Ce mardi 8 juillet, à l’hôtel du Forum à Arles, le jury d’Images Vevey a officiellement annoncé ses lauréat·es : ainsi Abdulhamid Kircher reçoit-il le grand prix Images Vevey pour le second chapitre de son projet Rotting from Within, tandis que Stacy Kranitz se voit récompensée du prix du Livre Images Vevey pour sa maquette Ain’t No Grave Gonna Hold My Body Down.
Depuis sa création en 1995, le grand prix Images Vevey s’impose comme l’un des plus prestigieux prix européens de photographie. Organisé tous les deux ans, il s’adresse aux artistes et photographes de toute nationalité et s’inscrit dans une démarche favorisant les échanges culturels. Par-delà la reconnaissance de son travail, le ou la lauréat·e reçoit une bourse d’une valeur de CHF 40’000. Le ou la primé·e a une année pour réaliser son projet photographique qui est ensuite présenté à la biennale Images Vevey. Cette récompense s’accompagne de la remise du prix du Livre Images Vevey ainsi que de plusieurs mentions qui représentent ensemble plus de CHF 100’000 d’aide à la création.
Pour cette édition 2025-2026, le jury se compose de quatre expert·es de la photographie issu·es du domaine de l’édition, de la conservation et de la direction artistique. Présidé par le photographe et artiste vidéo Rineke Dijkstra, il s’est accordé ce mardi 8 juillet sur le nom d’Abdulhamid Kircher pour le grand prix Images Vevey et celui de Stacy Kranitz pour le prix du Livre Images Vevey.
Le silence des hommes et le pouvoir des représentations
« Je me demande souvent à quoi ma vie aurait ressemblé si j’avais été exposé à ce type d’amour de la part de mon père ou de toute autre figure masculine de ma famille », écrit Abdulhamid Kircher. Recevant le grand prix Images Vevey pour le prochain volet de son projet intitulé Rotting from Within, l’artiste germano-américain se penche sur la notion de masculinité et ses répercussions sur la capacité à exprimer ses émotions. Il documente ainsi les dynamiques père-fils dans le cadre des tournois traditionnels turcs de lutte à l’huile, à la recherche de signes et de gestes d’affection fugaces. En s’appuyant sur son histoire familiale, le photographe interroge les traumatismes qu’il a connus, les rapports parentaux qui en découlent, l’identité « virile » véhiculée. Mêlant portraits, archives et scènes quotidiennes, le travail d’Abdulhamid Kircher révèle ces tensions et expose avec délicatesse l’amour qui ne parvient à être dit.
Stacy Kranitz, quant à elle, remporte le prix du Livre Images Vevey pour sa maquette de livre intitulé Ain’t No Grave Gonna Hold My Body Down. Elle y retrace un siècle de représentations photographiques des Appalaches, où elle vit actuellement. Cette démarche lui permet de révéler l’influence du médium sur l’imaginaire collectif lié aux classes populaires et à la pauvreté. « Mon projet est une exploration du rôle éthique de la photographie », explique-t-elle. Faisant preuve d’une grande empathie et d’une acuité historique et narrative, son œuvre propose une compréhension plus profonde de ces groupes sociaux marginalisés. À travers un habile mélange d’archives, de photographies actuelles et de témoignages, Stacy Kranitz déconstruit les stéréotypes et réaffirme la responsabilité du regard.