Miroir de l’être

08 juin 2020   •  
Écrit par Anaïs Viand
Miroir de l'être

Être entre. Être parmi. Être. Alexandre Delamadeleine propose dans Intersum une jolie réflexion sur le rapport que l’humain entretient avec l’environnement, son environnement.

« La photographie est un moyen d’introspection. J’apprends à explorer mon identité au travers de mes différentes émotions face à un paysage. Elle me permet de grandir dans la connaissance que j’ai de moi-même. L’appareil photographique, comme objet, est aussi pour moi un prétexte pour rencontrer l’autre », annonce Alexandre Delamadeleine, un photographe installé à Paris depuis 20 ans. « Quand je shoote, je suis en contact avec les éléments naturels tel que le vent, les vagues… », poursuit-il. Si l’artiste développe une pratique du médium résolument physique, ses questionnements métaphysiques ne sont jamais loin. « Cette série Intersum s’inscrit dans la continuité d’un travail réalisé en 2016 et exposé à la galerie Fatiha Selam. J’ai utilisé la publication de Ralph Waldo Emerson – Nature (1836) – comme support de travail. Il est le fondateur du transcendantalisme, un mouvement littéraire et philosophique prônant la fusion de soi et de la nature », explique Alexandre Delamadeleine. Dans ce texte fondateur de la pensée écologiste, Emerson décrit la nature comme un lieu privilégié où la conscience de chaque individu entre en communication avec les grandes lois universelles et intemporelles. Il y préconise une harmonie entre le végétal et l’humain. Convaincu que nous sommes partie intégrante de la nature, Alexandre Delamadeleine a recourt au miroir pour poursuivre cette réflexion. Un élément hautement symbolique pour qui interroge son rapport à la nature, à son image et à soi.

« Dans les bois, nous revenons à la raison et à la foi. Là je sens que rien ne peut m’arriver dans la vie : ni disgrâce, ni calamité. (…) Tous nos petits égoïsmes s’évanouissent. Je deviens une pupille transparente. Je ne suis rien, je vois tout » –Ralph Waldo Emerson

Étancher la soif du cœur

Imaginées en diptyques, les images composant Intersum renvoient vers le passé, l’histoire, ou encore l’univers. Avec comme fil rouge la notion d’identité. « On peut y voir aussi un homme face à sa nature et incapable de se réveiller à lui-même. Un homme qui se cherche, qui a perdu ses repères, parce que coupé de sa vraie nature. Je ne peux le dire mieux que le philosophe et poète Daisuke Ikeda : « Absorbée par des distractions matérielles, noyée dans les clameurs et les bruits du monde, l’humanité contemporaine s’est coupée de l’immensité de l’univers et du flux éternel du temps. Nous luttons contre les sentiments d’isolement et d’aliénation. Nous cherchons à étancher la soif du cœur en consommant insatiablement les plaisirs, et ainsi notre avidité s’accroît, toujours plus tyrannique. Cette rupture et cette aliénation incarnent, à mon sens, la tragédie sous-jacente de la civilisation contemporaine. Détachés du cosmos, de la nature, de la société, et coupés les uns des autres, nous sommes devenus des êtres facturés et fragmentés » ». Dans cette nature en érosion, l’homme devenu silhouette se fond dans les quatre éléments. Acteur ? Victime ? Nul ne le sait. Un projet conçu en écho à la pensée de Roland Barthes dans La chambre claire. Plus qu’une invitation à prendre conscience, Intersum apparaît comme espace temps où tout est encore possible. Et Ralph Waldo Emerson le savait déjà : « À travers la tranquillité du paysage, et spécialement sur la ligne d’horizon, l’homme contemple quelque chose d’aussi magnifique que sa propre nature ».

© Alexandre Delamadeleine© Alexandre Delamadeleine
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© Alexandre Delamadeleine

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