Léna Mezlef et Diane Desclaux, nos coups de cœur de la semaine, nous emmènent en voyage. La première nous fait découvrir l’Amérique profonde quand la seconde donne à voir des paysages en bord de mer.
Léna Mezlef
Des façades d’habitations, des portraits et des voitures se déclinent dans des nuances solaires. Nous sommes au cœur des États-Unis. Les contrastes sont marqués et témoignent d’identités affirmées. « Lors de ce voyage entre Kansas City et Nashville, traversant les paysages bruts du Kansas, du Missouri, de l’Illinois, du Kentucky et du Tennessee, j’ai voulu laisser place à une exploration instinctive, sans récit écrit ou structure préconçue. Mon intention était de m’immerger dans ces lieux et d’en tirer une série d’images qui reflètent mon expérience visuelle et émotionnelle, sans chercher à formuler une thèse ou un message précis », raconte Léna Mezlef, qui signe ces clichés. À travers God, Guns and Family, la photographe s’intéresse à la foi, à la famille et à l’omniprésence des armes qui s’imposent comme d’importants repères au sein de ces territoires. « Ce travail n’a pas vocation à expliquer ou s’interroger sur cette culture, mais plutôt à en capturer l’essence esthétique et sensorielle », poursuit-elle. De fait, ses compositions, réalisées à l’argentique, font la part belle à la lumière qui nimbe des scènes banales, toujours empreintes d’émotions fortes. « Ces symboles – drapeaux, églises, armes, parkings déserts – sont aujourd’hui tellement ancrés dans l’imaginaire collectif qu’ils semblent familiers même pour celles et ceux qui n’ont jamais posé un pied aux États-Unis. Je veux cependant rappeler que ces éléments ne sont pas que des décors hollywoodiens, mais bien le quotidien de millions de personnes. Ils incarnent une réalité vécue, des habitudes, des rituels et des croyances profondément enracinées dans cette Amérique, au-delà des clichés véhiculés par le cinéma ou les médias », souligne-t-elle à juste titre.
Diane Desclaux
« Quand j’étais petite, mes parents, qui ont beaucoup voyagé, nous projetaient, ma sœur et moi, des diapositives de leurs périples sur une grande toile blanche. Ensuite, en voyant ma mère prendre des photographies du Morbihan, j’ai demandé un appareil photo pour mes 17 ans que je n’ai plus jamais quitté », commence Diane Desclaux. Dans le prolongement de ces souvenirs, l’artiste utilise désormais son boîtier pour figer des moments poétiques, qui auraient pu se perdre dans le tumulte des jours. Des silhouettes peuplent toujours ses images. Alors que le paysage côtier se perçoit distinctement, elles apparaissent floues, par fragments ou telles des ombres. Ainsi suggèrent-elles la complexité du réel. « Avec la série undeuxcentième, je voulais questionner avec une fausse légèreté notre place dans le monde et nos interactions avec tout ce qui le construit. En comparant différentes échelles humaines, pour repenser la mesure de notre place face à la nature. Une prise de recul en quelque sorte », précise-t-elle. Pensées comme les architectures qu’elle a observées lors de ses études à l’ENSA, ses tirages jouent avec l’environnement, sondent le rapport entre les êtres et le paysage. « Le cadrage est pour moi une sorte de plan. Les ombres, la lumière, les objets et les personnes deviennent tour à tour des structures, des éléments porteurs. Je suis obsédée par la mer et son horizon, cette ligne nette au-delà de laquelle on ne peut pas voir, qui peut diviser une photographie en deux », indique notre interlocutrice. L’occupation des espaces se révèle alors comme une muse discrète, pourtant au cœur de toute composition artistique.