Roxane Cassehgari et Kinu Kamura, nos coups de cœur de la semaine, explorent leurs identités multiples et les mémoires de leurs familles. La première part sur les traces des origines de son paternel, en Iran, après vingt ans d’absence et tisse avec délicatesse une relation avec sa culture. La seconde s’interroge sur sa double nationalité, franco-japonaise, et cherche à comprendre les liens entre métissage culturel et héréditaire.
Roxane Cassehgari
En septembre 2022, Roxane Cassehgari, photographe et anciennement avocate et chercheuse sur les questions des droits humains, se rend en Iran, pays de son père, après vingt d’absence. « C’est la première fois que j’y allais seule, en tant qu’adulte, et sans mon père », précise-t-elle. Alors que le 8e art l’appelait, elle fait de ce voyage un premier projet. « J’avais besoin de raconter mon histoire diasporique et le médium est pour moi un moyen de documenter et d’archiver des récits », ajoute l’artiste. De retour dans la maison familiale, tous les moments vécus vingt ans auparavant refont surface. « J’ai tout retrouvé, les repas, les pique-niques, les siestes, la maison au bord de la mer. Ils m’avaient profondément marqué sans le savoir. Je pense que c’est ça vivre dans la diaspora, c’est vivre dans la nostalgie de quelque chose qui nous manque sans vraiment le connaître », réfléchit-elle. Armée de son appareil photo, Roxane Cassehgari capture les détails, les instants d’intimité, les festins, les jeux, les temps de repos et compose sa série The Return. Doucement se dessine son ancrage avec cette « terre mère ». Elle raconte un récit universel, celui des enfants d’immigré·es et leur relation avec leur pays d’origine.
Kinu Kamura
Kinu Kamura est franco-japonaise, japonaise du côté de son père qui est né à Nagasaki en 1947. L’artiste, vivant actuellement à Paris, a posé ses valises dans différentes villes du monde, de Tokyo à Londres, en passant par New York. « Chacune, à sa manière, a profondément marqué mon regard et nourri mon univers : urbain, vibrant, intense et métissé », confie-t-elle. « Métissage », ce mot correspond à un fil rouge dans son travail qu’elle définit ainsi : « Qu’il soit héréditaire et/ou culturel, il symbolise la rencontre et l’hybridation entre différentes cultures, ethnies ou traditions, générant un mélange génétique et socioculturel. » En 2019, elle commence sa série Me, Myself and I, initialement pensé comme une œuvre autobiographique. « Il visait à explorer les mémoires familiales et transgénérationnelles. Il a cependant pris une autre direction. Quand j’échangeais sur le projet, je revenais constamment autour des notions de métissage et d’identité », constate la photographe. À travers ses images, Kinu Kamura interroge ses nationalités, redéfinit leurs limites et réalise une analyse visuelle pour répondre à la question : « Comment se définir lorsqu’on porte en soi plusieurs héritages, parfois perçus comme contradictoires ? » Visage, corps et mouvements constituent une quête identitaire, un plongeon entre tradition et modernité, un voyage qui lui ouvre des perspectives tournées vers ce qu’elle nomme « une diversité réinventée ».