Dans son livre auto-édité My Nonhuman Friends, Nika Sandler et ses chats se partagent la narration d’une histoire d’amitié. Leur dialogue aborde les notions de deuil, de mémoire et de perspectives animales.
Le flash révèle les yeux reluisants d’un chat noir dans l’obscurité. La tapisserie rouge sur les murs rappelle une époque légèrement passée. Des poils orange et quelques souris en guise d’offrandes. Depuis sa tendre enfance, l’artiste visuelle Nika Sandler est entourée de mistigris espiègles et affectueux, Baron, Rose, Senya et Raymond. En 2020, elle perd l’un de ses ami·es à poils. « Je me suis mise à réfléchir à leurs présences, à ma relation avec elleux », avoue-t-elle. Une présence se traduisant aussi par des objets aux allures de reliques : gamelle, brosse, ou jouets. « Au début, j’ai photographié des natures mortes de ces accessoires, puis m’est venue l’idée de compléter la narration par des images d’archives des chats eux-mêmes », explique Nika Sandler. Une façon pour l’artiste de dévoiler de manière organique le thème de sa série.
Les réminiscences refont surface, s’accumulent et servent à apaiser le chagrin causé par la perte. La photographe joue aussi avec les teintes pour témoigner des émotions ressenties : « Les photos en noir et blanc soulignent l’atmosphère de deuil. Les photos en couleur, quant à elles, laissent entrevoir des souvenirs chaleureux associés aux chats. » Une amitié profonde se dessine au fur et à mesure que les images s’assemblent dans le livre My Nonhuman Friends, témoignant de la puissance des liens entre les humains et les animaux.
Masahisa Fukase et langue de chat
Pour raconter cette histoire de camaraderie, Nika Sandler intègre la vision et la parole de ses félins. « Les regards non-humains m’intéressent tout particulièrement dans mon travail photographique », raconte-t-elle. Pour l’artiste, qui a commencé la photographie afin de se sortir d’une spirale dépressive, la croisée des mondes humain et non-humain dans le confort de sa maison est une source d’inspiration infinie. « J’ai accroché une caméra aux colliers de mes chats, puis j’ai fait des captures d’écran des images. Elles dévoilaient leur point de vue, leur vision de monde », raconte-t-elle. S’inspirant de la photographie japonaise, et en particulier du travail de Masahisa Fukase sur ses deux chats, Sasuke et Momoe, fidèles compagnons de vie, Nika Sandler compose un dialogue inter-espèces entre fugacité, jeux, complicité et affection. Le texte converse avec l’image. L’autrice parle à ses ami·es poilu·es : « Ce serait difficile pour moi de parler à la place de mes chats, mais il m’arrive dans le livre de traduire leurs vocalisations en langage humain. Peut-être qu’à l’avenir, lorsque la technologie de l’intelligence artificielle sera plus avancée, je serai capable de déchiffrer le langage des chats et d’en parler », conclut-elle.
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