L’éclat d’un monde en déclin

28 octobre 2020   •  
Écrit par Lou Tsatsas
L’éclat d’un monde en déclin

Dans There is nothing new under the sun, la photographe hongroise Kata Geibl fait le portrait allégorique de la société contemporaine. Esthète, elle utilise la beauté pour mettre en lumière nos pires travers.

« Cette série est née de ma propre anxiété. Une émotion que je ressentais chaque jour, en lisant l’actualité. Notre monde change rapidement, et tous les jours nous faisons face à des enjeux sociétaux, politiques et environnementaux que nous devons résoudre, sans parvenir à trouver l’envie d’agir »

, confie Kata Geibl. Après avoir documenté la foi et la science, dans Sisyphus, la photographe venue de Budapest s’est plongée dans l’étude de l’état du monde. « Je voulais créer quelque chose de complètement différent. À chaque échange avec mes amis, nous finissions par débattre de manière ennuyeuse du capitalisme et du réchauffement climatique. J’ai songé qu’il devait exister un autre moyen de dialoguer, par les émotions et les jeux d’associations », précise-t-elle. Mystique et onirique, There is nothing new under the sun marque la volonté de l’artiste de sensibiliser le public à ces problèmes, à travers la poésie. Un carnet visuel jouant avec la splendeur pour incarner nos débordements.

© Kata Geibl© Kata Geibl

Entre terreur et émerveillement

Une échelle descendue du ciel, un cheval aux yeux bandés, un corps musclé, figé en pleine action… Chaque image de Kata Geibl s’impose comme une allégorie, illustrant les excès du néolibéralisme, de l’impact de l’homme sur son environnement, ou de son contrôle sur les animaux. « J’ai notamment photographié des athlètes aux allures de dieux grecs – une manière de mettre en lumière le pouvoir de l’être humain sur la nature. Cette image évoque également les Jeux olympiques, sports d’élite représentant l’idée de compétitions entre les nations, et le désir de dépasser les limites humaines », raconte la photographe. Un autre cliché, dévoilant une maquette en feu, est inspirée par la théorie des Simulacres de Baudrillard. Dans un essai, le philosophe argumentait que la Guerre du Golfe n’a pas eu lieu, et que les médias ont créé de toute pièce une vision spectaculaire du conflit grâce à la télévision. « Cette hypothèse est tout à fait pertinente aujourd’hui, à l’ère des fake news. Les références à une réalité externe n’existent plus, et nous nous contentons des affirmations qui remplacent les faits », poursuit l’artiste.

Véritables métaphores filées, faisant écho aux nombreuses contradictions d’une société contemporaine en perdition, les images de Kata Geibl nous emportent dans un alter-monde aussi charmant qu’horrifiant. Inspirée par les films Melancholia de Lars von Trier et Stalker d’Andreï Tarkovski, la photographe construit un univers magnifique, où l’effondrement de la civilisation ne peut qu’être admiré. Face à ces compositions délicates et ces horizons pastels, la frontière entre la terreur et l’émerveillement se brouille. En ayant recourt à un esthétisme travaillé, elle dénonce, en contrepoint, notre faculté à admirer la beauté d’une catastrophe, en ignorant ses terribles conséquences.

© Kata Geibl© Kata Geibl
© Kata Geibl© Kata Geibl
© Kata Geibl© Kata Geibl
© Kata Geibl© Kata Geibl
© Kata Geibl© Kata Geibl
© Kata Geibl© Kata Geibl

© Kata Geibl

Explorez
Raphaëlle Peria et Fanny Robin remportent l’édition 2025 du BMW ART MAKERS 
© Raphaëlle Peria / ADAGP
Raphaëlle Peria et Fanny Robin remportent l’édition 2025 du BMW ART MAKERS 
Le jury du BMW ART MAKERS s’est accordé à nommer l’artiste Raphaëlle Peria et la curatrice Fanny Robin lauréates de la quatrième édition...
18 janvier 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Résidence 1+2 : fusion du vivant et des croyances en images
© Alžběta Wolfova, Insect Gaze_3, Photogramme.
Résidence 1+2 : fusion du vivant et des croyances en images
La Résidence 1+2 dévoile son coffret 2024, Fabulae, composé de trois livres photographiques présentant les séries de Céline Clanet...
16 janvier 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
À travers Female Gaze, Luma Koklova réenchante le monde
© Luma Koklova. Female Gaze (Cosmologies).
À travers Female Gaze, Luma Koklova réenchante le monde
Dans « Female Gaze », le premier chapitre de sa série Cosmologies, la photographe Luma Koklova pose un regard neuf, décolonisé et libéré...
09 janvier 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
La première rétrospective de Corinne Vionnet est à découvrir au musée de Pont-Aven
© Corinne Vionnet
La première rétrospective de Corinne Vionnet est à découvrir au musée de Pont-Aven
Le musée de Pont-Aven accueille l’exposition Écran total de Corinne Vionnet. Il s'agit de la première rétrospective de l’artiste...
04 janvier 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les mystères de Weegee
Collection Galerie Berinson, Berlin © Weegee Archive / International Center of Photography, New York.
Les mystères de Weegee
Pour ses cinquante ans, l’International Center of Photography (ICP) de New York a organisé une exposition dans laquelle ont été...
Il y a 3 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Jean Ranobrac : des imaginaires queers iconiques
© Jean Ranobrac
Jean Ranobrac : des imaginaires queers iconiques
Jean Ranobrac est artiste et photographe. Magicien de la retouche, il est connu pour ses univers queers déjantés. Après avoir arpenté les...
22 janvier 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Sony World Photography Awards : la photographie à la fleur de l'âge
© Thapelo Mahlangu, South Africa, Shortlist, Student Competition, Sony World Photography Awards 2025
Sony World Photography Awards : la photographie à la fleur de l’âge
Les Sony World Photography Awards annoncent les finalistes de ses deux compétitions célébrant les jeunes photographes à travers le monde...
21 janvier 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Balázs Turós et le quotidien de sa grand-mère atteinte de démence
© Balázs Turós
Balázs Turós et le quotidien de sa grand-mère atteinte de démence
Confronté à la maladie de sa grand-mère et à ses propres questionnements existentiels, le photographe hongrois Balázs Turós sonde l’âme...
21 janvier 2025   •  
Écrit par Agathe Kalfas