Valentina Luraghi et Adeline Praud, nos coups de cœur de la semaine, abordent des sujets en lien avec la santé, qu’elle soit physique ou mentale. La première témoigne des conséquences de l’anémie tandis que la seconde s’intéresse aux représentations et aux enjeux actuels de la psychiatrie.
Valentina Luraghi
« La photographie n’est pas arrivée à un moment donné : elle a toujours été là. […] Il s’agit donc d’une mémoire innée, et je pense de n’avoir jamais connu une version de moi-même sans un appareil à la main ou en face de moi », explique Valentina Luraghi. Immortalisant ce qui compose son quotidien, l’artiste italienne a tout naturellement tenu à documenter son anémie, qui titre l’une de ses séries. « J’ai toujours remarqué que trop de femmes, en particulier les jeunes, sont anémiques et que l’accès à un traitement est un long chemin de négligence médicale et de manque d’égard quant à la douleur psychophysique de cette maladie, déplore-t-elle. Certaines n’ont même pas conscience des divers effets sur leur santé, et la recommandation de “manger plus de viande” a raison d’elles. Mais que se passe-t-il lorsque la perte de cheveux, les douleurs musculaires, la pâleur du visage, les frissons, la mauvaise oxygénation et un cycle menstruel qui oblige à rester au lit cessent d’être des symptômes que l’on peut considérer comme “normaux” ? » Au fil des images se déploie ainsi la vie des personnes atteintes par ce trouble. Les traitements, les transfusions, les signes de fragilité qui marquent la peau se dévoilent dans une approche intime et directe. Toujours en cours, le projet se nourrit des expériences de celles et ceux qui souhaitent y prendre part. « Partager des parties de soi, c’est enrichir l’autre, et avec Anemia, c’est comme si une grande chaîne de témoignages, de prise de conscience et de solidarité mutuelle était en train de se construire », conclut-elle.
Adeline Praud
Les différentes séries d’Adeline Praud gravitent autour de sujets en lien avec les trajectoires individuelles ou communautaires. « En cela, les enjeux liés à la santé mentale ou aux violences subies sont au cœur de ma recherche », précise-t-elle. Réalisé dans le cadre d’une résidence de création portée par la galerie Le Carré d’Art, Comme une branche de laquelle un oiseau s’est envolé s’inscrit dans ce sillage et prend racine dans un évènement survenu quelques années auparavant. « En 2019, je me suis retrouvée en grande détresse psychique. Grâce à mon capital culturel et au soutien de mes proches, j’ai pu rapidement accéder aux soins qui m’ont progressivement permis de guérir. Consciente de mes privilèges, j’ai souhaité m’intéresser aux parcours des individus qui croisent les chemins de la psychiatrie, mais aussi, plus largement, aux représentations de cette dernière », assure-t-elle. Pendant cinq mois, la photographe documentaire est allée à la rencontre de celles et ceux qui ont séjourné au centre hospitalier de Rennes. De longs échanges ont suivi, puis, au fur et à mesure, sont devenus plus légers. Les images ont alors pris le relais. « Construit à partir de l’expérience des patient·es et de leur désir commun de bousculer les imaginaires sur les troubles psychiatriques, ce travail invite au dialogue les personnes concernées et la société. À l’occasion de la dernière exposition, j’ai créé une nouvelle installation qui s’intitule “La chambre de Théo”. Celle-ci interroge plus précisément les liens entre corps, psychiatrie et queerness », indique-t-elle. Ainsi ce projet est-il voué à évoluer, tout comme les préjugés sur la santé mentale.