Street-photography et paysages romanesques, chez Jakub Jakobiszyn et Fabio Sozza, nos coups de cœur #436, le voyage dans l’instant présent est de mise. Pour l’un, c’est le loufoque qui prime, et pour l’autre, la beauté du naturel.
Jakub Jakobiszyn
« Ne pas juger, juste montrer », tel est le leitmotiv artistique de Jakub Jakobiszyn – Korbusje sur Instagram. Installé à Wroclaw, ville de toutes ses premières fois, le photographe s’est initié à la photographie de manière autodidacte. D’abord en s’amusant avec des appareils photo jetables et analogues, et plus tard en utilisant compulsivement son smartphone. Fan invétéré des situations loufoques et hasardeuses, Jakub Jakobiszyn découvre à chaque coin de rue, chaque vitrine ou publicité, des scènes qui parlent d’elles-mêmes. « Je photographie tous les objets qui me semblaient étranges, inhabituels, abstraits ou géométriquement intéressants. Je ressens un désir dynamique d’immortaliser des choses qui n’apparaissent qu’un instant, comme si la nature massive et la diffusion de la photographie devenaient un défi pour montrer des choses opposées – rares, uniques ou communes, mais dévoilées d’une manière spécifique. Je tente de montrer l’unicité de certaines choses afin de susciter la réflexion », avoue-t-il. Dans sa série Windbreakers (coupe-vent, ndlr), éditée en un ouvrage de 122 pages, il s’est intéressé aux installations des vacanciers sur le littoral polonais. D’un regard madré et amusé, il y dévoile toute l’absurdité de ces bivouacs criards, se focalisant sur la façon dont ils modifient – en bien ou en mal – le paysage et l’environnement. Un panorama pictural d’un bord de plage débordant de parasols, crème solaire et coup de soleil. « Je travaille tout le temps avec la couleur, car c’est elle qui m’affecte et rend le monde qui m’entoure multidimensionnel. La photographie en couleurs s’apparente à la peinture : la sélection, la prudence dans la coloration du monde. C’est aussi grâce à la couleur que j’ai pu aborder ce sujet controversé en Pologne. Dans mon livre, j’ai essayé d’habiller le regard porté sur ces stations balnéaires, d’une manière objective et esthétique, et ce, toujours sans jugements », conclut-il.
© Jakub Jakobizsyn / Korbusje
Fabio Sozza
« Je crois que les voyages sont réellement beaux et qu’ils ressourcent l’âme. Je n’aurais pas pu raconter l’histoire des Philippines sans quitter ma maison. Mais il n’est pas nécessaire de voyager pour trouver de belles scènes. Je suis amoureux de la beauté du réel, du quotidien. Je peux la trouver en voyageant comme dans mon jardin. Ce qui compte, c’est la quête », déclare Fabio Sozza. Professeur d’anglais en Italie, il a fait de la photographie une échappatoire, une passion pour déchainer toutes les autres. D’une nature introvertie et d’une famille où le médium n’a jamais vraiment trouvé sa place, il s’est d’abord renseigné, a beaucoup lu, étudié et appris seul à manier un boîtier – argentique puis numérique. Afin de se confronter aux autres, d’apprendre de leur différence et savoir-faire, il a alors rejoint un club local, ainsi qu’une communauté de photographes en ligne. Un moment charnière de son apprentissage, car depuis, plus un seul jour n’est passé sans prendre d’images, sans créer des souvenirs esthétiques. Considérant les beaux livres comme « des maîtres silencieux », Fabio Sozza puise son inspiration entre les lignes et les témoignages des figures de proue du 8e art. Harry Gruyaert, Luigi Ghirri et ses paysages minimalistes, Fred Herzog et son « langage du Kodachrome », mais aussi Edward Hopper et son réalisme pictural… Pour l’artiste italien, chaque apport artistique est bon à prendre puisqu’il lui parle différemment d’un même monde. « J’ai compris que la couleur parlait un langage audacieux, et que les couches de signification d’une image pouvaient être nombreuses et potentiellement illimitées. Aujourd’hui, la couleur fait partie intégrante de mon dialecte photographique. Je l’embrasse, je lui donne du pouvoir, je la laisse dire les choses qu’elle veut dire comme elle veut les dire », conclut-il.
© Fabio Sozza
Image d’ouverture : © Fabio Sozza