Jusqu’au 27 janvier, au Carré d’Art à Chartres de Bretagne, est exposée Nolwenn Brod, photographe de l’agence VU’, dont les noirs et blancs saisissants happent le regard. Entre fragilité et force, elle rentre en symbiose avec ses sujets pour donner vie à une photographie qui place au cœur du processus créatif, la rencontre avec l’autre.
La galerie Le Carré d’Art à Chartres de Bretagne accueille Les Dahlias, exposition de la photographe Nolwenn Brod. Représentée par la galerie VU’ depuis 2014, celle-ci développe un travail basé sur les notions de rencontre, de rapport à l’autre, ce qu’elles produisent sur nous, comme dans une grande traversée. C’est une approche de l’image que l’on pourrait qualifier de phénoménologique. Nolwenn Brod « fouille » et creuse son sujet dans la durée, en essayant de saisir son âme profonde, qui se révèle par un usage du noir et blanc très intense. Elle révèle les êtres dont elle tire le portrait avec un mélange de force et de vulnérabilité, de fragilité et d’affirmation. Dans ses travaux, elle aborde la vie, la mort, la filiation, le désir, avec une sensibilité à la chair, en menant une réflexion esthétique sur le renouveau cyclique de la nature et toutes ses possibilités. Les inspirations littéraires sont omniprésentes dans la série Les Dahlias, comme le structuralisme de Witold Gombrowicz en Pologne pour Le Temps de l’immaturité ; en Creuse, sur les lignes de Gilles Deleuze, elle compose La Ritournelle ; Jean-Luc Nancy, Tanguy Viel ou Charles Sanders Peirce l’accompagnent pour Les Hautes solitudes à Brest.
Un travail minutieux d’observation d’un écosystème
La photographie de l’autrice est comme un cercle, un huis clos, dont elle explore les liens intimes qui s’y développent. Par son objectif, elle capte d’infimes détails qui traduisent une transformation, les états émotionnels, charnels, spirituels et leurs ambivalences. C’est un travail minutieux d’observation des micro-changements au sein d’un écosystème. Les tensions, les variations, les saisons, toutes ces étapes sont rendues palpables et concrètes. « L’homme, l’animal, le végétal et le minéral se confondent et se répondent, dans des compositions souvent oxymoriques : entre tradition et modernité, puissance et abandon, volupté et pudeur » écrit Caroline Bénichou, de la galerie VU’. « C’est bien toujours d’affinités qu’il s’agit, quand la photographe, avec délicatesse, se glisse dans le cercle (des êtres et des territoires), et que de boucles en circonvolutions, elle met au jour les paradoxes des jours ordinaires. » Dans Les Dahlias, la photographe arpente un petit centre habité en essayant de traduire en images la violence, la désolation, mais aussi une forme de volupté et d’espoir dans la transformation. « J’ai rencontré exclusivement des femmes dans cette ville qui pourrait s’apparenter à une ville périphérique. La plupart vivaient seules avec leurs enfants. Certaines d’entre elles avaient vécu la mort de leur compagnon ou la violence conjugale. Cette violence subie se traduira parfois dans les corps en tension, la torsion des arbres, l’entrelacement des brindilles gelées, le vent dans les feuillages, autant d’états émotionnels que de saisons passagères » écrit-elle. « J’ai recherché la rondeur de l’être, cette concentration de la vie en son centre jamais dispersée mais qui peut se déformer. A vouloir étreindre le réel ou l’effleurer au moyen de la photographie, l’ambiguïté des situations, l’ambivalence des sentiments, la tendresse et la volupté s’introduisaient progressivement dans et entre les êtres », raconte-t-elle.
L’exposition s’enrichit de la parution d’une monographie, publiée aux éditions Sur la Crête.