Les coups de cœur #508 : Anna Guseva et Pauline Gosserez

02 septembre 2024   •  
Écrit par Milena III
Les coups de cœur #508 : Anna Guseva et Pauline Gosserez
© Anna Guseva
© Anna Guseva

Anna Guseva et Pauline Gosserez, nos coups de cœur de la semaine, ont toutes deux navigué entre plusieurs univers culturels. Si la première revient sur des années troublées d’une Russie connue durant sa petite enfance, la seconde imagine des natures mortes afin de mettre en scène les émotions et les histoires qui la meuvent.

Anna Guseva

Diplômée en journalisme, la franco-russe Anna Guseva explore sans relâche une approche focalisée sur la photographie performative. « Je suis toujours la seule interprète dans mes prises de vue, et pour élargir mon champ de possibilités, je développe notamment ma force physique pour mettre en scène certaines de mes idées », révèle-t-elle. C’est en particulier le traumatisme collectif, ainsi que son impact sur la formation de l’identité personnelle, qui fait le sujet de ses travaux les plus récents. Revenant sur un épisode sanglant des années 1990 survenu post-URSS, peu connu de nous aujourd’hui, l’artiste raconte le chaos d’une société contrôlée non pas par la loi, mais par la criminalité et les règles établies par celle-ci. Une époque où le quotidien était fait de fusillades entre gangs en guerre, dont n’importe qui pouvait devenir une victime accidentelle, et où la traite des êtres humains et l’épidémie d’héroïne faisaient partie de la vie courante. « Bien que je sois petite, je me souviens très bien des images terrifiantes de mon enfance, confie-t-elle. Je les ai vues dans les rues, dans mon immeuble, et elles étaient constamment diffusées à la télévision. »  Capturant des images en noir et blanc dans lesquelles l’obscurité semble avoir pris le pouvoir, elle revient, à sa manière, sur les traces d’une histoire qui la marque dans le corps, et la hante jusque dans l’intimité – voire, la fait douter d’elle-même. « Dans mon projet actuel intitulé And the sun became black as sackcloth, and the moon became red as blood, j’explore l’influence qu’a eue cette période sur moi, poursuit-elle. Je sais avec certitude qu’elle m’a laissé un trouble anxieux. Et si elle avait aussi nourri en moi un monstre que je n’ai pas encore rencontré ? »

© Anna Guseva
© Anna Guseva
© Anna Guseva
© Anna Guseva
© Anna Guseva
© Pauline Gosserez

Pauline Gosserez

Après avoir exploré les images d’archives, tenté des approches mystérieuses et oniriques et découvert la richesse des jeux d’ombre et de lumière, Pauline Gosserez se tourne désormais vers les natures mortes. Et puisqu’elle invite à la réflexion et matérialise son désir de donne vie à ses propres univers, de magnifier l’invisible et de mettre en lumière les sujets qui la touchent, celle-ci est même devenue son médium de prédilection. Parfois excentrique et kitsch, son œuvre créative dévoile une insatiable envie de nouveauté et de découvertes. De cette dernière, il s’agit probablement de trouver la source dans l’environnement marocain dans lequel la jeune femme a grandi, où elle prend connaissance, entre autres, de l’existence des mutilations. Son meilleur conseil à celleux qui veulent se lancer dans le 8e art ? « Osez faire de la nature morte ! Ça peut faire peur, mais c’est un petit cocon qui permet de s’évader et de créer. »

© Pauline Gosserez
© Pauline Gosserez
© Pauline Gosserez
© Pauline Gosserez
© Pauline Gosserez
À lire aussi
La Russie dans l’œil des femmes
La Russie dans l’œil des femmes
Née avec l’effondrement de l’Union soviétique, une nouvelle génération de photographes n’en finit pas d’ausculter son environnement….
06 juin 2019   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Les natures mortes raffinées d’Adrien Dubost
Les natures mortes raffinées d’Adrien Dubost
« La créativité du design pousse la créativité photographique », déclare Adrien Dubost. C’est après des études de commerce que l’auteur…
18 mars 2022   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Explorez
Ekaterina Perfilieva et l'intime au cœur de la fracture
© Ekaterina Perfilieva, Nocturnal Animals
Ekaterina Perfilieva et l’intime au cœur de la fracture
À la fois distante et profondément engagée, Ekaterina Perfilieva, artiste multidisciplinaire, interroge une contemporanéité...
Il y a 5 heures   •  
Écrit par Milena III
Le ministère de l’Aménagement du territoire fête les 80 ans de la Libération
Megapolis, Puteaux, 2025 © Aleksander Filippov
Le ministère de l’Aménagement du territoire fête les 80 ans de la Libération
À l’occasion des 80 ans de la Libération, les ministères de l’Aménagement du territoire et de la Transition écologique ont lancé...
08 septembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Les coups de cœur #558 : Marina Viguier et Emma Tholot
Carmela, série Carmela © Emma Tholot
Les coups de cœur #558 : Marina Viguier et Emma Tholot
Marina Viguier et Emma Tholot, nos coups de cœur de la semaine, explorent la théâtralité comme outil de résistance, de liberté et de...
08 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Les images de la semaine du 1er septembre 2025 : le pouvoir des images
© Julie Wintrebert, Crazy Beaches, 2024 / courtesy of the artist and festival Les Femmes et la mer
Les images de la semaine du 1er septembre 2025 : le pouvoir des images
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, pour la rentrée, les pages de Fisheye se mettent au rythme du photojournalisme, des expériences...
07 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Ekaterina Perfilieva et l'intime au cœur de la fracture
© Ekaterina Perfilieva, Nocturnal Animals
Ekaterina Perfilieva et l’intime au cœur de la fracture
À la fois distante et profondément engagée, Ekaterina Perfilieva, artiste multidisciplinaire, interroge une contemporanéité...
Il y a 5 heures   •  
Écrit par Milena III
Le 7 à 9 de Chanel : Valérie Belin et la beauté, cette quête insoluble
© Valérie Belin
Le 7 à 9 de Chanel : Valérie Belin et la beauté, cette quête insoluble
L’heure des rencontres « 7 à 9 de Chanel » au Jeu de Paume a sonné. En cette rentrée, c’est au tour de Valérie Belin, quatrième invitée...
16 septembre 2025   •  
Écrit par Ana Corderot
La sélection Instagram #524 : espaces intimes
© Sara Lepore / Instagram
La sélection Instagram #524 : espaces intimes
La maison se fait à la fois abri du monde et porte vers le dehors, espace de l’intime et miroir de nos modes de vie. Les artistes de...
16 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
5 coups de cœur qui témoignent d'un quotidien
I **** New York © Ludwig Favre
5 coups de cœur qui témoignent d’un quotidien
Tous les lundis, nous partageons les projets de deux photographes qui ont retenu notre attention dans nos coups de cœur. Cette semaine...
15 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet