Quand Peter Knapp libère la mode

20 avril 2018   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Quand Peter Knapp libère la mode

Dancing in the street est un ouvrage dédié à Peter Knapp et à la photographie de mode. Sorti en parallèle de l’exposition éponyme, à la Cité de la Mode et du Design, à Paris, il retrace la créativité de ce grand homme, de 1960 à 1990.

Véritable encyclopédie de la mode, l’ouvrage Dancing in the Street est un projet relativement récent. « Nous avons commencé à le développer lorsque nous avons eu la confirmation de l’ouverture de l’exposition », confie Audrey Hoareau, l’une des commissaires. Création inédite et historique, le livre retrace l’incroyable productivité de Peter Knapp. Divisé en cinq thématiques, il s’attache à revisiter le talent, mais également l’audace de ce grand monsieur, directeur artistique de Elle des années 1960 à 1970. Un bel hommage au monde de la mode. « Une exposition est très éphémère, alors qu’un livre laisse une trace durable », ajoute Audrey. « Peter y a ajouté sa patte, c’est un véritable travail de mémoire ».

Dancing in the Street est porté par une liberté nouvelle, dans le monde de la mode. Une esthétique portée par le mouvement du corps et le besoin de confort. « J’ai vécu ce passage de la photo Haute couture à l’image populaire », confie Peter Knapp. « Dès les années 1950, la mode n’était plus une information, mais plutôt une recommandation ». Dans ses shootings, le photographe privilégie ses amies aux mannequins, et les place dans la rue, au milieu d’un monde mouvant. Le vêtement n’est plus au centre du cliché. « Le comportement pouvait apporter quelque chose à l’image. Nous avions une liberté picturale très grande, et nous présentions le vêtement sans qu’il ne soit la seule information valable ». C’est l’avènement des mises en scène, et Peter, ravi de ce changement, joue avec le médium. Il déconstruit les corps, et en coupe des parties, il ajoute des collages à ses clichés et déforme notre perception. Des effets sublimes et résolument inventifs, qui libèrent l’artiste tout autant que ses modèles.

© Peter Knapp

Un artiste irrévérencieux

Cette créativité, Peter Knapp la doit à son talent, mais également à son audace. Terre à terre, celui-ci se distance de la Haute couture dès ses premiers essais. « La photographie de mode, c’est de l’art appliqué », déclare-t-il. « C’est une commande que l’on essaie de réaliser du mieux qu’on peut, pour satisfaire la demande. Ce n’est pas de l’art ». Avec humour et aisance, il s’approprie les propositions des créateurs. Le tailleur Chanel est assorti à des accessoires d’autres marques, afin de « casser ce côté bourgeois », les modèles s’allongent sur des tables blanches pour présenter des maillots de bain… photographiés en hiver. L’avènement du style hippie laisse le photographe perplexe, et le pousse à noyer les créations dans des paysages très colorés, camouflant ainsi la parure elle-même. Des commandes quelque peu insolentes, réalisées avec une grande maîtrise. « La construction est importante pour moi. J’essaie de faire tenir les choses dans la plus grande simplicité. Tout était montage, à l’époque, des montages réfléchis, car réalisés sans Mac », note Peter, avec humour.

En couleurs ou en noir et blanc, géométriques ou bohèmes, les images de Peter Knapp sont de véritables exercices de style. Emblématiques, elles célèbrent la carrière d’un grand nom de la mode. Un homme qui a su brillamment s’adapter. Une magnifique collection.

© Peter Knapp© Peter Knapp
© Peter Knapp© Peter Knapp
© Peter Knapp© Peter Knapp

© Peter Knapp

© Peter Knapp© Peter Knapp

© Peter Knapp© Peter KnappDancing in the street, Éditions du Chêne, 45 €, 304 p.

© Peter Knapp

Explorez
RongRong & inri : « L'appareil photo offre un regard objectif sur le sentiment amoureux »
Personal Letters, Beijing 2000 No.1 © RongRong & inri
RongRong & inri : « L’appareil photo offre un regard objectif sur le sentiment amoureux »
Le couple d’artiste sino‑japonais RongRong & inri, fondateur du centre d’art photographique Three Shadows, ouvert en 2007 à Beijing...
Il y a 8 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Dans l’œil de Valentine de Villemeur : un réfrigérateur révélateur
© Valentine de Villemeur
Dans l’œil de Valentine de Villemeur : un réfrigérateur révélateur
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil de Valentine de Villemeur. La photographe a consigné le parcours de sa procréation...
01 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Yu Hsuan Chang : des femmes et des montagnes
G-Book © Yu Hsuan Chang
Yu Hsuan Chang : des femmes et des montagnes
Dans des collectes effrénées d’images, la photographe taïwanaise Yu Hsuan Chang transcrit autant la beauté de son pays que la puissance...
25 août 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
La sélection Instagram #520 : à fleur de peau
© Neoklis Delegos / Instagram
La sélection Instagram #520 : à fleur de peau
Il est un sens dont on ne peut se passer : le toucher. La peau, point de contact entre soi et l’autre, devient un intermédiaire. Les...
19 août 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Nos derniers articles
Voir tous les articles
RongRong & inri : « L'appareil photo offre un regard objectif sur le sentiment amoureux »
Personal Letters, Beijing 2000 No.1 © RongRong & inri
RongRong & inri : « L’appareil photo offre un regard objectif sur le sentiment amoureux »
Le couple d’artiste sino‑japonais RongRong & inri, fondateur du centre d’art photographique Three Shadows, ouvert en 2007 à Beijing...
Il y a 8 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Les expositions photo à ne pas manquer en 2025
Sein und werden Être et devenir. FREELENS HAMBURG PORTFOLIO REVIEWS © Simon Gerliner
Les expositions photo à ne pas manquer en 2025
Les expositions photographiques se comptent par dizaines, en France comme à l’étranger. Les artistes présentent autant d’écritures que de...
03 septembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Les Femmes et la mer : mondes liquides
© Louise A. Depaume, Trouble / courtesy of the artist and festival Les Femmes et la mer
Les Femmes et la mer : mondes liquides
Cette année, le festival photographique du Guilvinec, dans le Finistère, prend un nouveau nom le temps de l'été : Les femmes et la mer....
03 septembre 2025   •  
Écrit par Milena III
Les photographes montent sur le ring
© Mathias Zwick / Inland Stories. En jeu !, 2023
Les photographes montent sur le ring
Quelle meilleure façon de démarrer les Rencontres d’Arles 2025 qu’avec un battle d’images ? C’est la proposition d’Inland Stories pour la...
02 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot