Sujets insolites ou tendances, faites un break avec notre curiosité de la semaine. Cuisinière hors-norme, Lor-K concocte des plats aussi appétissants qu’indigestes. Dans EAT ME, l’artiste dévoile ses secrets de polichinelle pour transformer des encombrants en mets alléchants.
Même s’il se démocratise depuis la fin du siècle dernier, le street art se restreint – de coutume – à des graffitis. Lor-K, plasticienne installée à Paris, lance une révolution audacieuse : la sculpture urbaine. À partir de matelas abandonnés sur des trottoirs, l’artiste conçoit des aliments géants : sushis, pizza, gaufre, tarte… Son livre de recettes abracadabrantesque, EAT ME, rassemble l’intégralité de son processus de création, et de ses productions réalisées en Île-de-France.
« L’omniprésence des matelas dans la rue a attiré mon attention. Symbole de vie et de mort, le matelas accueille en son cœur les moments les plus intimes de nos vies. Personnel et essentiel chez soi, il devient gênant et repoussant une fois dehors », souligne Lor-K. La rue offre à l’artiste la matière première. Après transformation, les matelas sont laissés sur place – pour étonner les passants. L’artiste expose ensuite dans des lieux plus conventionnels les créations surdimensionnées et colorées. Une jolie façon de résister contre l’éphémérité du street art. Et durant tout le processus, elle les photographie : « La capture photographique est systématique, elle fait partie intégrante de ma pratique plastique au même titre que la sculpture ».
Gastronomie urbaine
« Tracer et couper les tomates et oignons dans la mousse. Émincer les tomates pour que leur épaisseur soit proportionnelle au pain. Bomber le cœur plus clair que la peau pour obtenir un rendu fruit mûr », et vous obtiendrez de parfaites crudités pour la confection d’un kebab ! Le livre de recettes vous accompagne pour la réalisation de 30 plats sucrés et salés. Le temps de préparation, le niveau de difficulté, les ingrédients nécessaires, toutes les informations utiles figurent dans EAT ME. Vous souhaitez approfondir vos techniques de cuisine urbaine ? Les explications précises pour embrocher, émietter, fourrer ou encore ficeler vous aideront. Troquez vos saladiers, fouets, cuillères et autres ustensiles pour des scies et cutters. Sans oublier l’élément principal à tout bon repas de rue : la peinture aérosol. « Il faut compter en moyenne dix bombes de peinture par recette », indique Lor-K.
« J’ai choisi la street-food qui abonde dans les grandes villes, comme reflet de notre gastronomie mondiale. L’alimentation est un langage universel où nous mangeons notre propre merde (sic) pour exister », annonce Lor-K qui a délimité son champ d’actions. La transformation d’objets évoquant la misère en recettes gourmandes et attirantes est un bon paradoxe pour l’artiste. Le projet favorise la place du street art dans l’histoire de l’art. Tout en émettant une critique stridente sur les déchets laissés à l’abandon et nos habitudes alimentaires. Des actions urbaines qui ouvrent, tout de même, l’appétit.
EAT ME – Recettes urbaines, Lor-K, Pyramid éditions, 2019, 24.90 €.
© Lor-K