Samuel Edwards : désirs en miroir

15 mai 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Samuel Edwards : désirs en miroir
© Samuel Edwards
Un buste torse nu en mouvement
© Samuel Edwards

Récemment diplômé de la Central Saint Martins College of Art and Design à Londres, Samuel Edwards navigue dans un univers où s’imbriquent une esthétique de mode et un érotisme mordant.

Face à un miroir, une silhouette se contemple. Ses fesses, dénudées, se révèlent à notre regard mais en face, dans la glace, son vêtement contraste. Autour, l’obscurité enveloppe les détails, ne montrant que l’essentiel : cette présence à laquelle on ne peut échapper. Les nuances et les matières la soulignent, tout en opposition : une lumière froide contre la peau noire de la mannequin, du cuir brillant, une laine duveteuse. C’est un jeu d’angles, de visions. Des pupilles de la modèle à notre propre place dans l’image. On s’interroge : sommes-nous simples spectateur·ices ? Que ressentons-nous ? D’où vient cette sensation de puissance qui s’impose à nous ? Samuel Edwards, l’auteur de cette image, est un jeune photographe originaire de Manchester. Récemment diplômé de la Central Saint Martins College of Art and Design à Londres, il ne cesse, depuis, d’illustrer les multiples facettes de son sujet de prédilection : « Le corps humain, qui [l]’a toujours fasciné, tant du point de vue scientifique qu’artistique. » C’est au cœur de shootings de mode qu’il affine d’abord son œil. « Cette discipline favorise l’expression, grâce au vêtement. Ce que les mannequins portent les transforme en personnages, influençant l’atmosphère de la scène à capturer. La photographie de mode m’a apporté la liberté d’expérimenter créativement parlant », explique-t-il. En parallèle, l’artiste explore, recherche, produit des projets pour trouver son identité : une esthétique reconnaissable qui permettrait à son travail d’être lu comme un ensemble cohérent, une œuvre globale faite de récits complémentaires, où se croisent à la fois ses modèles et les représentations de sa propre intimité.

Deux personnes qui se regardent, tenues en cuir
© Samuel Edwards
Une jeune femme avec une robe d'acier qui semble braver le feu
© Samuel Edwards
Couverture de Fisheye Magazine #70 : Griffes
156 pages
7,50 €

« Le mystère augmente le désir »

C’est en musique que ses sujets se meuvent parfois, leurs membres bougeant ainsi différemment. Dans ses compositions, les angles sont acérés, les lumières brutes, les corps sculpturaux. Face-à-face où seul·es devant l’objectif, iels l’ignorent toujours, refusant de se soumettre à la pression de se faire capturer. « À travers des photographies nuancées et crues, je m’intéresse aux notions de désir, de voyeurisme et de vulnérabilité, en privilégiant la subtilité plutôt que l’explicite. Je veux que les regardeur·ses interprètent ces images à leur manière », déclare Samuel Edwards. Pour l’auteur, la sensualité n’est pas liée à une quelconque nudité. Au contraire, « le mystère augmente le désir ». Les scènes qu’il convoque traitent d’attirance, de retenue, d’intrigue, de désir qui éclot malgré tout. Sans jamais se tourner vers le kink [pratique ou désir sexuel·le perçu·e comme « hors normes », ndlr], l’artiste préfère étudier l’érotisme et en illustrer les nombreuses perceptions. Dans ses mises en scène, les lèvres se mordent, les têtes chavirent, les torses se contractent, révélant les côtes et les muscles. « Ces thématiques sont influencées par ma propre interprétation des relations. Au départ, j’avais du mal à trouver le bon équilibre : parfois les images paraissaient “forcées”, parfois elles n’avaient aucun sex-appeal. C’était un challenge de créer quelque chose qui soit à la fois authentique, captivant et érotique sans provoquer l’inconfort – parce que les narrations autour du sexe peuvent facilement devenir vulgaires », admet-il.

La suite de cet article est à retrouver dans Fisheye #70. Rendez-vous par ici pour découvrir plus de sujets de notre dossier spécial mode.

À lire aussi
Fisheye #70 : la photographie de mode montre ses griffes
© Léo Baranger
Fisheye #70 : la photographie de mode montre ses griffes
Alors que la Fashion Week parisienne vient de s’achever, Fisheye consacre son numéro #70 à la mode. Au fil des pages, photographes et…
12 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Daniel Obasi : l'étoffe de la révolte
Beautiful Resistance © Daniel Obasi
Daniel Obasi : l’étoffe de la révolte
À Lagos, Daniel Obasi, 30 ans, met en lumière les communautés marginalisées du Nigéria à travers une mode émancipatrice et…
08 mai 2025   •  
Écrit par Milena III
Javier Ruiz au rythme de Chungking
© Javier Ruiz
Javier Ruiz au rythme de Chungking
Avec sa série Hong Kong, Javier Ruiz dresse le portrait d’une ville faite d’oxymores. Naviguant à travers le Chungking Mansions et les…
21 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Explorez
Fisheye #73 : vivre d'Amour et d'images
© Jenny Bewer
Fisheye #73 : vivre d'Amour et d’images
Dans son numéro #73, Fisheye sonde les représentations photographiques de l’amour à l’heure de la marchandisation de l’intime. À...
05 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
RongRong & inri : « L'appareil photo offre un regard objectif sur le sentiment amoureux »
Personal Letters, Beijing 2000 No.1 © RongRong & inri
RongRong & inri : « L’appareil photo offre un regard objectif sur le sentiment amoureux »
Le couple d’artiste sino‑japonais RongRong & inri, fondateur du centre d’art photographique Three Shadows, ouvert en 2007 à Beijing...
04 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Dans l’œil de Valentine de Villemeur : un réfrigérateur révélateur
© Valentine de Villemeur
Dans l’œil de Valentine de Villemeur : un réfrigérateur révélateur
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil de Valentine de Villemeur. La photographe a consigné le parcours de sa procréation...
01 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Yu Hsuan Chang : des femmes et des montagnes
G-Book © Yu Hsuan Chang
Yu Hsuan Chang : des femmes et des montagnes
Dans des collectes effrénées d’images, la photographe taïwanaise Yu Hsuan Chang transcrit autant la beauté de son pays que la puissance...
25 août 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Sandra Calligaro : à Visa pour l'image, les Afghanes sortent de l'ombre
Fahima (17 ans) révise dans le salon familial. Elle suit un cursus accessible en ligne sur son smartphone. Kaboul, Afghanistan, 24 janvier 2025. © Sandra Calligaro / item Lauréate 2024 du Prix Françoise Demulder
Sandra Calligaro : à Visa pour l’image, les Afghanes sortent de l’ombre
Pour la 37e édition du festival Visa pour l’Image à Perpignan qui se tient jusqu’au 14 septembre 2025, la photojournaliste Sandra...
05 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Fisheye #73 : vivre d'Amour et d'images
© Jenny Bewer
Fisheye #73 : vivre d'Amour et d’images
Dans son numéro #73, Fisheye sonde les représentations photographiques de l’amour à l’heure de la marchandisation de l’intime. À...
05 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nicole Tung, ultime lauréate du Prix Carmignac !
Diverses espèces de requins, dont certaines sont menacées d'extinction, tandis que d'autres sont classées comme vulnérables, ont été ramenées à terre à l'aube par des pêcheurs commerciaux au port de Tanjung Luar, le lundi 9 juin 2025, à Lombok Est, en Indonésie. Tanjung Luar est l'un des plus grands marchés de requins en Indonésie et en Asie du Sud-Est, d'où les ailerons de requins sont exportés vers d'autres marchés asiatiques, principalement Hong Kong et la Chine, où les os sont utilisés dans des produits cosmétiques également vendus en Chine. La viande et la peau de requin sont consommées localement comme une importante source de protéines. Ces dernières années, face aux vives critiques suscitées par l'industrie non réglementée de la pêche au requin, le gouvernement indonésien a cherché à mettre en place des contrôles plus stricts sur la chasse commerciale des requins afin de trouver un équilibre entre les besoins des pêcheurs et la nécessité de protéger les populations de requins en déclin © Nicole Tung pour la Fondation Carmignac.
Nicole Tung, ultime lauréate du Prix Carmignac !
La lauréate de la 15e édition du Prix Carmignac vient d’être révélée : il s’agit de la photojournaliste Nicole Tung. Pendant neuf mois...
04 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
RongRong & inri : « L'appareil photo offre un regard objectif sur le sentiment amoureux »
Personal Letters, Beijing 2000 No.1 © RongRong & inri
RongRong & inri : « L’appareil photo offre un regard objectif sur le sentiment amoureux »
Le couple d’artiste sino‑japonais RongRong & inri, fondateur du centre d’art photographique Three Shadows, ouvert en 2007 à Beijing...
04 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger