C’est dans Fisheye n°27, en 2017 qu’a été publié In god we trust, premier volet d’une série sur la croyance aux États-Unis qui n’était encore qu’un work in progress. « Je n’avais pas beaucoup d’expérience sur les projets au long cours, j’étais en perte de confiance et n’avais aucune idée de ce qu’allait être la suite, précise Cyril Abad. Cette publication a changé pas mal de choses. Cette première validation m’a fait un bien fou et m’a conforté dans l’idée que j’étais peut-être sur une bonne piste. » Le sujet a continué à vivre, en France comme à l’étranger, par de nombreuses publications et expositions. Du sacré au magique, Cyril Abad explore ensuite le spiritisme, la médiumnité, la sorcellerie, l’exorcisme… Un livre est en préparation et d’autres projets sont en route. Parmi eux, La Métaphore du Kratt, un projet réalisé avec Eugénie Baccot (photographe et compagne) grâce à une bourse du Cnap, qui sera exposé aux Rencontres d’Arles dans le cadre du festival Photon, à la Bourse du travail. À Arles encore, le photographe participe à l’exposition du collectif INLAND Stories, qu’il a rejoint l’an dernier. Toujours avec sa complice Eugénie Baccot, Cyril organise des workshops de photographie documentaire dans les pays baltes, avec le soutien de la Leica Akademie.
Journaliste attentif aux comportements sociaux et en particulier aux croyances religieuses, Cyril Abad réalise au fil de ses enquêtes de véritables reportages immersifs qui nous plongent dans des univers insoupçonnés. On avait déjà eu l’occasion de découvrir les parcs à thèmes religieux aux États-Unis avec In god we trust dans Fisheye n°27, en novembre 2017, ou encore une drôle de communauté de pasteurs pentecôtistes qui manipulent des serpents venimeux dans la région des Appalaches, dans Fisheye n°40 en janvier 2020, mais c’est aujourd’hui dans l’Hexagone que le photographe a mené ses investigations. Bénéficiant d’une bourse de la Bibliothèque nationale de France (BnF) dans le cadre de la grande commande photographique «Radioscopie de la France: regards sur un pays traversé par la crise sanitaire» initiée par le ministère de la Culture, le photojournaliste a arpenté durant plusieurs mois le territoire à la recherche des croyances magiques, notamment celles offrant des « alternatives naturelles » dans les domaines de la santé. «Une étude menée à la fin des années 1990 par Guy Michelet, ancien directeur du CNRS, concluait déjà à la vitalité et à la diffusion grandissantes des croyances relatives aux guérisons magnétiques et à l’imposition des mains, précise le photojournaliste. En 2020, alors qu’un Français sur deux a déjà franchi les portes d’un cabinet de médecine alternative (de type guérisseur ou magnétiseur), les nouvelles technologies entraînent une véritable révolution des pratiques. Les sorcières 2.0 procèdent à des désenvoûtements en ligne, tandis que les médiums spirites font tourner les tables en visio. »
Au fil de la dizaine de reportages réalisés dans le Berry, en région parisienne, en Franche-Comté, dans les Alpes, en Corse ou en Provence, notamment, Cyril Abad nous initie aux séances de Ouija dans le château le plus hanté de France, dans la Vienne, où les « nuités spirites » convoquent spiritisme et transcommunication instrumentale – procédé qui permet de communiquer avec des voix à l’aide d’un enregistreur, le plus souvent un magnétophone à cassettes. On découvre également la Wicca, un mouvement qui rassemble chamanisme, druidisme, divinités grecques, slaves, nordiques et celtiques, qui guide ses adeptes vers le culte de la nature et la pratique de la magie en se fondant sur une ancienne religion païenne. On s’aventure aussi en Corse pour lutter contre le mauvais œil (l’Ochju) ou pratiquer le mazzerisme et rencontrer les « chasseurs d’âmes ». Magnétiseurs et radiesthésistes se considérant comme des « pendules vivants» sont aussi de la partie, tout comme les sourciers qui puisent leur savoir dans la Kabbale. On y rencontre encore les exorcistes d’aujourd’hui, toujours actifs, sans oublier les chasseurs de fantômes, les druides, les coupeurs de feu ou encore les « médiums écrivains » dont l’écriture automatique nous fait entrer en communication avec les esprits désincarnés. Bienvenu dans des mondes parallèles habités par toute une famille d’esprits, vous pouvez croire Cyril Abad, il en revient !
Ces photographies ont été produites dans le cadre de la grande commande nationale Radioscopie de la France : regards sur un pays traversé par la crise sanitaire financée par le Ministère de la culture et pilotée par la BnF.