Dans Aquarius, le photographe français Julien Babigeon interroge la dualité entre la nature et l’artificiel. Une série marine et complexe, inspirée par l’Océarium de Lisbonne.
La photographie accompagne Julien Babigeon, Lillois de 43 ans, dans chacun de ses voyages et déambulations. Ses parents ayant étudié aux Beaux-Arts, l’auteur a grandi dans un univers artistique enchanteur « entre la peinture à l’huile et la chambre noire », précise-t-il. Depuis une dizaine d’années, il se consacre à la pratique du 8e art, qu’il perçoit comme un média créateur de surprise. « J’utilise mon boîtier pour saisir l’étonnement face à des choses anodines, révéler des détails insolites observés lors d’instants quotidiens, dans la grandeur d’un paysage ou la banalité d’un décor urbain », explique le photographe qui aime transformer le mondain en un univers énigmatique, invitant le spectateur à s’immerger dans un imaginaire commun.
Lors d’un séjour à Lisbonne, en février 2018, Julien Babigeon a visité l’Océarium de la ville ; un espace apaisant, refuge d’un monde aquatique aussi insaisissable qu’attirant. Face à l’immensité de la faune marine, l’Homme s’efface alors, plein d’humilité. « Découvrir un tel écosystème marin nous renvoie à notre propre condition d’être humain », précise l’artiste. Une révélation qui le plonge dans les profondeurs de l’océan.
Des entrailles de l’océan
Faite de contrastes, la série Aquarius interroge notre place dans le monde. Ces animaux sont-ils enfermés dans ces bassins gigantesques, ou est-ce l’Homme qui est prisonnier d’un monde factice ? « C’est cette dualité entre l’être humain et la nature, l’océan et l’artifice qui compose ma série. J’y place l’Homme comme s’il était contenu dans un aquarium », confie Julien Babigeon. L’eau domine chaque image de l’auteur. Elle s’immisce, rugit et reflète la lumière du soleil, tantôt sauvage, tantôt domptée. À ses côtés, les habitants des royaumes aquatique et terrestre se rencontrent. Le plastique et le métal brillent et jouent les geôliers manipulateurs. Enfermés dans un métro bondé, figés dans l’attente du flash d’un smartphone, ou simplement isolés dans une nature qu’ils ne comprennent plus, les personnages présents sur les images semblent ignorer leur réclusion.
Malgré la beauté des couleurs et des vues aquatiques, l’œuvre de Julien Babigeon est complexe. Elle questionne la société contemporaine et bouleverse les codes en jouant avec les notions de liberté et d’enchaînement. Sommes-nous devenus esclaves de nos vies actives ? Soucieux de tout contrôler, pouvons-nous encore nous évader quelques instants ? En capturant une flore maritime sublime, le photographe disperse çà et là des réflexions sur la pollution, ou la solitude dans un monde ultra connecté. Une poésie saisissante, venue des entrailles de l’océan.
© Julien Babigeon