Les lauréates de la bourse de création émergente et des prix Saif et Fuji initiés par Les femmes s’exposent ont été récompensées durant le week-end d’ouverture du festival dédié à la création féminine. Lumière sur Camille Michel, Anaïs Oudart et Fiora Garenzi.
L’édition 2024 du festival Les femmes s’exposent a ouvert ses portes le 7 juin. Faisant la part belle à la diversité des écritures photographiques l’événement poursuit cette année encore sa vocation originelle : proposer une programmation intergénérationnelle et internationale, composée de sujets ancrés dans la contemporanéité : « l’égalité des genres, la naissance dans les années 1980 d’une discipline des Jeux olympiques, la breakdance, le dérèglement climatique, les conséquences de la colonisation, les défis rencontrés par les migrant·es ou par les peuples autochtones dans la préservation de leurs traditions… », énumère Béatrice Tupin, directrice du festival.
Et, à l’occasion du week-end d’ouverture, les trois lauréates de la bourse et des deux prix organisés par Les femmes s’exposent ont été dévoilées. Gagnante d’une dotation de 10 000 euros, Camille Michel remporte la Bourse de création émergente, lancée en collaboration avec les fonds de dotation Porosus et Régnier pour la Création, pour sa série Inughuit. Gardien des glaces. Le Prix Fuji offre quant à lui à Anaïs Oudart, pour L’étreinte du serpent, un boîtier et une optique d’une valeur de 3398 euros. Enfin, le Prix Saif – Les femmes s’exposent récompense sa lauréate d’une dotation de 3000 euros et d’une exposition à l’UPP – Maison des Photographes à Paris en octobre 2024. Une distinction qui revient à Fiora Garenzi, pour son projet Djinns et dragons.
Des récits nuancés autour de territoires
Fascinée par le nord du Groenland, Camille Michel y séjourne régulièrement depuis dix ans. Leur territoire ? Une ville et trois villages, regroupant 700 habitant·es. Hébergée par une famille, l’autrice s’immerge dans cette culture passionnante, et produit, dans la splendeur des paysages enneigés, un travail rendant hommage à leur résilience et à l’incroyable capacité d’adaptation de l’être humain. Dans des tons plus sombres, Anaïs Oudart signe quant à elle, avec L’étreinte du serpent, une série documentaire poignante en République démocratique du Congo, un territoire dont « les guerres répétées depuis 1996 ont causé plus de cinq millions de morts », rappelle-t-elle. Alternant portraits, décors et natures mortes, elle dirige son objectif sur les survivantes des violences sexuelles qui se battent sans relâche pour dépasser les traumatismes et rompre le cycle des violences.
Enfin, c’est à Socotra, une île du Yémen située en mer d’Arabie que Fiora Garenzi dédie Djinns et dragons. Nourrie par des études en photographie, histoire du monde arabe et géopolitique, l’autrice de 26 ans construit un récit nuancé autour de ce territoire. Entre mythes et légendes, enjeux environnementaux et patriarcat ancré, elle pose un regard engagé sur ce lieu empli de mystères. « On se balade sur l’île tel un décor rêvé qu’on croirait intact, même si ses habitant·es déplorent déjà les changements subis par le paysage. Fracture dans la beauté, évoquer Socotra c’était produire un documentaire qui dissocie autant qu’il allie la nature avec la culture, l’ancre avec l’éphémère, l’histoire de l’île avec les histoires qui font l’île », explique-t-elle. À la croisée du reportage et du regard d’auteur, les trois femmes primées développent des réflexions profondes sur différents espaces. Toutes s’immergent dans les dynamiques qui modulent des cultures pour en faire des portraits aussi justes que nuancés.