Avec SW, le photographe espagnol Alvaro Deprit fait le portrait de l’Andalousie – son Andalousie. Un territoire nourri par une histoire riche et des fantasmes d’enfants.
Né à Madrid et d’origine andalouse, Alvaro Deprit a étudié dans une école italienne, avant de s’intéresser à la philologie allemande. Porté par ce mélange des cultures et par une passion pour le cinéma, il construit, avec créativité, son propre univers. À 25 ans, il quitte son Espagne natale pour découvrir l’Europe. « À Chypre, peu après avoir décidé de me consacrer à la photographie, j’ai capturé une image bien particulière : celle d’un citron jaune vif, tombé sur le goudron. Peut-être était-ce la beauté naturelle de la scène, ou son caractère instinctif, mais je me suis senti plus proche de ce cliché que de toutes mes créations précédentes », raconte-t-il.
C’est donc en faisant confiance à son intuition que l’artiste évolue. Poète et libre, il construit des récits fabuleux, interrogeant les notions de mémoire, de rêve et d’histoire. « Je préfère m’attacher à des sujets qui m’interpellent, sans jamais les interpréter de manière frontale », précise-t-il. SW, ouvrage aux tons pastel, fait le portrait de l’Andalousie. Son Andalousie. Un territoire d’abord fantasmé, puis arpenté. « Une fois retraités, mes parents ont quitté Madrid pour le sud de l’Espagne – d’où mes grands-parents sont originaires. Enfant, je voyais défiler de vieilles images de la région, j’entendais des histoires de famille, et je m’imaginais ce lieu fictif. Aussi, lorsque je m’y suis rendu pour la première fois, j’ai commencé une exploration de la région, guidé par mon imaginaire enfantin », relate Alvaro Deprit.
Un funambule entre deux univers
Dans ces paysages méditerranéens, les traces des cultures, ainsi que les frontières entre fiction et réalité se brouillent. Intemporel, SW joue avec les échos du passé et les visions du subconscient pour peindre un tableau contrasté du territoire. Images d’archives et œuvre d’art affirment l’histoire riche de l’Andalousie, terre sublime ayant inspiré de nombreux auteurs. Pourtant, les panoramas désertiques évoquent autant la chaleur du Sud que celle du Far West américain. « De nombreux films ont été tournés ici et m’ont inspiré. J’ai nommé mon projet SW en référence aux points cardinaux : le Sud évoque la chaleur, le soleil, la Méditerranée, les cactus et les citrons, tandis que l’Ouest appartient aux cowboys, aux Indiens, mais aussi au rêve américain et à Hollywood », explique-t-il.
Teinté d’un certain réalisme magique, l’ouvrage propose un parcours de funambule entre deux univers. Oscillant entre le monde réel et celui des songes, le lecteur suit le périple du photographe et son âme d’enfant dans le paysage andalou. Peu contrastés, les clichés rappellent la brûlure du soleil, mais aussi l’effacement progressif des souvenirs, qui perdent de leur superbe, abimés par le temps. Récit narré par un protagoniste non fiable, SW nous entraîne au cœur d’un univers riche, nourri par l’histoire immuable et l’imaginaire volatile. « Finalement, l’Andalousie ne correspondait pas à mes fantasmes. Mais j’ai exploré avec surprise ce territoire qui était resté enfermé si longtemps dans l’un des placards de mon esprit d’enfant », conclut le photographe.
SW, coédition Comunidad de Madrid, 28 euros, 80 p.
© Alvaro Deprit