Son master en relations internationales et économie au CELSA en poche, rien ne prédisposait – a priori – Lucille Fradin à l’étonnante odyssée, ludique et libre de ses collages. Mais l’artiste a toujours entretenu une passion pour la récup’ et la création d’images composites, à la fois drôles et sensuelles. Son œuvre, encore jeune, trace ainsi un sillon, quelque part entre Sophie Calle et Raymond Hains, sorte d’Oulipo visuel (mouvement littéraire visant à moderniser l’écriture par des jeux littéraires, ndlr) au service d’une légèreté boulimique et dévorante.
Travaillant à base d’images ayant déjà servi, Lucille Fradin amasse d’abord la matière visuelle, comme on tiendrait un journal. « J’accumule des tas de tickets, catalogues d’exposition, cartes postales et autres supports, que je garde précieusement comme des preuves de vie. Je pars donc de matériaux qui ont déjà rempli leur fonction première, celle d’être lus. Je passe aussi beaucoup de temps en brocantes, vide-greniers et dans les librairies de seconde main » explique-t-elle. Puis le travail commence. Celui d’un long processus, maîtrisé et subtil : sélection puis découpage, « temps de la patience et de la minutie » jusqu’à l’assemblage, où l’idée émerge et, enfin le collage – précis et délicat. En émergent ce skieur qui dévale le dos d’une femme, une danse nuptiale entre un géant et un Lilliputien, ces astronautes emmêlés dans leurs câbles… Au cœur de cette œuvre, une ironie tendre, nourrie par un travail sur les titres et un goût pour le corps de femme, « Souvent représenté de manière stéréotypée ou objectivée, dans les médias, j’essaye au contraire de lui rendre hommage en le présentant sous des angles variés, où la douceur des formes se fond dans un pêle-mêle inattendu. C’est ce rapport, cette obsession de la société avec le corps qui me fascine, ma sœur appelle cela ma “fess-ination” », conclut-elle, amusée.