L’Afrique a été beaucoup photographiée de l’extérieur: alors qu’en est-il lorsqu’elle devient son propre sujet ? Quand elle devient un observateur de notre monde contemporain? En retournant l’appareil photo, les artistes africains posent leur regard sur eux et sur le monde avec une vision inédite. Les artistes, pour la plupart, connaissent parfaitement la contemporanéité occidentale alors que, bien souvent, celle-ci ignore l’Afrique telle qu’elle est aujourd’hui. Le collectionneur Sindika Dokolo explique:
“L’Afrique n’est pas la même qu’il y a 10 ans et encore moins celle d’il y a 20 ans”
Avec le titre paradoxal de l’exposition “You Love Me, You Love Me Not“, les photographes nous parlent d’eux et de nous. Ils nous livrent en quelque sorte une interprétation de cette citation de Jean-Paul Sartre, relevée par le curateur Simon Njami: “Je vous souhaite de ressentir comme moi, le saisissement d’être vu”.
La part de la photographie dans l’exposition
La photographie est très présente dans l’exposition et pourtant elle n’est pas le support préféré du collectionneur Sindika Dokolo. Alors comment expliquer sa relative abondance ? Principalement parce que la photographie prend une place assez importante dans la création contemporaine de l’Afrique.
C’est d’ailleurs le photographe africain Malik Sidibe qui reçoit le Lion d’Or à la biennale de Venise de 2007. Idem pour Edson Chagas en 2013. Entre temps le marché international de la photographie a vu apparaître de grands noms issus de ce continent comme Samuel Fosso ou encore Yinka Shonibare. Les Rencontres de Bamako et le Lagos Photo Festival sont aussi deux évènements d’envergure, preuve que la photographie tient une place cruciale dans le paysage culturel africain.
Quoiqu’il en soit, on retrouvait dans “You Love Me, You Love Me Not” les pierres angulaires de la photographie africaine comme Seydou Keita. L’exposition mettait également en valeur une jeune garde en pleine exploration.
Cela correspond bien à l’ensemble de la collection de Sindika Dokolo. Son rapport à l’image, il l’aborde à la fois comme un geste d’amateur inconditionné et comme un acte militant fondateur. Le collectionneur affirme son parti pris:
“Ce que je recherche [ce sont les travaux] qui ont la prétention de s’engager dans un débat et qui ambitionnent de changer le monde”
Un continent visionnaire ?
Sindika Dokolo a la conviction que les artistes africains ont une approche pertinente du monde contemporain. Une acuité qui est devenu l’apanage d’un continent en plein essor grâce à sa forte relation avec la Chine, très présente sur le continent. Citant Depardieu, Sindika Dokolo affirme: « Nous, Africains, la Chine on couche avec, on vit avec.”
C’est d’ailleurs avec un triptyque de Samuel Fosso qui se mue en idole chinoise que s’ouvre cette exposition. Le photographe se réincarne en un “Empereur d’Afrique”, sorte de réincarnation de Mao, dont le futur espace d’apparition est l’Afrique. Ce regard sur la relation Chine-Afrique pose les contrastes de ce lien qui sera primordial pour le monde dans les années à venir.