Le musée Jean-Honoré Fragonard de Grasse présente #SiamoAGATA, Les tétins de la Résistance, une exposition photographique consacrée à Sainte Agathe, une icône de la culture populaire sicilienne devenue symbole de la lutte contre les violences faites aux femmes à l’heure de #metoo. Des photographes de la même région dévoilent par leurs œuvres des nouvelles interprétations de l’histoire de la Sainte. Du 10 juin au 8 octobre.
#SiamoAGATA, (ndlr, Nous sommes Agathe) au musée Jean-Honoré Fragonard de Grasse est la première commande de La Maison Fragonard Parfumeur à des artistes. Dans cette exposition inédite des photographes sicilien·nes s’emparent de l’icône de Sainte Agathe, symbole de la résistance féminine face aux violences patriarcales. Cette dernière est la sainte patronne de la ville de Catane, une Madone populaire faisant l’objet d’un culte ancestral qui n’a presque rien à voir avec le catholicisme et s’insère à la croisée de moult traditions païennes. En l’an 231, elle fut torturée par le Consul romain de Sicile, qui lui arracha les seins pour la punir de son refus de se donner à lui. Ainsi, les tétins sont devenus son attribut iconographique, un symbole que l’on retrouve jusqu’aux desserts catanais traditionnels.
La fête consacrée à la Sainte se déroule entre le 3 et le 5 février et pendant plusieurs jours la ville de Catane s’arrête pour assister au passage de sa statue dans les rues. Il s’agit de l’une des fêtes religieuses les plus connues et importantes au monde. #SiamoAGATA, Les tétins de la Résistance propose des réinterprétations de ce récit à l’heure du mouvement #metoo. Alors que la parole de la femme se libère, sainte Agathe fait figure de pionnière. Comme d’autres saintes que la stricte tradition catholique a cantonné à des imaginaires bigots, à l’image de Sainte Rita ou Jeanne d’Arc, Sainte Agathe fait l’objet d’une redécouverte libératrice : l’histoire commence à être racontée autrement, en sortant du monopole masculin des récits, en donnant à ces figures une nouvelle vie par de multiples formes d’art. Parmi les photographes invité·es, la Catanaise Carmen Cardillo s’intéresse particulièrement aux revendications féministes et se sert de cette figure pour sensibiliser dans la lutte contre le cancer du sein.
Carmen Cardillo rend hommage à Sainte Agathe, devenue symbole de liberté
Contrairement aux autres saintes de la chrétienté, Agathe ne porte pas la parole divine, elle ne prêche pas, mais représente le droit de disposer de son corps comme elle l’entend. Malgré les réappropriations catholiques et patriarcales du culte de cette icône, Agathe incarne avant tout une personne qui ne cède pas face à l’abus jusqu’à perdre sa vie. A la barbarie, elle répond avec courage par la fermeté à ses principes. La photographe Carmen Cardillo, dans son Omaggio ad Agata (Hommage à Agathe, ndlr), nous dévoile cette version de l’histoire de Sainte Agathe, en la libérant enfin de poussiéreux récits religieux séculaires. Sainte Agathe s’adresse alors à toutes ces personnes qui souffrent le martyre des violences et qui se battent contre des cultures machistes.
Ici, le corps est une arme de révolte puissamment soustraite à celles et ceux qui le brutalisent. Par le symbole des seins, sauvagement arrachés à la jeune femme dans un acte extrême de punition, la photographe entend aussi mener une campagne de sensibilisation contre le cancer du sein. Carmen Cardillo utilise des techniques photographiques mixtes et donne vie à des juxtapositions de portraits et d’autres éléments visuels. Elle laisse une large place à des images du territoire sicilien, qui viennent se croiser avec les corps de ses modèles. Des branches d’olivier, des fleurs, des lumières chaudes, des corps puissants et l’éternelle Sainte Agathe… Carmen Cardillo arrache enfin au patriarcat cette terre dominée par les hommes et se la réapproprie par la photographie.