Magique Andalousie

06 mars 2020   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Magique Andalousie

Avec SW, le photographe espagnol Alvaro Deprit fait le portrait de l’Andalousie – son Andalousie. Un territoire nourri par une histoire riche et des fantasmes d’enfants.

Né à Madrid et d’origine andalouse, Alvaro Deprit a étudié dans une école italienne, avant de s’intéresser à la philologie allemande. Porté par ce mélange des cultures et par une passion pour le cinéma, il construit, avec créativité, son propre univers. À 25 ans, il quitte son Espagne natale pour découvrir l’Europe. « À Chypre, peu après avoir décidé de me consacrer à la photographie, j’ai capturé une image bien particulière : celle d’un citron jaune vif, tombé sur le goudron. Peut-être était-ce la beauté naturelle de la scène, ou son caractère instinctif, mais je me suis senti plus proche de ce cliché que de toutes mes créations précédentes », raconte-t-il.

C’est donc en faisant confiance à son intuition que l’artiste évolue. Poète et libre, il construit des récits fabuleux, interrogeant les notions de mémoire, de rêve et d’histoire. « Je préfère m’attacher à des sujets qui m’interpellent, sans jamais les interpréter de manière frontale », précise-t-il. SW, ouvrage aux tons pastel, fait le portrait de l’Andalousie. Son Andalousie. Un territoire d’abord fantasmé, puis arpenté. « Une fois retraités, mes parents ont quitté Madrid pour le sud de l’Espagne – d’où mes grands-parents sont originaires. Enfant, je voyais défiler de vieilles images de la région, j’entendais des histoires de famille, et je m’imaginais ce lieu fictif. Aussi, lorsque je m’y suis rendu pour la première fois, j’ai commencé une exploration de la région, guidé par mon imaginaire enfantin », relate Alvaro Deprit.

© Alvaro Deprit

Un funambule entre deux univers

Dans ces paysages méditerranéens, les traces des cultures, ainsi que les frontières entre fiction et réalité se brouillent. Intemporel, SW joue avec les échos du passé et les visions du subconscient pour peindre un tableau contrasté du territoire. Images d’archives et œuvre d’art affirment l’histoire riche de l’Andalousie, terre sublime ayant inspiré de nombreux auteurs. Pourtant, les panoramas désertiques évoquent autant la chaleur du Sud que celle du Far West américain. « De nombreux films ont été tournés ici et m’ont inspiré. J’ai nommé mon projet SW en référence aux points cardinaux : le Sud évoque la chaleur, le soleil, la Méditerranée, les cactus et les citrons, tandis que l’Ouest appartient aux cowboys, aux Indiens, mais aussi au rêve américain et à Hollywood », explique-t-il.

Teinté d’un certain réalisme magique, l’ouvrage propose un parcours de funambule entre deux univers. Oscillant entre le monde réel et celui des songes, le lecteur suit le périple du photographe et son âme d’enfant dans le paysage andalou. Peu contrastés, les clichés rappellent la brûlure du soleil, mais aussi l’effacement progressif des souvenirs, qui perdent de leur superbe, abimés par le temps. Récit narré par un protagoniste non fiable, SW nous entraîne au cœur d’un univers riche, nourri par l’histoire immuable et l’imaginaire volatile. « Finalement, l’Andalousie ne correspondait pas à mes fantasmes. Mais j’ai exploré avec surprise ce territoire qui était resté enfermé si longtemps dans l’un des placards de mon esprit d’enfant », conclut le photographe.

 

SW, coédition Comunidad de Madrid, 28 euros, 80 p.

© Alvaro Deprit

© Alvaro Deprit© Alvaro Deprit

© Alvaro Deprit

© Alvaro Deprit© Alvaro Deprit

© Alvaro Deprit

© Alvaro Deprit© Alvaro Deprit

© Alvaro Deprit

© Alvaro Deprit© Alvaro Deprit

© Alvaro Deprit

© Alvaro Deprit

Explorez
Samuel Edwards : désirs en miroir
© Samuel Edwards
Samuel Edwards : désirs en miroir
Récemment diplômé de la Central Saint Martins College of Art and Design à Londres, Samuel Edwards navigue dans un univers où s'imbriquent...
15 mai 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas
La sélection Instagram #506 : avec la légèreté d'une plume
© Oana Stoian / Instagram
La sélection Instagram #506 : avec la légèreté d’une plume
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine saisissent un instant, un moment suspendu dans l’air, une respiration, une...
13 mai 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #543 : Clarice Sequeira et Maurizio Orlando
© Clarice Sequeira
Les coups de cœur #543 : Clarice Sequeira et Maurizio Orlando
Clarice Sequeira et Maurizio Orlando, nos coups de cœur de la semaine, proposent un regard intime sur soi et sur l'autre. La première...
12 mai 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Les images de la semaine du 5 mai 2025 : révolution des corps
© Anouk Durocher
Les images de la semaine du 5 mai 2025 : révolution des corps
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages Fisheye célèbrent les corps sous différentes formes, de sa portée politique aux...
11 mai 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les dessous de l'agence Stock Photo : un récit visuel du Québec
Deux jeunes Inuit pratique le chant de gorge devant leurs camarades. Campement d'Okpiapik. Nunavik, 1999 © Jean-François LeBlanc
Les dessous de l’agence Stock Photo : un récit visuel du Québec
Dans le livre Agence Stock Photo, Une histoire du photojournalisme au Québec, la photographe Sophie Bertrand et la directrice artistique...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Un regard brut sur l’exil récompensé par le Saltzman-Leibovitz Prize
© Zélie Hallosserie
Un regard brut sur l’exil récompensé par le Saltzman-Leibovitz Prize
À seulement 21 ans, Zélie Hallosserie remporte le premier Saltzman-Leibovitz Photography Prize pour The Game, un projet...
16 mai 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche
La MEP s’apprête à dévoiler sa rétrospective sur Marie-Laure de Decker
Vietnam, 1971 © Marie-Laure de Decker
La MEP s’apprête à dévoiler sa rétrospective sur Marie-Laure de Decker
Du 4 juin au 28 septembre 2025, la Maison européenne de la photographie rendra hommage au parcours de Marie-Laure de Decker au moyen...
16 mai 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Slave to Trends : le 93 selon Pooya Abbasian
© Pooya Abbasian, Neuf-Trois, 2024, impression sérigraphie sur verre de chantier
Slave to Trends : le 93 selon Pooya Abbasian
À travers Slave to Trends, un projet présenté en 2024 à la Fondation Fiminco, Pooya Abbasian explore les tensions entre esthétique...
16 mai 2025   •  
Écrit par Milena III