Nos coups de cœur de la semaine, Marjorie Gosset et Sonia Reveyaz, transmettent à leur manière leur regard sur les traces humaines qui les ont marquées. La première raconte une histoire de révolte féminine pour la justice sociale, tandis que la seconde scrute les mises en scène contemporaines du folklore paysan français.
Marjorie Gosset
En 2020, au sortir du confinement, Marjorie Gosset se rend pour la première fois à Cerbère, dans le sud de la France. Là-bas, elle découvre une histoire qu’elle décide de mettre en images. « En décembre 1906, un groupe de femmes s’est allongé sur les rails de la gare dans laquelle elles travaillaient, en signe de protestation. Celles qu’on appelait alors “les transbordeuses” avaient pour mission de transvaser des charges lourdes des trains espagnols aux trains français, le long des voies ferroviaires, pour permettre la circulation de marchandises commerciales entre les deux pays. Mais en cette année 1906, elles se sont révoltées pour réclamer une hausse de leur salaire », raconte-t-elle. Au péril de leur vie, ces femmes ont mené la première grève entièrement féminine de France, qui s’est soldée par une réussite. En superposant des fragments du quotidien et des portraits à des compositions graphiques et poétiques, la photographe témoigne ainsi des échanges qu’elle a pu avoir avec les habitantes de la ville. « À travers ce projet de réappropriation, j’ai envie de faire acte de transmission, en mêlant mon univers à leurs récits. C’est ma manière de faire renaître l’esprit émancipateur de ces mères et grand-mères si inspirantes pour l’époque d’aujourd’hui », explique-t-elle. Cette série sera à découvrir dans un ouvrage à paraître le 15 septembre prochain aux éditions Hartpon.
Sonia Reveyaz
Vous ressentez en ce moment l’envie de rire et d’être surpris·es ? Découvrez les images décalées de Sonia Reveyaz, adepte d’une vision kitsch de la société. Cette jeune photographe se déclare « passionnée par l’artificialité que nous créons et les dérives du consumérisme » – un phénomène qu’elle capture sous de nombreux angles. Originaire de la région de Perpignan, l’artiste a très tôt fréquenté le festival Visa pour l’Image, qui nourrit son désir de devenir photojournaliste et l’encourage à porter une attention particulière au quotidien. « La photo a un réel pouvoir sur le souvenir et permet de marquer le temps », affirme-t-elle. Photographe de l’anecdotique, elle déploie sous nos regards des scènes insolites, comme celles qui animent le Salon de l’Agriculture, qu’elle documente depuis deux ans. « Avec sa foule fourmillante, son folklore, le défilé de personnalités politiques, les podiums pour animaux, la présence de dromadaires… Ce lieu est pour moi le miroir de la société du spectacle », confie-t-elle. Exubérant, débordant même, son travail nous baigne dans une transe faite de couleurs, de répétitions et de sensations.