Dans Long Night Stands with Lonely, Lonely Boys, Augustine Paredes a documenté la longue exploration – physique et intime – qu’il a menée ces dernières années. Une quête solitaire de l’acceptation de sa sexualité qui interroge le rapport à l’autre au sein de la communauté LGBTQIA+.
« Je ne pense pas que j’insiste sur la solitude. Elle est présente que j’écrive ou non à son propos », déclare Augustine Paredes. Dans Long Night Stands with Lonely, Lonely Boys, le photographe philippin a documenté, à la façon d’un journal intime, un vaste périple. Celui qu’il a entrepris dans la découverte sinon l’acceptation de sa sexualité. Une traversée esseulée, semblable à une longue nuit, sombre et infinie, dans une mer tourmentée par le souffle lent et puissant de la mélancolie. Voyage introspectif et personnel, celui-ci a pourtant été passé aux côtés de plusieurs garçons. Issus de la communauté LGBTQIA+, ces derniers semblent en proie aux mêmes doutes que lui. « Mon histoire est aussi celle de quelqu’un d’autre », assure l’auteur.
Combler des manques par de l’amour et de la nostalgie
« Trouver quelqu’un et se sentir seul. » C’est par cette phrase, signée Carlos Quijon Jr., qu’Augustine Paredes ouvre son récit. Comme submergées par leurs émotions, nombreuses sont les personnes queers à éprouver un vide intérieur qui s’intensifie en présence d’autrui. À l’instar d’un voyage initiatique, certains de ces garçons solitaires se perdent alors dans des aventures sans lendemain. Un vain espoir de trouver ce je-ne-sais-quoi qui les comblera enfin. Mais cette prise vers l’intimité induit immanquablement vulnérabilité et inconfort. Un mélange de tendresse et de brutalité, aussi bien pour son partenaire que pour soi.
Stockholm, Erevan, Beyrouth, Tbilissi, Dubaï, Paris, Berlin ou Helsinki… Pendant de nombreux mois, Augustine Paredes a erré de ville en ville. « Il y a eu une période de ma vie où je trouvais des maisons temporaires dans les lits de garçons que je connaissais à peine, raconte-t-il. Je prenais avec moi tout ce qu’ils me donnaient et je pensais que c’était tout ce que je voulais. Ce qui a commencé par une envie d’immortaliser ces rendez-vous s’est avéré être un voyage à la recherche d’un foyer à l’étranger, comblant des manques par de l’amour et de la nostalgie. » Une quête d’autant plus difficile que dans certaines des contrées qu’Augustine Paredes a pu explorer, l’homosexualité est condamnée. « J’ai dû concevoir le projet de telle sorte à ce que personne ne soit offensé ou ne puisse se retrouver en danger. J’ai eu beaucoup de mal à trouver une imprimerie. Ce livre aborde des sujets sensibles et certains mots sont déroutants », explique-t-il.
S’oublier dans une errance partagée
L’idée de constituer ce carnet de route lui est venue il y a quelques années. Le temps a fait évoluer ce projet qu’il a vu grandir, passer par différents formats, au fil de ses pérégrinations. Images épinglées au mur, diaporama ou performance… Sa seule certitude était qu’il en ferait un livre autopublié. « Je souhaitais que Long Night Stands with Lonely, Lonely Boys soit une expérience physique et personnelle, plutôt qu’un simple assemblage de clichés et de mots couchés sur papier », explique-t-il. La couverture de l’ouvrage est habillée d’une feuille translucide semblable à une enveloppe charnelle. En se découvrant, elle laisse alors place à l’intériorité d’une vie secrète et nous immerge dans ce paradoxe de l’intime universel. « Quand on ouvre le livre, relié à la japonaise, la tranche est apparente. On y voit tous les détails, rien n’est dissimulé. C’est comme si je vous disais : “Voici tout ce que je suis.” »
« L’élaboration de cet ouvrage a été pénible, confie Augustine Paredes. Vivre ce par quoi je suis passé et me remémorer tout cela m’a fait remarquer que j’avais envie d’un amour dont je ne connaissais rien. Je me suis rendu compte de tout ce que j’ai dû endurer pour avoir accès à une relation saine. » La stigmatisation et l’aliénation qui subsistent encore dans certaines régions du monde conduit la communauté LGBTQIA+ à s’oublier dans une errance partagée. « C’est important de s’entourer de personnes qui comprennent ce que l’on traverse. Mais s’égarer dans les bras de quelqu’un n’est pas l’idéal. Je le sais, car j’ai essayé. C’est compliqué de retrouver ce que l’on a perdu, et même si on y parvient, ce ne sera jamais pareil. Se préserver en compagnie d’autrui pour compenser la douleur d’être queer est une bien meilleure façon de vivre. »
Transformer son expérience
Ponctué de lettres manuscrites et de mails émouvants, de cartes et de données plus factuelles, Long Night Stands with Lonely, Lonely Boys se présente finalement comme un flux de conscience permanent. Ces éléments jetés pêle-mêle sont subjectivement beaux en ce qu’ils sont banals et n’ont de sens que pour l’auteur. Le lecteur, lui, ne peut que se projeter ou imaginer. Cette négociation perpétuelle entre soi et les autres s’impose alors comme l’occasion de mieux comprendre et appréhender ses propres désirs.
Après avoir cherché à assouvir cette quête de soi par le prisme de l’autre, Augustine Paredes entend transformer son expérience. « C’est un ouvrage pour celles et ceux qui se retrouvent d’une façon ou d’une autre dans mon histoire. L’introspection fait partie intégrante de mon travail. Je veux que les gens puissent se voir à travers moi », conclut-il. Une manière bienveillante d’inviter ses pairs à se découvrir dans les pages de son livre et de comprendre qu’ils ne sont pas seuls.
Long Night Stands with Lonely, Lonely Boys, autoédition, 40 $, 144 p.
© Augustine Paredes