Mclean Stephenson ou le corps à l’épreuve

03 octobre 2019   •  
Écrit par Julien Hory
Mclean Stephenson ou le corps à l'épreuve

Avec ses portraits, Mclean Stephenson travaille la matière photographique. Dans des images texturées, le photographe australien livre des microrécits comme des traces d’histoires secrètes et des représentations d’états seconds.

Le grain est épais, les corps sont nus, les postures parfois étranges, et les images souvent torturées. Les photographies de Mclean Stephenson provoquent la pellicule comme elle déforme les êtres. Dans un univers monochrome, l’obscurité qu’il installe devient un écrin pour des scènes propices à l’imagination du spectateur. Son esthétique affirmée ferait presque oublier qu’il est venu au 8e art presque par hasard, en commençant par capturer ses proches. « Lors d’un de mes anniversaires, on m’a offert un appareil photo. Je ne l’avais pas demandé, prendre des images ne m’intéressait pas, confie-t-il. Par coïncidence, mes amis musiciens m’ont demandé de faire des images pour leur presse. C’est comme cela que tout a commencé. »

Parallèlement, Mclean Stephenson développe une pratique personnelle qui le conduit à s’emparer pleinement du médium. Il investit alors un noir et blanc qu’il travaille par nécessité mais aussi par intérêt culturel. « Je shoote tout sur film, explique-t-il. Le noir et blanc était donc moins cher et plus facile à développer. J’utilise mes propres développeurs et fixateurs, et j’aime soumettre la pellicule à des changements de températures extrêmes. Mais en dehors de ces raisons pragmatiques, je suis cinéphile et je ressens une forme de confort familier avec le rendu du noir et blanc. » Une façon de faire qui n’est pas sans rappeler la technique du traitement croisé.

© Mclean Stephenson

Une griffure passionnée

Dans ses références cinématographiques, Mclean Stephenson cite notamment F.W. Murnau (1888-1931), maître de l’expressionnisme allemand et réalisateur, entre autres, du célèbre Nosferatu le vampire. Au-delà de la thématique des états seconds caractéristique du genre, on retrouve dans ses images fixes la saccade des films de l’époque, inhérente aux moyens techniques d’alors. Chez lui, ces secousses transpirent les instants fiévreux. La photographie contemporaine résonne aussi dans son approche. « Parmi les photographes auxquels je pense, je peux dire que Dirk Braekman, Antoine d’Agata et la revue japonaise Provoke, m’ont inspiré. »  Il est vrai qu’au regard de ses œuvres l’influence de ces artistes apparaît comme une évidence.

Mais pour filer ce dialogue entre les arts, c’est du côté de la peinture qu’il faut regarder. Parmi ses inspirations, l’artiste australien transcende les périodes et évoque volontiers les tableaux de Jusepe Ribera, Gustave Courbet, ou encore Anselm Kiefer. Nous pourrions également y voir du Francis Bacon, bien que le photographe ne soit pas sûr de la pertinence du parallèle. Ce qui est certain, c’est que Mclean Stephenson intervient sur son support d’une manière profondément sensible. Pareille à une caresse douce ou à une griffure passionnée, sa photographie manie les textures et il saisit ses sujets jusqu’à ce que la pellicule devienne peau. À moins que cela ne soit l’inverse.

© Mclean Stephenson

© Mclean Stephenson© Mclean Stephenson
© Mclean Stephenson© Mclean Stephenson
© Mclean Stephenson© Mclean Stephenson
© Mclean Stephenson© Mclean Stephenson

© Mclean Stephenson

© Mclean Stephenson

Explorez
Cloud Dancer : 7 séries photo qui arborent la couleur Pantone 2026
© Damien Krisl
Cloud Dancer : 7 séries photo qui arborent la couleur Pantone 2026
Chaque mois de décembre, Pantone dévoile sa couleur pour l’année suivante. Pour 2026, il s’agira de « Cloud Dancer », à savoir une nuance...
10 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
La sélection Instagram #536 : perceptions altérées
© Melchior Dias Santos / Instagram
La sélection Instagram #536 : perceptions altérées
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine s’amusent à déformer leurs images. Ils et elles jouent avec le flou, la...
09 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 1er décembre 2025 : surface et profondeur
© Carla Rossi
Les images de la semaine du 1er décembre 2025 : surface et profondeur
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les photographes publiés sur les pages de Fisheye s’intéressent autant à la surface qu’à la...
07 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
3 livres à offrir à Noël : réel, fiction et mode
Dior par Yuriko Takagi © Yuriko Takagi
3 livres à offrir à Noël : réel, fiction et mode
Noël approche. À cette occasion, la rédaction de Fisheye vous concocte des sélections de ses livres photo préférés, que vous...
05 décembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Bernard Plossu : Naples à hauteur d'âme
© Bernard Plossu
Bernard Plossu : Naples à hauteur d’âme
Présentée à la galerie Territoires Partagés jusqu'au 31 janvier 2026, Les Napolitains de Bernard Plossu marque un tournant dans le...
Il y a 1 heure   •  
Écrit par Costanza Spina
Guénaëlle de Carbonnières : creuser dans les archives
© Guénaëlle de Carbonnières
Guénaëlle de Carbonnières : creuser dans les archives
À la suite d’une résidence aux Arts décoratifs, Guénaëlle de Carbonnières a imaginé Dans le creux des images. Présentée jusqu’au...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Cloud Dancer : 7 séries photo qui arborent la couleur Pantone 2026
© Damien Krisl
Cloud Dancer : 7 séries photo qui arborent la couleur Pantone 2026
Chaque mois de décembre, Pantone dévoile sa couleur pour l’année suivante. Pour 2026, il s’agira de « Cloud Dancer », à savoir une nuance...
10 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Extrême Hôtel : voyage dans l’œuvre intime et colorée de Raymond Depardon
Italie, Sicile, Taormine, 1981 © Raymond Depardon / Magnum Photos
Extrême Hôtel : voyage dans l’œuvre intime et colorée de Raymond Depardon
Après huit mois de travaux pour rénovation, le Pavillon populaire de Montpellier rouvre ses portes. À cette occasion, le musée...
10 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet