Anna Guseva et Pauline Gosserez, nos coups de cœur de la semaine, ont toutes deux navigué entre plusieurs univers culturels. Si la première revient sur des années troublées d’une Russie connue durant sa petite enfance, la seconde imagine des natures mortes afin de mettre en scène les émotions et les histoires qui la meuvent.
Anna Guseva
Diplômée en journalisme, la franco-russe Anna Guseva explore sans relâche une approche focalisée sur la photographie performative. « Je suis toujours la seule interprète dans mes prises de vue, et pour élargir mon champ de possibilités, je développe notamment ma force physique pour mettre en scène certaines de mes idées », révèle-t-elle. C’est en particulier le traumatisme collectif, ainsi que son impact sur la formation de l’identité personnelle, qui fait le sujet de ses travaux les plus récents. Revenant sur un épisode sanglant des années 1990 survenu post-URSS, peu connu de nous aujourd’hui, l’artiste raconte le chaos d’une société contrôlée non pas par la loi, mais par la criminalité et les règles établies par celle-ci. Une époque où le quotidien était fait de fusillades entre gangs en guerre, dont n’importe qui pouvait devenir une victime accidentelle, et où la traite des êtres humains et l’épidémie d’héroïne faisaient partie de la vie courante. « Bien que je sois petite, je me souviens très bien des images terrifiantes de mon enfance, confie-t-elle. Je les ai vues dans les rues, dans mon immeuble, et elles étaient constamment diffusées à la télévision. » Capturant des images en noir et blanc dans lesquelles l’obscurité semble avoir pris le pouvoir, elle revient, à sa manière, sur les traces d’une histoire qui la marque dans le corps, et la hante jusque dans l’intimité – voire, la fait douter d’elle-même. « Dans mon projet actuel intitulé And the sun became black as sackcloth, and the moon became red as blood, j’explore l’influence qu’a eue cette période sur moi, poursuit-elle. Je sais avec certitude qu’elle m’a laissé un trouble anxieux. Et si elle avait aussi nourri en moi un monstre que je n’ai pas encore rencontré ? »
Pauline Gosserez
Après avoir exploré les images d’archives, tenté des approches mystérieuses et oniriques et découvert la richesse des jeux d’ombre et de lumière, Pauline Gosserez se tourne désormais vers les natures mortes. Et puisqu’elle invite à la réflexion et matérialise son désir de donne vie à ses propres univers, de magnifier l’invisible et de mettre en lumière les sujets qui la touchent, celle-ci est même devenue son médium de prédilection. Parfois excentrique et kitsch, son œuvre créative dévoile une insatiable envie de nouveauté et de découvertes. De cette dernière, il s’agit probablement de trouver la source dans l’environnement marocain dans lequel la jeune femme a grandi, où elle prend connaissance, entre autres, de l’existence des mutilations. Son meilleur conseil à celleux qui veulent se lancer dans le 8e art ? « Osez faire de la nature morte ! Ça peut faire peur, mais c’est un petit cocon qui permet de s’évader et de créer. »