Créé en 2022, le Prix Viviane Esders rend hommage à des carrières photographiques européennes souvent restées dans l’ombre. Pour sa quatrième édition, trois finalistes incarnent la richesse et la diversité des pratiques de ces quarante dernières années : l’Allemande Dörte Eißfeldt, le Tchèque Bohdan Holomíček et l’Ukrainien Oleksandr Suprun.
En quelques années, le Prix Viviane Esders s’est imposé comme une distinction singulière dans le paysage photographique européen. À contre-courant des concours centrés sur la jeune création, il s’adresse aux photographes de plus de 60 ans, indépendant·es et toujours engagé·es dans leur pratique. Son ambition est claire : redonner visibilité et reconnaissance à des artistes dont l’importance mérite de trouver une place plus lisible dans l’histoire du 8e art. À travers ce geste, la fondatrice Viviane Esders – galeriste, experte et collectionneuse passionnée – prolonge une trajectoire de vie marquée par la défense des photographes. Après avoir accompagné les mutations du médium depuis les années 1980, elle a choisi de mettre en lumière des créateur·ices dont la carrière a parfois été reléguée aux marges de l’institution. Le prix, doté de 60 000 euros au total, distingue un·e lauréat·e (50 000 euros dont 10 000 pour la production d’un livre) et deux finalistes (5 000 euros chacun·e). Au-delà de l’aide financière, il leur confère un rayonnement nouveau qui leur évite de se perdre dans les replis de l’histoire. L’édition 2025 témoigne de ce rôle de passeur·se. Avec 222 candidatures venues de 25 pays, le jury a retenu trois artistes aux approches singulières, mais unies par la même constance : continuer à inventer, au fil des décennies, un langage photographique personnel et singulier.
Interroger la mémoire, la matière et le temps
Cette édition 2025 réunit trois parcours qui, chacun à leur manière, interrogent la mémoire, la matière et le temps. L’Allemande Dörte Eißfeldt, née en 1950, explore la matérialité de la photographie à travers des expérimentations formelles qui mêlent procédés analogiques et numériques. Ses séries, de Schneeball (1988) à HimmelHimmel (2017), déplacent la photographie vers un espace sensoriel et conceptuel où se confrontent abstraction et figuration. À ses côtés, l’Ukrainien Oleksandr Suprun, né en 1945 près de Kharkiv, incarne la poésie du photomontage. Héritier de l’École de Kharkiv, il compose des collages subtils nourris de paysages et de scènes rurales, tout en ayant bravé la censure soviétique par une pratique clandestine. Enfin, le Tchèque Bohdan Holomíček, né en 1943, a bâti un immense journal visuel, où le quotidien devient archive collective. Ses clichés, accompagnés d’annotations manuscrites, racontent à la fois une intimité et une histoire partagée, de la vie des voisin·es aux grandes figures de la dissidence tchèque. Ensemble, ces trois trajectoires rappellent que la photographie est autant une écriture de soi qu’un miroir du monde, tissé dans la durée et la fidélité à un regard.
Le·la lauréate du Prix Vivanes Esders 2025 sera annoncé·e le 3 novembre 2025.