Troisième et dernier chapitre de son projet au long cours, Mythologies III : Les métamorphoses, dévoile une nature foisonnante et réinventée, où l’homme, acteur secondaire de l’histoire, navigue en cohésion avec le vivant. Une épopée initiatique couchée sur le papier, qui reflète à la fois la nécessité contemporaine de reconnexion à la terre, trop longtemps mutilée. Une série qui sera exposée le 18 janvier 2024 à l’Institut français de Barcelone.
Ayant travaillé sur ce projet durant quatre ans, Letizia Le Fur clôt aujourd’hui ses épopées fantastiques, en déployant le deuxième et dernier opus de sa série Mythologies. Inspirée par les mythes gréco-romains, d’Homère, d’Hésiode ou d’Ovide, la photographe a entamé sa propre pléiade visuelle avec le lancement de son premier ouvrage en 2021, Mythologies I – II. Ce dernier se partageait en deux chapitres, « L’origine » et « L’âge d’or ». Cette fois-ci, « Les métamorphoses », en tant que troisième chapitre, nous présente une nature abondante, devenue hostile à l’homme, une situation qui a pu exister ou qui existera dans un futur proche. « L’ensemble de ce projet s’apparente à une fable écologique, rappelle-t-elle, après “L’âge d’or”, au moment où j’ai commencé à bien maîtriser mon sujet, j’ai accouché d’une promesse d’un avenir possiblement meilleur, d’une sorte de nostalgie de ce qui a pu être bien pour l’homme et la nature. “Les métamorphoses”, c’est la transformation du point de vue personnel, de mon travail, de son glissement vers l’abstrait. Mais c’est également une fusion entre tous les éléments : les hommes, les minéraux, les végétaux, les êtres. C’est la fluidité, et je pense que ça correspond à ce que l’on vit, où les choses deviennent de plus en plus perméables », confie-t-elle.
Être non-identifié
Un changement, une fluidité quelque chose que l’on ressent aussi bien dans ce personnage présent dans l’ouvrage, homme, ou parfois simple silhouette androgyne, dont on ne sait rien hormis les courbes. Il n’y a « aucune relation de séduction, d’érotisme, de je ne sais quoi à travers cet homme », il se comprend comme la représentation objective de toute l’humanité. Un être sans nom ni artifice, nu et prêt à entamer sa mue prochaine. À travers les pages que l’on tourne et la vue des diptyques qui se répondent en éclat, on circule aux côtés de cette personne au cœur de paysages réinventés à l’infini. « Je modifie, change les couleurs de ces lieux et laisse à tous·tes la liberté de créer son propre paysage. Ce qui m’intéresse dans ce travail et dans le reste de mon œuvre, c’est d’inventer mon propre décor, ma propre nature. Presque comme quelqu’un·e, de tout·e puissant·e », ajoute Letizia Le Fur. Une transcendance s’opère, la confusion de ce qui a existé ou existera émerge en nous, on ne sait pas où l’on se situe, est-ce l’arrivée de l’humanité sur terre ou juste après sa disparition future ? Des questions laissées sans réponses, qui importent finalement peu. Car l’essentiel, c’est d’être bien là, présent·es dans le manque de repères.
L’absence pour reconstruire
Se baigner dans des océans de solitude, ralentir la cadence et se laisser engloutir dans les bois pour se reconnecter à nos racines, voici peut-être ce que Letizia Le Fur nous suggère. Elle nous invite à rester attentif·ves à tous ces gestes secrets, à écouter les murmures de la forêt et à nous réchauffer dans le scintillement de cette eau cristalline. Dans l’isolement, la nature apparaîtra plus vivante que jamais. Dorénavant, nous en sommes conscient·es, il n’y aura plus rien après, seul un renouveau dans l’absence, une métamorphose obligatoire. « Il y a une image que j’aime beaucoup, qui existe en noir et blanc et en couleur. C’est celle d’un nu derrière une énorme fougère. Elle résume exactement cette idée de métamorphose, cette fusion, ce corps qu’on ne voit plus, qui disparaît au profit de l’écosystème », conclut-elle.
Graphic design Bizzarri-Rodriguez
120 pages
49€