« Nous avons tous des images à donner, mais pourquoi est-ce qu’on les prend ? »

17 juillet 2017   •  
Écrit par Fisheye Magazine
"Nous avons tous des images à donner, mais pourquoi est-ce qu'on les prend ?"

Peu de temps avant leur rupture, le photographe Mark Sommerfeld, 32 ans, et sa désormais ex petite-amie, Heather, sont partis une semaine en road trip dans le Michigan. Ce furent leurs dernières vacances. Dans les mois suivant cette séparation, Mark a cherché les indices de la fin de leur couple à travers les images réalisées pendant ce road trip. Ensemble, ils ont imaginé un projet multimédia qui a donné lieu à une exposition présentée en mai dernier au Gladstone Hotel de Toronto. Aujourd’hui, Mark replonge dans cette expérience et nous raconte la genèse de We With Images To Give. Entretien.

Fisheye : Comment est né le projet We With Images To Give ?

Mark Sommerfeld

: Très spontanément. Il n’a pas du tout été planifié. Lorsque nous étions ensemble, Heather et moi sommes partis pour un road trip de huit jours. Je devais me rendre au mariage d’un ami dans le nord du Michigan. J’ai proposé à Heather de m’accompagner, et elle a accepté. La ville de Muskegon, dans le Michigan, est un endroit fabuleux à quelques heures seulement des plus époustouflants sites de camping aux États-Unis. Nous avons donc décidé de voyager pendant une semaine dans cette région et c’est là-bas que j’ai pris les photos du projet.

Quand vous êtes vous rencontrés Heather et toi ? Tu avais déjà eu l’occasion de la photographier avant ce projet ?

Nous nous sommes rencontrés environs six mois avant ce road trip, grâce à un ami en commun. Mais nous n’avions eu l’opportunité de nous rapprocher que trois mois avant de prendre la route. J’avais seulement fait quelques portraits d’elle au moyen format et à l’iPhone.

© Mark Sommerfeld
© Mark Sommerfeld
© Mark Sommerfeld
© Mark Sommerfeld

Ce voyage n’avait donc pas pour but de donner naissance à un travail photographique ?

Exactement. Nous avons conduit pendant huit jours et, malgré de superbes expériences, ce voyage a été un vrai défi pour nous deux. J’en ai pris conscience après. J’ai beaucoup photographié Heather pendant ce road trip. Elle m’a expliqué par la suite qu’elle avait le sentiment que ces images réfutaient sa présence dans ces lieux avec moi. La photographie a été le point de tension le plus important entre nous durant ce voyage. Nous avons rompu peu de temps après notre retour à Toronto. Quelques mois plus tard, avec l’aide d’un ami photographe, j’ai cherché à comprendre la fin de cette relation à travers les photos et les vidéos réalisées pendant ces huit jours

Quel matériel avais-tu emporté avec toi ?

Un Hasselblad 503cx avec des pellicules Kodak Portra, ainsi qu’un Contax G2, chargé avec du Kodak Ektar 100.

Avec le recul, comment décrirais-tu les émotions qui composent We With Images To Give ?

Optimisme, empathie, déception et curiosité.

En quoi ce projet se démarque-t-il de tes travaux précédents ?

Cette série est de loin mon travail le plus autobiographique – si l’on exclut mon compte Instagram. Il a donné lieu a une exposition importante en mai dernier à Toronto, où je vis. Pour ce projet, j’ai aussi jouer avec différents supports et méthodes d’impressions : pellicules, vidéos, photos prises à l’iPhone, sculpture, textes… Nous voulions que les spectateurs soient immergés dans notre histoire le plus possible. Monter un projet multimédia a permis de donner une autre dimension aux images. De créer plusieurs expériences.

We With Images To Give : pourquoi ce titre ?

C’est un texte du photographe Wolfgang Tillmans, pour son travail Of Chance and Control, qui en est l’inspiration principale. Il a écrit, je cite : « Je pense que nous avons tous, à un certain niveau, des images à donner. La mobilité de notre oeil est un trésor fondamental qui coexiste avec les sensations […] Et c’est cette corrélation qui fait que la vie est sensationnelle. »

Heather et moi voulions partager ces images et nos mots, avec l’espoir d’engager une réflexion sur les raisons qui nous poussent à photographier et comment cela peut-il impacter les relations intimes. Nous avons tous des images à donner mais, pourquoi est-ce qu’on les prend ? Pourquoi est-ce qu’on les partage ? Et pourquoi est-ce que l’on rompt la continuité d’une expérience pour s’arrêter, cadrer et déclencher ? J’argumenterais en expliquant que prendre des photos, ça fait partie de ma vie. Mais Heather n’aime vraiment pas être prise en photo. J’ai ainsi réalisé qu’être photographié ou photographié ne sont pas des expériences qui font partie de la vie de tout le monde.

Les tensions, positives ou négatives, résident beaucoup dans les différentes lumières qui bercent chaque image. Quel est ton rapport à la lumière ?

La lumière est tout. Elle rend le monde visible et apporte la vie. J’en fais juste partie et j’essaye de jouer avec elle, de la respecter, autant que possible.

© Mark Sommerfeld
© Mark Sommerfeld
© Mark Sommerfeld
© Mark Sommerfeld
© Mark Sommerfeld
© Mark Sommerfeld
© Mark Sommerfeld
© Mark Sommerfeld
© Mark Sommerfeld
© Mark Sommerfeld
© Mark Sommerfeld

Images par © Mark Sommerfeld

Explorez
Les coups de cœur #529 : Diane Velex et Sára Kölcsey
© Diane Velex
Les coups de cœur #529 : Diane Velex et Sára Kölcsey
Diane Velex et Sára Kölcsey, nos coups de cœur de la semaine, expriment leurs émotions à travers l’objectif. La première dévoile ses...
27 janvier 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Balázs Turós et le quotidien de sa grand-mère atteinte de démence
© Balázs Turós
Balázs Turós et le quotidien de sa grand-mère atteinte de démence
Confronté à la maladie de sa grand-mère et à ses propres questionnements existentiels, le photographe hongrois Balázs Turós sonde l’âme...
21 janvier 2025   •  
Écrit par Agathe Kalfas
La sélection Instagram #490 : jardin secret
© Talya Brott / Instagram
La sélection Instagram #490 : jardin secret
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine confectionnent un nid douillet. Sur leurs images se dévoilent un cocon familial...
21 janvier 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Marion Brun : faire résonner l’écho de la nuit et de la couleur
© Marion Brun
Marion Brun : faire résonner l’écho de la nuit et de la couleur
Photographe grenobloise installée à Arles, Marion Brun explore dans sa série echos, la complémentarité des couleurs et des textures, le...
17 janvier 2025   •  
Écrit par Hugo Mangin
Nos derniers articles
Voir tous les articles
CHROMOTHERAPIA : la photographie couleur à la villa Médicis
© Martin Parr
CHROMOTHERAPIA : la photographie couleur à la villa Médicis
Avec CHROMOTHERAPIA. La photographie couleur qui vous fait du bien, la villa Médicis retrace l’histoire de ce médium, longtemps relégué à...
Il y a 8 heures   •  
Écrit par Costanza Spina
Theo Wenner : True detectives
Le sergent Brennan montre un impact de balle qui pourrait suggérer que le tireur a poursuivi la victime dans l'escalier avant de la tuer © Theo Wenner
Theo Wenner : True detectives
Theo Wenner est le premier photographe à avoir pu s’immiscer dans le quotidien de la division homicide du New York City Police...
06 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Prix Polyptyque 2024 : célébration des expérimentations et du livre photo
© Marion Ellena. Scrolling (de la ventana), 2023.
Prix Polyptyque 2024 : célébration des expérimentations et du livre photo
La Galerie Sit Down à Paris accueille les quatre lauréat·es du Prix Polyptyque 2024 pour une exposition conjointe qui se tient jusqu’au...
05 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Beggar’s Honey : Jack Latham s’immisce dans le monde clandestin des fermes à clics
© Jack Latham
Beggar’s Honey : Jack Latham s’immisce dans le monde clandestin des fermes à clics
Depuis dix ans, Jack Latham mène des recherches sur la naissance des théories conspirationnistes et la manière dont ces récits sont...
04 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet