Pour la journée internationale de sensibilisation à l’autisme, revenons sur Lilou – une série profondément humaniste de Lucie Hodiesne Darras, dédiée à la réalité du handicap. Présentée jusqu’au 30 avril à la Bibliothèque Alexis de Tocqueville à Caen, elle illustre comment le 8e art peut définitivement bouleverser les esprits.
Ce vendredi 2 avril, c’est la journée internationale de sensibilisation à l’autisme. Prenons alors le temps de nous informer sur ce handicap et de soutenir les initiatives qui visent à améliorer la situation. Avec environ 650 000 personnes concernées en France – par l’autisme et les troubles du spectre autistique –, il devient définitivement essentiel de les écouter et de les comprendre. Car parmi ces individus, seuls 0,5% travaillent en milieu ordinaire (selon un sondage réalisé par Ifop-SOS Autisme) – ce qui retarde évidemment toute stratégie d’inclusion. De plus, seuls 30% des enfants autistes sont scolarisés à l’école maternelle, et 40% à l’école élémentaire. Une réalité déconcertante quand on sait que l’apprentissage et la socialisation sont les seules voies réelles pour construire un avenir autonome ; et ce, pour tous les enfants. C’est pour cela, que le gouvernement a annoncé en 2018, après 9 mois de concertation sur tout le territoire, la Stratégie nationale pour l’autisme 2018-2022. Vouée à changer la donne et promouvoir l’inclusion des personnes autistes, elle s’est construite sur cinq dimensions essentielles. Remettre la science au cœur de la politique publique de l’autisme. Intervenir le plus précocement possible auprès des enfants. Puis, rattraper le retard en matière de scolarisation. Soutenir la pleine citoyenneté des adultes. Et enfin, accompagner les familles et reconnaître leur expertise.
L’intimité de cet univers inconnu
Ces réalités complexes, la photographe française Lucie Hodiesne Darras les connaît bien. En témoigne sa série Lilou, amorcée en 2018, où elle capture le quotidien de son frère autiste Antoine. « Lilou est le surnom que l’on a donné à mon grand frère Antoine, 31 ans. Comme l’héroïne de Luc Besson dans Le Cinquième élément, il est quelqu’un d’exceptionnel, vivant dans un univers différent du nôtre », explique la photographe. Protagoniste fantastique de cet ensemble visuel, on découvre une personne complexe et pleine de vie. Terriblement poignante, la série Lilou met en lumière la diversité d’émotions qui traversent son existence – souvent intensifiées par l’hypersensibilité caractéristique de l’autisme. Mais avant tout, la série révèle le gouffre immense laissé par un manque de représentation colossal de personnes autistes. Car à moins de vivre avec cet handicap au quotidien, qui peut réellement dire qu’il le comprend ? La sensibilisation va nécessairement de pair avec la monstration… Et c’est là que le médium photographique prend tout son sens. Convaincue de la force du 8e art, Lucie Hodiesne Darras véhicule, avec ses images, un message intimement humaniste qui bouleverse les esprits. Et pour cette journée internationale de sensibilisation à l’autisme – et jusqu’au 30 avril –, la Bibliothèque Alexis de Tocqueville à Caen accueille Lilou. « Cela me permet d’apporter une autre perspective sur le sujet. Car on n’a pas l’habitude de voir l’autisme de cette manière. Un regard intime et artistique peut changer les esprits », poursuit-elle. L’occasion de se plonger dans l’intimité de cet univers inconnu, tout en sensibilisant aux réalités de l’autisme. Et dans ce contexte où la culture s’endort, l’exposition se présente comme « une belle victoire », conclut l’artiste.
Lilou © Lucie Hodiesne Darras