
12.0411.05
Kyoto, Japon
À l’occasion de Kyotographie, l’ancienne capitale impériale japonaise, Kyoto, se métamorphose en un lieu d’expositions à ciel ouvert….
Une femme vue de dos
© Graciela Iturbide
À lire aussi
16 expositions photographiques à découvrir en novembre 2025
Topside III, de la série L’île naufragée, 2022 © Richard Pak
16 expositions photographiques à découvrir en novembre 2025
Pour occuper les journées d’automne, la rédaction de Fisheye a sélectionné une série d’événements photographiques à découvrir à Paris et…
17 novembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Héroes del Brillo : Federico Estol et le contrepied des super héros
© Federico Estol
Héroes del Brillo : Federico Estol et le contrepied des super héros
En Bolivie, dans les rues agitées de La Paz, se cachent d’étranges personnages. Leurs visages cachés par des masques ou des cagoules, ils…
16 novembre 2023   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Explorez
Les images de la semaine du 17 novembre 2025 : portraits du passé et du présent
I Saw a Tree Bearing Stones in Place of Apples and Pears © Emilia Martin
Les images de la semaine du 17 novembre 2025 : portraits du passé et du présent
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les photographes de Fisheye dépeignent différentes réalités. Certains puisent leur inspiration...
23 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
5 événements photo à découvrir ce week-end
© Sandra Eleta
5 événements photo à découvrir ce week-end
Ça y est, le week-end est là. Si vous prévoyez une sortie culturelle, mais ne savez pas encore où aller, voici cinq événements...
22 novembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
La Galerie Carole Lambert réenchante l'œuvre de Manuel Álvarez Bravo
Petit cheval de Quito © Archivo Manuel Álvarez Bravo
La Galerie Carole Lambert réenchante l’œuvre de Manuel Álvarez Bravo
Jusqu'au 18 décembre 2025, la Galerie Carole Lambert devient l’écueil des 40 tirages d’exception du photographe mexicain Manuel Álvarez...
21 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Emilio Azevedo : En ligne de mire
Rondônia (Comment je suis tombé amoureux d’une ligne), 2023 © Emilio Azevedo
Emilio Azevedo : En ligne de mire
Présentée dans le cadre du festival PhotoSaintGermain et au musée du Quai Branly, l'exposition Rondônia. Comment je suis tombé amoureux...
20 novembre 2025   •  
Écrit par Milena III
Nos derniers articles
Voir tous les articles
La sélection Instagram #534 : film noir
© Lux Corvo / Instagram
La sélection Instagram #534 : film noir
Alors que les jours s’assombrissent et que la nuit domine, les artistes de notre sélection Instagram de la semaine nous plongent dans les...
Il y a 4 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Dans l’œil de Naïma Lecomte : rendez-vous au bord de l’eau après les cours
© Naïma Lecomte / Planches Contact Festival
Dans l’œil de Naïma Lecomte : rendez-vous au bord de l’eau après les cours
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil de Naïma Lecomte. Jusqu’au 4 janvier 2026, l’artiste présente Ce qui borde à Planches...
24 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #566 : Lalitâ-Kamalâ Valenta et Kordélia Phan
© Lalitâ-Kamalâ Valenta
Les coups de cœur #566 : Lalitâ-Kamalâ Valenta et Kordélia Phan
Lalitâ-Kamalâ Valenta et Kordélia Phan, nos coups de cœur de la semaine, documentent des univers spécifiques. La première s’intéresse à...
24 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les images de la semaine du 17 novembre 2025 : portraits du passé et du présent
I Saw a Tree Bearing Stones in Place of Apples and Pears © Emilia Martin
Les images de la semaine du 17 novembre 2025 : portraits du passé et du présent
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les photographes de Fisheye dépeignent différentes réalités. Certains puisent leur inspiration...
23 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet