Depuis quelques jours, l’exposition Nouvelles Reines de la photographe Sandra Reinflet, installée depuis le 19 septembre 2024 – et en cours jusqu’au 27 avril 2025 – dans la basilique Saint-Denis, est victime de commentaires haineux de la part de membres et collectifs d’extrême droite. Pour cause, parmi ces reines trônent des femmes voilées.
Un dialogue entre des reines de France d’antan, enterrées à la basilique Saint-Denis, et des femmes d’aujourd’hui, habitantes de la Seine-Saint-Denis, précaires, mais puissantes dans leur habileté à surmonter les obstacles, s’opère au sein de l’édifice religieux. Dans Nouvelles Reines, une exposition réalisée en collaboration avec le diocèse de Saint-Denis et le Centre des monuments nationaux, l’artiste Sandra Reinflet, lauréate prix Roger Pic de la Scam et de la Grande commande photographique initiée par le ministère de la Culture et la Bibliothèque nationale de France en 2022, rend hommage à ces reines du 93. Elles ont entre 19 et 85 ans, des origines variées, certaines vivent avec le VIH, d’autres apprennent à écrire, d’autres ont été victimes de violence, mais chacune, « par [sa] résilience, retrouve la souveraineté sur [sa] propre vie fragilisée », est-il noté dans le communiqué de presse du diocèse. Sandra Reinflet, qui par ailleurs est dionysienne, a pensé ce travail par le prisme de la Basilique. Photographiant les vitraux du lieu qui figurent les 32 reines de France inhumée en son sol, puis les projetant sur les habitantes de Saint-Denis et d’Aubervilliers, l’artiste tisse un lien puissant entre les femmes, peu importe leur religion ou même leur époque. Ainsi, parmi ces « Nouvelles Reines », se trouvent trois femmes portant le hijab. Elles auraient pu être d’autres confessions, « et une trentaine sont torse nu », indique la photographe
Attaques verbales et physiques
Alors que l’exposition, validée par le clergé, cherche à « rendre hommage à des femmes d’aujourd’hui, présentes sur le territoire dionysien, à travers des jeux de lumière, si caractéristiques de cette Basilique surnommée “Lucerna”, la lanterne de lumière », selon le communiqué de presse du diocèse, elle est depuis quelques jours l’objet d’attaques haineuses – verbales et physiques – de membres de l’extrême droite. D’abord sur les réseaux sociaux, le collectif féminationaliste Némésis, ayant un discours anti-immigration virulent, a publié une vidéo sur Instagram critiquant l’installation des photographies où le hijab est visible. Ce mardi, c’est le collectif d’ultradroite Natifs qui agit au sein même de l’édifice, en cachant les trois images par les visages de Jeanne d’Arc, sainte Geneviève et Geneviève de Galard. La mairie juge cette action « contre le multiculturalisme et le vivre-ensemble ». Les Filles de la Photo (collectif qui réunit des professionnelles de la photographie) et l’association Réseau Lux (réseau national de festivals et foires photographiques) ont conjointement fait savoir leur indignation dans un communiqué de presse publié le 8 mars, lors de la journée internationale des droits des femmes, et apportent leur soutien à Sandra Reinflet, qui a choisi de porter plainte contre ces attaques. « Je suis si désolée pour les femmes photographiées qui sont, comme souvent, réduites à ce qu’elles portent, déplore l’autrice. Ces personnes veulent juste les faire disparaître, alors qu’elles sont déjà invisibilisées. Il n’a jamais été question de leur confession, mais de leur trajectoire de vie, et je les ai photographiées comme elles étaient (ou voulaient être). C’est terrible, on en est à être attaquée pour les personnes qu’on photographie. » L’exposition est un témoin juste de la population de la Seine-Saint-Denis. Elle représente sa diversité et son parcours multiple, la robustesse de ces femmes, et transcende les différences, pour les unir dans le temps.