Avec la série Cowboys Créoles, Chloé Kerleroux rend hommage à la figure du vacher noir, personnage emblématique de l’histoire étasunienne, ayant donné naissance à la culture Trail Ride. L’exposition est à découvrir au Point Éphèmere à Paris, jusqu’au 25 août.
En Louisiane, le Trail Ride mélange randonnées équestres et rodéos endiablés. Il poursuit une tradition ignorée par l’histoire blanche révisionniste : celle des Cowboys Créoles du Sud-Ouest des États-Unis. Avec Cowboys Créoles, la photographe Chloé Kerleroux revient sur l’histoire du vacher noir. Cette figure emblématique a été largement invisibilisée par l’histoire étasunienne, alors même qu’en 1875, un⸱e cowboy sur quatre était afro-descendant⸱e réduit·e en esclavage ou un⸱e esclave affranchi⸱e.
Loin du cliché du cowboy caucasien véhiculé par Hollywood, les Afro-américain⸱es de Louisiane ont un long historique équestre. Dès 1760, iels gardent le bétail dans les premiers ranchs français établis dans le Sud-Ouest de la Louisiane. En effet, comme l’indique la photographe, « contrairement à leurs maître⸱sses français⸱es, les Africain⸱es avaient depuis longtemps l’expérience de l’élevage du bétail dans la zone sahélienne de l’Afrique de l’Ouest. » Jusqu’à l’abolition des lois ségrégationnistes en 1965, les Afro-américain⸱es n’avaient pas le droit de participer aux rodéos. Ainsi, les esclaves affranchi⸱es et les propriétaires terrien⸱nes créoles ont donné vie à leurs propres compétitions et culture cowboy. « C’est ainsi que naît le Trail Ride, qui devient une culture à part entière, explique l’artiste. À la même période, alors que les travaux pétroliers surgissaient au Texas, les Créoles de Louisiane se sont déplacé⸱es vers l’Ouest et le Sud en exportant avec eux leur culture. » Une coutume indissociable du zydeco, une musique populaire créole de Louisiane apparue au début du 20e siècle. Aujourd’hui, alors que le Trail Ride attire de plus en plus de jeunes, le zydeco fusionne avec la culture hip-hop en rendant cet héritage plus vivant que jamais.
S’émanciper des diktats de la société blanche
« Je suis fascinée par le moment où l’ancien monde fusionne avec le nouveau, cet instant fragile où une culture ancestrale se retrouve rattrapée par la modernité » explique Chloé Kerleroux. Selon la photographe, la puissance du Trail Ride réside dans sa capacité à s’émanciper des diktats de la société blanche capitaliste, qui voudrait lisser toute expression culturelle authentique et ancestrale. « Derrière une culture stéréotypée ou marginalisée, il y a toujours des richesses cachées ou oubliées inestimables » développe-t-elle. En juillet 2023, elle prend part à deux représentations en Louisiane, avec son compagnon et son fils. « L’un de ces événements était plutôt important et organisé sous un cagnard étourdissant à travers les champs, et le second bien plus intime et spontané, un jour de tempête force quatre, rendant l’atmosphère plus que particulière et humide » raconte-t-elle. « Les randonnées sur les sentiers de Louisiane commencent généralement par du camping le vendredi soir, accompagnées d’un DJ ou d’un groupe, puis se poursuivent le samedi par la randonnée elle-même : une longue caravane de cavalier⸱ères et de chars, chacun⸱e avec de la musique à bord. Une fois la nuit tombée, une scène live zydeco attend les randonneur⸱ses, suivies d’une performance de DJ de dirty south (sous-genre de hip-hop apparu dans les états du Sud, ndlr) pour danser jusqu’au bout de la nuit. » Suite à ces expériences, elle commence son documentaire photographique, en continuité avec ses précédentes séries, centrées sur des phénomènes de résistance culturelle à la colonisation, l’impérialisme et la mainmise consumériste.