Rencontres à Réattu

03 juillet 2017   •  
Écrit par Eric Karsenty
Rencontres à Réattu

Plongée dans la riche collection photographique du musée Réattu, constituée en partie grâce aux Rencontres d’Arles. Un parcours stimulant proposé par Andy Neyrotti, commissaire de l’exposition, qui s’est appuyé sur les écrits de Michel Tournier, le célèbre académicien disparu l’an dernier qui fut aussi l’un des inventeurs du festival photo arlésien.

Depuis 1965, le musée Réattu d’Arles accueille des photographies de tous les coins du monde. Initiée par Lucien Clergue, cette collection hétéroclite n’a cessé de s’enrichir au gré des dons des photographes exposés lors des Rencontres internationales de la photographie – fondées en 1970 –, ainsi que par les acquisitions propres au musée. Parmi les quelque 5 000 tirages, on y trouve les grands noms de l’histoire de la photo, de Paul Strand à Martin Parr en passant par Cecil Beaton ou William Klein, mais aussi pas mal de signatures contemporaines. D’autant que depuis 2015 et l’arrivée de Sam Stourdzé à la direction du festival, les photographes exposés donnent systématiquement une ou plusieurs œuvres. On y trouve ainsi Eamonn Doyle, Ambroise Tézenas ou Charles Fréger, entre autres.

« C’est toujours une surprise », lâche Andy Neyrotti, commissaire de l’exposition Rencontres à Réattu en parlant des images qui lui sont livrées chaque année par la manifestation. En effet, « le musée ne choisit pas ces pièces qui enrichissent notre fonds, contrairement à nos acquisitions habituelles ». Une alimentation qu’il qualifie même de « perfusion ». Et c’est bien là tout le défi qu’a dû relever le jeune commissaire pour construire un parcours cohérent en 130 images dans ce fonds déjà visité par les deux précédentes expositions Lucien Clergue, en 2014, et Oser la photographie, en 2015. Et c’est en s’appuyant sur les textes de Michel Tournier – l’académicien disparu l’an dernier qui était, avec Lucien Clergue et Jean-Maurice Rouquette, à l’initiative de l’aventure des Rencontres. Le Suaire de Véronique, nouvelle du romancier portée à l’écran en 1979 (visible sur Ina.fr), amorce ainsi le mystère de l’apparition et sert de guide pour ouvrir la visite.

© Paul Strand
© Paul Strand
© Kishin SHINOYAMA
© Kishin SHINOYAMA

À g. : © Paul Strand ¦ À d. : © Kinshin Shinoyama

Un dialogue entre les images

« J’essaie de créer un dialogue entre les images »,

argumente Andy Neyrotti en expliquant la proximité d’une image de Duane Michals où un jeune garçon s’abime dans la contemplation de son reflet, avec la série de photos issues de Mauvais genre, expo présentée l’an dernier qui interrogeait le travestissement. On explore ainsi les questions d’identité avec des images de Sarah Moon ou de Paolo Gioli, on fait un voyage dans le temps avec les étonnantes photos de Judy Dater qui revisitent la chambre noire, une partie étudiant le « théâtre de l’intimité », précise le commissaire, qui s’appuie par ailleurs sur Le Crépuscule des Masques de Michel Tournier.

 

Le parcours s’achève dans la chapelle où sont enterrés les chevaliers de l’Ordre de Malte, « un lieu dont il fallait tenir compte », analyse le commissaire. On y voit un cliché d’Arnaud Claass pris dans les catacombes de Paris tout près d’une image d’Ambroise Tézenas d’un des charniers du génocide rwandais… c’est alors la disparition et l’effacement qui s’insinuent comme un fil rouge dans cette salle où les images évoquent mémoire et reliques. C’est à de biens stimulantes Rencontres à Réattu que nous convie le musée arlésien, on peut juste regretter de ne pas disposer de catalogue pour retrouver sur papier les fils tissés dans ce parcours qu’on pourra emprunter jusqu’au 8 janvier 2018.

© Duane Michals

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