Giulia Bersani a 23 ans et vit à Milan. Elle photographie sa vie de tous les jours en argentique et aime par-dessus tout les projets qui font écho à sa propre expérience. Comme si les images étaient sa thérapie. L’amour, le rapport à l’autre et la naissance d’une complicité l’inspirent particulièrement: elle a déjà publié deux ouvrages sur les amoureux, qui sont malheureusement en rupture de stock. Pour Fisheye, elle s’est prêtée au jeu de l’interview et évoque, pour nous, Lovers II sa série la plus récente. Overdose de tendresse assurée.
FISHEYE / Comment les amoureux sont-ils devenus ton sujet de prédilection ?
Giulia: Il y a trois ans, j’étais célibataire et j’ai ressenti le besoin pressant d’avoir quelqu’un. Une de mes amies, mannequin, était en ville pour quelques jours et on avait prévu une séance de portrait mais très tôt le jour même elle m’a écrit: “viens s’il-te-plait, il faut que tu prennes des photos de moi avec le mec que j’ai rencontré hier soir… On est vraiment adorable !”. J’y suis allée et j’ai réalisé que photographier un couple me faisait du bien. Je me suis mise à chercher d’autres couples et j’ai commencé à travailler sur ce projet.
Si tu devais ne retenir qu’une photo de cette série, laquelle choisirais-tu ?
L’auto-portrait que j’ai pris avec mon copain. Il s’intègre à la fois à mon projet d’autoportrait et à celui sur les amoureux. Et puis je crois que ça deviendra un souvenir précieux avec le temps.
Que voulais-tu montrer dans cette série ?
J’ai travaillé sur ce projet parce que j’avais besoin d’explorer ma tendance à la dépendance et à l’attachement. Je me suis retrouvée à travers toutes ces filles et j’ai étudié leur besoin de trouver quelqu’un de spécial.
Quel est le plus beau compliment que l’on t’ait fait sur ton travail ?
Un jour, une fille m’a écrit après avoir reçu mon livre Lovers II: “L’an dernier, j’ai acheté votre premier livre sur les amoureux. À l’époque, je venais de tomber éperdument amoureuse et ça m’a donné envie d’être encore plus entourée d’amour. Malheureusement, ça ne s’est pas très bien passé avec le mec et je n’arrivais plus à ouvrir votre livre. Il me rappelait trop mon amour perdu. Et puis, dans un moment de perdition, les larmes aux yeux, j’ai commandé Lovers II. J’ai fini par osé l’ouvrir et rêver d’amour. J’ai feuilleté les pages, les joues encore mouillées, mais la douleur s’était envolée. Finalement, le plus important c’est cette obsession de ne pas être seul. Merci !”
Tu as toujours voulu être photographe ?
Non… En sortant d’un lycée scientifique bilingue, j’étais complètement perdue. J’ai essayé le stylisme mais au bout de trois mois, je suffoquais déjà. Ensuite j’ai eu envie d’aller vers la culture et tous les soirs je suivais un cours de photo argentique et numérique. Deux ans plus tard, j’aimais tellement la photo que j’étais sûre qu’il fallait que cela devienne mon métier. J’ai quitté la fac et je me suis pleinement consacrée à mes projets personnels. En fait, je suis fascinée par le pouvoir de ce langage. Depuis mon tout premier cours de photo, je me suis mise à rêver à des projets et après plusieurs années, j’ai eu le courage de suivre mes idées.
Qu’est-ce qui te plait dans cet art ?
J’aime la liberté que l’on a. Avec la photo, je peux m’exprimer et donner mon point de vue aux inconnus qui s’intéressent à mon travail. Je suis très timide, j’ai toujours eu peur du dialogue et en même temps ça me fascine. La photo m’a permis de me découvrir, de découvrir les autres et de travailler sur moi. J’aime observer donc c’est assez magique d’avoir la clé de maisons d’étrangers et de pouvoir étudier, respectueusement, leur réalité de mes propres yeux.
Où puises-tu ton inspiration ?
Ma vie personnelle m’inspire beaucoup et j’aime aussi beaucoup les femmes photographes qui se prennent en photo comme Olivia Bee, Elinor Carucci, Lina Scheynius, Cristina Nunez, Elina Brotherus…
Sur quel projet travailles-tu actuellement ?
En ce moment, je travaille sur un projet de portraits de jeunes femmes hypersensibles et qui manquent d’assurance. Une fois encore, ce sujet me concerne personnellement. J’ai du mal à me sentir à ma place et en même temps j’ai l’impression de sortir un peu du lot. Ce projet me fait vivre une expérience intéressante sur le plan émotionnel.
Comment décrirais-tu ton travail en trois mots ?
Personnel, intuitif, nécessaire.
Propos recueillis par Hélène Rocco
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(via Juxtapoz)