Les Frôlements de l’ombre sont les images énigmatiques et inquiétantes d’Alain Willaume, photographe lanceur d’alerte qui réfléchit aux liens fragiles entre l’humanité et le vivant. La Villa Pérochon accueille son exposition jusqu’au 17 février.
Auteur d’une œuvre radicale, inquiétante et révélatrice, Alain Willaume se sert de la photographie comme d’un moyen presque ésotérique de parvenir à de nouvelles réalités. Derrière les apparences, derrière la conformité, le photographe décèle les gouffres et les failles, en parvenant à susciter de véritables épiphanies. Pour l’exposition Frôlements de l’ombre, présentée à la Villa Pérochon de Niort, il puise dans son œuvre énigmatique pour créer une atmosphère crépusculaire et labyrinthique. Ses photographies rencontrent l’ambiance de la Villa, et assument des significations nouvelles. Le parcours est organisé en deux étapes. L’une est dédiée à l’inquiétude humaine vis-à-vis des changements du monde et l’autre se conçoit comme un refuge dans lequel se recueillir pour échapper à la menace omniprésente. Par ses images effrayantes, d’une étrangeté inconfortable remplie d’une terreur ancestrale, Willaume relève la tension entre le monde des humains et la nature environnante, mise en échec par leurs actions. Grand expérimentateur, le photographe se définit comme un « guetteur » et un lanceur d’alerte : « Je suis plutôt un voyageur qui, parfois, fait des images… Un guetteur qui s’assigne certains territoires et les arpente pour alarmer ses semblables ou leur proposer quelques songes ou questionnements fertiles. »
Une humanité aussi menaçante que vulnérable
La question qui anime le travail d’Alain Willaume est celle des liens qu’entretiennent les êtres humains avec leur environnement. C’est une œuvre parsemée de doutes, d’illusions et « écrans de fumée », qui traduisent les inquiétudes profondes du photographe. Le temps et l’espace sont brouillés, les couleurs faussées, plongées dans des nuances sombres, comme si l’ombre prenait le dessus partout. La tension est palpable au sein de paysages en sursis, menacés par une action humaine dévastatrice et inconsciente. Les hommes et les femmes apparaissent d’ailleurs dans toute leur fragilité, mais aussi leur brutalité vis-à-vis du reste du vivant. Dans les images de cet artiste inclassable, l’humanité apparaît aussi menaçante que vulnérable. « Photographe pour qui la fiction n’est pas l’envers de la réalité, mais une de ses modalités, Alain Willaume n’oppose pas engagement et mystère, mais les unit au contraire dans une forme n’ayant nul besoin d’être tonitruante pour être efficace », écrit l’écrivain Fabien Ribéry au sujet de Willaume. « Il utilise le médium photographique comme les sourciers leur bâton ou leur pendule, afin de déceler sous la conformité des apparences des lignes de failles, des gouffres vertigineux happant soudain les visages comme le sens de toute chose. »