Récemment diplômé de la Central Saint Martins College of Art and Design à Londres, Samuel Edwards navigue dans un univers où s’imbriquent une esthétique de mode et un érotisme mordant.
Face à un miroir, une silhouette se contemple. Ses fesses, dénudées, se révèlent à notre regard mais en face, dans la glace, son vêtement contraste. Autour, l’obscurité enveloppe les détails, ne montrant que l’essentiel : cette présence à laquelle on ne peut échapper. Les nuances et les matières la soulignent, tout en opposition : une lumière froide contre la peau noire de la mannequin, du cuir brillant, une laine duveteuse. C’est un jeu d’angles, de visions. Des pupilles de la modèle à notre propre place dans l’image. On s’interroge : sommes-nous simples spectateur·ices ? Que ressentons-nous ? D’où vient cette sensation de puissance qui s’impose à nous ? Samuel Edwards, l’auteur de cette image, est un jeune photographe originaire de Manchester. Récemment diplômé de la Central Saint Martins College of Art and Design à Londres, il ne cesse, depuis, d’illustrer les multiples facettes de son sujet de prédilection : « Le corps humain, qui [l]’a toujours fasciné, tant du point de vue scientifique qu’artistique. » C’est au cœur de shootings de mode qu’il affine d’abord son œil. « Cette discipline favorise l’expression, grâce au vêtement. Ce que les mannequins portent les transforme en personnages, influençant l’atmosphère de la scène à capturer. La photographie de mode m’a apporté la liberté d’expérimenter créativement parlant », explique-t-il. En parallèle, l’artiste explore, recherche, produit des projets pour trouver son identité : une esthétique reconnaissable qui permettrait à son travail d’être lu comme un ensemble cohérent, une œuvre globale faite de récits complémentaires, où se croisent à la fois ses modèles et les représentations de sa propre intimité.
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« Le mystère augmente le désir »
C’est en musique que ses sujets se meuvent parfois, leurs membres bougeant ainsi différemment. Dans ses compositions, les angles sont acérés, les lumières brutes, les corps sculpturaux. Face-à-face où seul·es devant l’objectif, iels l’ignorent toujours, refusant de se soumettre à la pression de se faire capturer. « À travers des photographies nuancées et crues, je m’intéresse aux notions de désir, de voyeurisme et de vulnérabilité, en privilégiant la subtilité plutôt que l’explicite. Je veux que les regardeur·ses interprètent ces images à leur manière », déclare Samuel Edwards. Pour l’auteur, la sensualité n’est pas liée à une quelconque nudité. Au contraire, « le mystère augmente le désir ». Les scènes qu’il convoque traitent d’attirance, de retenue, d’intrigue, de désir qui éclot malgré tout. Sans jamais se tourner vers le kink [pratique ou désir sexuel·le perçu·e comme « hors normes », ndlr], l’artiste préfère étudier l’érotisme et en illustrer les nombreuses perceptions. Dans ses mises en scène, les lèvres se mordent, les têtes chavirent, les torses se contractent, révélant les côtes et les muscles. « Ces thématiques sont influencées par ma propre interprétation des relations. Au départ, j’avais du mal à trouver le bon équilibre : parfois les images paraissaient “forcées”, parfois elles n’avaient aucun sex-appeal. C’était un challenge de créer quelque chose qui soit à la fois authentique, captivant et érotique sans provoquer l’inconfort – parce que les narrations autour du sexe peuvent facilement devenir vulgaires », admet-il.
La suite de cet article est à retrouver dans Fisheye #70. Rendez-vous par ici pour découvrir plus de sujets de notre dossier spécial mode.