Du 24 octobre au 30 novembre, la photographe Scarlett Coten présente pour la première fois à la galerie Les filles du calvaire, Trilogie M, constituée de trois séries réalisées entre 2012 et 2023 sur les masculinités contemporaines. Au cours d’une décennie, elle parcourt trois continents — Afrique du Nord, l’Amérique et l’Europe — pour dresser un portrait tendre et politique de celleux qui révolutionnent la définition de ce qu’est être « masculin » au 21ᵉ siècle.
Iels s’appellent Adrien, Amman, Charles, Hazem, Jesse ou Matthieu. Iels vivent leur masculinité en dehors des carcans imposés par la société à travers le monde. Ce sont leurs histoires, leurs quêtes de liberté et leurs expressions de genre que Scarlett Coten raconte dans un voyage visuel qui a duré plus d’une décennie. À la galerie Les filles du calvaire, la photographe dévoile l’exposition Trilogie M, issue de son projet de longue haleine aux trois chapitres géographiques distincts, Mectoub, Plan américain et La disparition de James Bond. « Aujourd’hui, le sens de la trilogie, c’est de monter à quel point la question des masculinités contemporaines est universelle », confie la photographe. De l’Égypte à la Tunisie, en passant par les états du Texas ou de l’Illinois, pour finir dans plusieurs villes de France, l’artiste est partie à la recherche de celleux qui redéfinissent les codes du genre masculin aux cœurs de changements sociétaux majeurs – Printemps arabes, élection de Donald Trump, le lendemain de la crise de covid-19 en France. Des portraits colorés d’hommes qu’elle a rencontrés dans des cafés ou au détour d’une rue sont ponctués des décors représentant les trois continents qu’elle a sillonnés, témoins des rapports d’intimité qu’elle a créé avec ses modèles dans des pays où il ne fait pas toujours bon d’être soi-même. « Ces images apportent du contexte aux portraits, mais racontent aussi mes différents road trips tout en parlant des sociétés que je traversais », ajoute-t-elle. Son regard féminin transcende les frontières autant culturelles que géographiques et révèle la déconstruction du mythe de la masculinité qui s’opère à travers le monde.
M pour « aime, masculin et mon voyage »
Le titre, Trilogie M, évoque le lien qu’elle tisse entre ces personnes d’horizons différents. « M, ça avait du sens, comme le mot “aime”, comme “masculin”, mais aussi comme “mon voyage” à travers les pays d’Afrique du Nord, les États-Unis et la France, mais aussi à travers cette révolution de ce que veut dire être un homme aujourd’hui » déclare Scarlett Coten. C’est par la volonté de changer l’image stéréotypée de l’homme arabe que l’artiste se lance à la poursuite des masculinités contemporaines. « On parle beaucoup de la condition des femmes dans ces pays, au point qu’on occulte celle des hommes. Je voulais démontrer qui iels étaient réellement » raconte-t-elle. En 2012, à l’aune des Printemps arabes, elle commence son travail Mectoub, dont le titre est un jeu de mots faisant référence aux mots « mec » et « Mektoub », expression qui veut communément dire « c’est le destin ». De Beyrouth à Alger, des peaux tatouées aux talons aiguilles, elle rentre dans l’intimité de cette jeunesse qui ose se montrer courageuse face à la répression des identités multiples. Récompensée par le prix Leica Oskar Barnack en 2016 pour Mectoub, l’artiste s’envole la même année pour l’Amérique qui venait de passer sous le joug de Donald Trump. « C’était une évidence, je devais aller rencontrer les jeunes Américain·es qui avaient ce désir d’être eux-mêmes, mais confronté·es à un retour au conservatisme », affirme Scarlett Coten. Voulant pousser sa réflexion encore plus loin, elle entend l’appel d’un troisième continent. Avec la propagation de covid-19 sur la surface de la Terre, elle décide de photographier les jeunes hommes de sa terre natale, la France. De ses photographies, respire le mot « liberté ». De ses photographies, respire une jeunesse en proie aux changements des codes du genre, une jeunesse qui brave les interdits, tantôt sociaux, tantôt légaux. Dans l’exposition, l’histoire se complète. Une histoire planétaire qui s’écrit au-delà des frontières, au-delà des religions, au-delà des systèmes politiques. « Cette histoire, c’est celle de la liberté d’être soi-même, indépendamment du genre qui nous est attribué à la naissance », conclut Scarlett Coten qui souhaite désormais éditer un livre photo de ce travail documentaire.