Lancé en 2019, le collectif Lusted Men a récolté, en cinq ans, les images de plus de 800 photographes différent·es. Une collection impressionnante d’images érotiques d’hommes qui se pérennisera bientôt sur les pages d’un ouvrage. Précommandez-le dès maintenant !
« Quand on a lancé la collecte via notre appel en ligne en 2019, on ne savait pas du tout à quoi s’attendre », se souvient Laura Lafon Cadilhac, directrice artistique du collectif. C’est, à l’époque, un pari osé : proposer à des photographes, professionnel·les comme amateurices, de partager leurs photographies érotiques d’hommes. À Arles, alors qu’elles distribuent des flyers, les regards sont circonspects, les réactions timides. « Il me semble qu’en France, on parlait à peine du male gaze, et les initiatives féministes dans la photographie recevaient beaucoup de critiques. Entre nous, on se demandait si on allait simplement recevoir des dick pics sans grand intérêt », poursuit la directrice artistique.
Pourtant, rapidement, la diversité et la qualité des clichés reçus transparaissent. Projet ambitieux et inclusif, Lusted Men s’impose comme un espace de libération, un lieu où la passion est bienveillante, où les regards se croisent, intimes, admiratifs ou amoureux, pour sublimer le corps masculin trop peu vu – contrairement à celui des femmes – comme un objet de désir. D’un projet d’une simple exposition, organisée en 2020, la plateforme revoit ses ambitions : ouvrant même son appel à participations pendant cinq ans. Après un premier accrochage à PhotoSaintGermain en 2021, la collection grandit encore. « On a reçu des contributions de plus de 800 auteurices, du monde entier. Ces images ont circulé dans des lieux très différents, et on nous demandait souvent de pouvoir acheter un livre », précise Laura Lafon Cadilhac.
Multiplier les caractérisations de l’érotisme
Pourtant, en 2021, le compte Instagram Lusted Men est supprimé – une censure bien connue des réseaux, et de l’équipe, qui se résigne à arrêter de publier le contenu de la collection sur internet. « L’unique manière de voir notre archive, c’était donc de venir aux expositions… Ou d’en faire un livre. Au sein du collectif, nous sommes toutes attachées à l’édition. Un ouvrage, ça se prête, ça s’offre, et ça permet de réunir toutes les photos dans un même objet », résume la directrice artistique.
Ainsi naît l’envie d’imprimer ces archives érotiques. Postfacé par la journaliste Maïa Mazaurette, le livre réunit environ 700 clichés donnant à voir la diversité du désir comme de la tendresse. « Pour faire partie des collections Lusted Men, il n’y a que deux critères : que l’homme sur la photo soit majeur, et consentant », rappelle Laura Lafon Cadilhac. Se considérant comme des « archiveuses et curatrices », les fondatrices du collectif ont veillé à toujours sélectionner au moins une image par contribution. Une manière pour elles de multiplier les caractérisations de l’érotisme. « Il nous faut veiller à ne pas privilégier nos goûts personnels, à sélectionner en fonctions des éléments qui nous semblent les plus pertinents », ajoute-t-elle. La répétition d’un motif, l’invention d’un imaginaire singulier, les forces politiques qui structurent nos regards s’imposent alors comme autant de détails qui intéressent les membres de Lusted Men. Véritable cartographie de l’envie, des goûts et des couleurs, le livre s’inscrit dans une volonté de partage où les nuances contribuent à souligner les variances de l’excitation, où les yeux, les peaux, les lèvres, les sexes se rencontrent dans une définition collective et exaltante du mot « désir ».