Jan Makowski et Mathilde Cybulski, nos coups de cœur de la semaine, nous emmènent sur le chemin des émotions. Tandis que le premier compose un journal intime et introspectif de son parcours de vie sur une île qu’il a habitée de longues années durant, la seconde cherche à dénouer la relation complexe qu’elle entretient avec son père, au gré de promenades en sa compagnie.
Jan Makowski
Du grain, des noirs profonds, des routes solitaires et des paysages austères. Dans sa série Remoteness, Jan Makowski sonde un lieu qu’il a habité durant plusieurs années : l’île de Jersey, dans la Manche. « À l’âge de 20 ans, j’ai quitté la Pologne, où je suis né, pour vivre sur cette île britannique », confie le photographe. Il capture ses émotions et la météorologie, et compose ainsi un journal intime de ses explorations géographiques et personnelles. « Je suppose que Remoteness est une histoire de vent et de changement perpétuel », déclare-t-il. À travers les sentiers, les rues goudronnées et les champs, il dessine son propre chemin de vie qui, en 2020, le ramènera sur sa terre natale. « Pour moi, une route est un itinéraire spécifique avec un début clair et une fin vague. Il appartient à chacun·e de choisir de la suivre, de faire un détour ou de la rejeter », explique l’artiste polonais. Jan Makowski se laisse bercer dans les limbes de l’existence humaine, révélant peu à peu son âme et son état d’esprit. À chaque moment saisi par son regard se pose une question : quel virage inattendu prendra l’avenir ?
Mathilde Cybulski
Au-delà de son travail de photojournaliste, Mathilde Cybulski capture l’intime dans une prose visuelle délicate. Dans son processus créatif, « la vérité ou le réalisme [l’]importent peu, c’est la poésie et l’aspect symbolique des images qui comptent », soutient-elle. Avec À nos balades écarlates, la photographe, installée à Strasbourg, compose le tendre récit de sa relation avec son père, « faite d’amour et de regrets, de rancunes, de craintes et d’empathie : un sac de nœuds à démêler », détaille l’artiste. Sur ses images dans lesquelles monochrome et rouge grenat se croisent, elle capture les promenades qu’elle partage avec son paternel, sans jamais montrer son visage. « J’ai eu envie d’interroger l’ambiguïté des émotions, de tout ce qui fait la complexité des liens intrafamiliaux », explique-t-elle. Des coquillages vides sur le sable, elle y retrouve son enfance, d’un dauphin échoué sur la plage, « les cicatrices d’hier ». Mais sur le chemin de cette balade chargée en émotions contradictoires, une direction commune avec son père se dessine sur « une terre rouge, craquelée, apparaissant comme les stigmates d’un passé tumultueux, qui cicatrisent », conclut-elle.