Le 8 novembre, le Prix Virginia a dévoilé sa lauréate 2022 : Laura El-Tantawy. La photographe a su séduire le jury grâce à I’ll Die For You, une série dédiée aux agriculteurs indiens gagnés par le désespoir.
Initié en 2012, le Prix Virginia entend célébrer et soutenir le travail des femmes photographes professionnelles. Sans distinction d’âge ou de nationalité, l’événement récompense, depuis, une artiste tous les deux ans. Parmi elles ? Cristina De Middel, Cig Harvey, Siân Davey, Liz Hingley et Dina Goldstein – des autrices ayant pour vocation de raconter, d’illustrer, de partager le monde qui les entoure. Réuni le 9 septembre 2022, le jury de cette nouvelle édition (composé notamment de Sylvia Schildge, présidente et fondatrice du Prix, Lucy Conticello, directrice de la photographie au M, le Magazine du Monde et Marie Robert, conservatrice en chef – photographie et cinéma au Musée d’Orsay) a choisi d’attribuer, à l’unanimité, le 6e Prix Virginia à Laura El-Tantawy pour sa série I’ll Die For You. Une lauréate sélectionnée parmi plus de 1100 dossiers venus de près de 90 pays différents.
Une sombre mélancolie
Photographe d’origine anglo-égyptienne, Laura El-Tantawy a voyagé dans le monde entier pour aiguiser son regard et capter avec précision son environnement – de l’Asie au Proche et Moyen-Orient en passant par l’Europe et l’Amérique latine. Passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, l’autrice encourage un certain engagement, une prise de conscience, en soulignant notamment les notions d’appartenance et de foyer – ainsi que le déchirement auquel ses modèles font parfois face. Pour réaliser I’ll Die For You, elle s’est intéressée au destin tragique des agriculteurs indiens. « Laura El-Tantawy évoque l’hécatombe de suicides commis par les paysans du pays désemparés par l’industrialisation galopante. En imbriquant dans une même image les visages des invisibles et les terres qu’ils ne parviennent plus à cultiver, elle nous alerte sur le désastre en cours », explique Marie Robert. En double exposition, les portraits-paysages de la photographe deviennent des œuvres hybrides d’où s’échappe une sombre mélancolie. À ces compositions, des images floues s’ajoutent, semblant souligner l’anxiété d’un futur incertain. Un ensemble à la poésie lourde de sens sonnant l’alerte d’une crise assourdie par le bruit du monde. « Qu’elles se disent conteuse, artiste, photographe ou photoreporter, ce prix nous célèbre toutes et permet de faire entendre haut et fort nos voix : nous existons, nous excellons et nous continuerons d’avancer, car c’est ce que nous faisons », renchérit Laura El-Tantawy, comme un écho aux oublié·es qu’elle photographie.
© Laura El-Tantawy / Lauréate du Prix Virginia 2022