Toma Gerzha et Erre Gálvez, nos coups de cœur de la semaine, documentent le monde alentour pour raconter des histoires. Pour composer ses récits, la première puise dans ses expériences de vie, tandis que le second immortalise des scènes, en plusieurs étapes, pour figer ses souvenirs.
Toma Gerzha
« Mon travail explore des récits liés à la mentalité de l’Europe de l’Est, à l’absence de sentiment d’appartenance, à la perspective de l’étranger et à la culture de la fête comme remède ultime », résume Toma Gerzha. Embarquée par sa famille, qui quitte sa Russie natale pour s’installer aux Pays-Bas alors qu’elle est âgée de six ans, la jeune fille peine à s’intégrer dans les univers qu’elle va traverser tout au long de son enfance et de son adolescence. Située entre deux mondes, elle observe au quotidien des réalités en contraste, et en témoigne dans sa pratique artistique, sans les embellir ni les dramatiser. « Ici, mes ami·es sont influencé·es par la liberté de choix, alors que chez moi, iels sont façonné·es par le règne d’un président inamovible qui, pendant des décennies, a forcé les gens à rester silencieux », déclare-t-elle en comparant les deux pays qu’elle fréquente. Pour se sentir en sécurité en quelque lieu que ce soit, et afin d’atténuer sa peur de la censure, elle apprend à exprimer ses pensées visuellement, convoquant ainsi le pouvoir des images à parler d’elles-mêmes. Depuis quelques années, elle documente ainsi son environnement, à travers des procédés photographiques expérimentaux aussi divers que le cyanotype, le collodion humide et l’impression à la chlorophylle.
Erre Gálvez
« Depuis mon enfance, je suis profondément attaché au monde visuel et j’ai toujours ressenti le besoin de m’exprimer à travers lui. Je suis passionné par la photographie, le cinéma, la typographie et les techniques d’impression traditionnelles. Tout naturellement, je suis un amoureux de l’analogique », commence Erre Gálvez. C’est à la suite de ses études à l’école d’art et de design d’Alicante, ville qui l’a vu grandir, que l’artiste espagnol a entamé ses expérimentations et développé des projets conceptuels, notamment à partir de collages. « Au départ, je créais avec des images issues de magazines et de publications des années 1940 et 1950 ou que je trouvais dans des marchés aux puces ou dans les poubelles. Au fil du temps, cela m’a amené à faire de ma propre pratique du médium l’élément central de mon travail. […] C’est là que ma perspective a changé. Disons que tout a pris un sens », assure-t-il. Jouant avec les nuances, les échelles et les textures, il compose une œuvre autour du passage du temps et de la mémoire. « Une fois que vous avez pris une photo, vous êtes déjà dans un moment différent. Je suis obsédé par l’idée de capturer tous ces souvenirs et de les faire durer éternellement. C’est un peu comme si je réalisais un journal visuel, explique-t-il. Je prends des photos, je les développe à la maison… Puis je coupe et colle les instants ensemble. » À la recherche d’une esthétique cinématographique, il rassemble ainsi plusieurs tirages afin de recréer, en plusieurs étapes, les scènes qu’il a vécues.