L’homme qui murmurait à l’oreille des chats

19 septembre 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
L’homme qui murmurait à l’oreille des chats

Durant près de 75 ans, le photographe américain Walter Chandoha a capturé des centaines de chats. L’ouvrage Cats, publié aux éditions Taschen, donne à voir l’amour que portait l’artiste à ces félins miniatures.

La fascination de Walter Chandoha pour la photographie débute dans les années 1930, à Bayonne dans le New Jersey, alors que l’artiste est encore au lycée. Très vite, il s’inscrit dans un club local, dont les chambres noires, équipées de tireuses professionnelles, lui permettent d’apprivoiser le média. « Après de nombreux essais, je suis devenu un assez bon technicien », précise l’auteur. Son diplôme en poche, il accepte un poste d’apprenti à New York, chez Leon de Vos, et devient brièvement portraitiste, avant d’être enrôlé dans l’armée, au lendemain de Pearl Harbor. Durant la guerre, il est remarqué pour son talent et devient reporter pour un journal de G.I.. Documenter les péripéties du conflit international lui apprend à être réactif, à s’adapter et à improviser.

À son retour à la vie civile, en 1946, il passe son temps à capturer la ville et son quotidien, fasciné par la multitude d’instants à figer. Un soir d’hiver, en 1949, il découvre un chaton abandonné dans une ruelle enneigée, et l’emporte avec lui pour l’offrir à sa femme. Tous deux baptisent l’animal Loco, et commencent à capturer ses instants de folie, héritage de ses ancêtres prédateurs. Un premier modèle félin qui forge l’amour que le photographe portera à cette espèce jusqu’à sa mort, en janvier 2019. Durant plus de 75 ans, il capturera les attitudes et expressions des chats, alternant entre compositions minutieuses et hautes en couleur et scènes de vie intimes, touchantes. Une œuvre présente sur plus de 300 couvertures de magazines, et des centaines d’emballages d’aliments pour chats.

© 2019 Walter Chandoha

Guidé par son instinct

Car dans les années 1950, la génération des baby-boomers croît, et l’ère consumériste bat son plein. La notion de famille, primordiale, devient un argument vendeur, et l’animal de compagnie fait partie intégrante du rêve américain. Les chats, créatures mignonnes et attachantes, deviennent de plus en plus populaires. Animé par son affection pour ces bêtes, Walter Chandoha se différencie des autres photographes. Inspiré par les peintures de Johannes Vermeer, il place ses sujets à quatre pattes à contre-jour, jouant avec les ombres et illuminant les détails de leurs frimousses.

Mais c’est l’œil de l’artiste – et de sa femme Maria, son « assistante avec de la magie dans les mains » – qui parvient à saisir avec poésie toutes les singularités des chats. Guidé par son instinct et par sa grande connaissance des animaux, le photographe capture avec brio des scènes évoquant le jeu, la sauvagerie, ou la douceur de ses modèles. En invitant la spontanéité dans son travail, il redonne sa liberté à un animal sauvage devenu domestique. Un dialogue savamment maîtrisé entre deux êtres. Par le prisme de son objectif, l’artiste dévoile des scènes de vie de la société américaine. S’il maîtrise la couleur, c’est dans ses monochromes qu’il sublime ses sujets, représentant le lien entre homme et l’animal. Des instants de complicité aussi beaux qu’éphémères, construisant un récit plein de légèreté et d’énergie, à l’image des félins qu’il admire tant.

 

Cats, éditions Taschen, 40 euros, 296 p.

© 2019 Walter Chandoha© 2019 Walter Chandoha

© 2019 Walter Chandoha

© 2019 Walter Chandoha© 2019 Walter Chandoha

© 2019 Walter Chandoha

© 2019 Walter Chandoha© 2019 Walter Chandoha

© 2019 Walter Chandoha

© 2019 Walter Chandoha

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