Scarlett Coten à la poursuite des masculinités plurielles

Il y a 10 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Scarlett Coten à la poursuite des masculinités plurielles
© Scarlett Coten. Colton, Austen Texas, USA 2019
© Scarlett Coten. Matthieu, Brest, France 2023
© Scarlett Coten. Amman, Jordanie 2016

Du 24 octobre au 30 novembre, la photographe Scarlett Coten présente pour la première fois à la galerie Les filles du calvaire, Trilogie M, constituée de trois séries réalisées entre 2012 et 2023 sur les masculinités contemporaines. Au cours d’une décennie, elle parcourt trois continents — Afrique du Nord, l’Amérique et l’Europe — pour dresser un portrait tendre et politique de celleux qui révolutionnent la définition de ce qu’est être « masculin » au 21ᵉ siècle.

Iels s’appellent Adrien, Amman, Charles, Hazem, Jesse ou Matthieu. Iels vivent leur masculinité en dehors des carcans imposés par la société à travers le monde. Ce sont leurs histoires, leurs quêtes de liberté et leurs expressions de genre que Scarlett Coten raconte dans un voyage visuel qui a duré plus d’une décennie. À la galerie Les filles du calvaire, la photographe dévoile l’exposition Trilogie M, issue de son projet de longue haleine aux trois chapitres géographiques distincts, Mectoub, Plan américain et La disparition de James Bond. « Aujourd’hui, le sens de la trilogie, c’est de monter à quel point la question des masculinités contemporaines est universelle », confie la photographe. De l’Égypte à la Tunisie, en passant par les états du Texas ou de l’Illinois, pour finir dans plusieurs villes de France, l’artiste est partie à la recherche de celleux qui redéfinissent les codes du genre masculin aux cœurs de changements sociétaux majeurs – Printemps arabes, élection de Donald Trump, le lendemain de la crise de covid-19 en France. Des portraits colorés d’hommes qu’elle a rencontrés dans des cafés ou au détour d’une rue sont ponctués des décors représentant les trois continents qu’elle a sillonnés, témoins des rapports d’intimité qu’elle a créé avec ses modèles dans des pays où il ne fait pas toujours bon d’être soi-même. « Ces images apportent du contexte aux portraits, mais racontent aussi mes différents road trips tout en parlant des sociétés que je traversais », ajoute-t-elle. Son regard féminin transcende les frontières autant culturelles que géographiques et révèle la déconstruction du mythe de la masculinité qui s’opère à travers le monde.

© Scarlett Coten. Khalid, Amman, Jordanie 2016
© Scarlett Coten. Jeremy, New Orleans Louisiane, USA 2018
© Scarlett Coten. Sami, Flagstaff, Arizona 2019

M pour « aime, masculin et mon voyage »

Le titre, Trilogie M, évoque le lien qu’elle tisse entre ces personnes d’horizons différents. « M, ça avait du sens, comme le mot “aime”, comme “masculin”, mais aussi comme “mon voyage” à travers les pays d’Afrique du Nord, les États-Unis et la France, mais aussi à travers cette révolution de ce que veut dire être un homme aujourd’hui » déclare Scarlett Coten. C’est par la volonté de changer l’image stéréotypée de l’homme arabe que l’artiste se lance à la poursuite des masculinités contemporaines. « On parle beaucoup de la condition des femmes dans ces pays, au point qu’on occulte celle des hommes. Je voulais démontrer qui iels étaient réellement » raconte-t-elle. En 2012, à l’aune des Printemps arabes, elle commence son travail Mectoub, dont le titre est un jeu de mots faisant référence aux mots « mec » et « Mektoub », expression qui veut communément dire « c’est le destin ». De Beyrouth à Alger, des peaux tatouées aux talons aiguilles, elle rentre dans l’intimité de cette jeunesse qui ose se montrer courageuse face à la répression des identités multiples. Récompensée par le prix Leica Oskar Barnack en 2016 pour Mectoub, l’artiste s’envole la même année pour l’Amérique qui venait de passer sous le joug de Donald Trump. « C’était une évidence, je devais aller rencontrer les jeunes Américain·es qui avaient ce désir d’être eux-mêmes, mais confronté·es à un retour au conservatisme », affirme Scarlett Coten. Voulant pousser sa réflexion encore plus loin, elle entend l’appel d’un troisième continent. Avec la propagation de covid-19 sur la surface de la Terre, elle décide de photographier les jeunes hommes de sa terre natale, la France. De ses photographies, respire le mot « liberté ». De ses photographies, respire une jeunesse en proie aux changements des codes du genre, une jeunesse qui brave les interdits, tantôt sociaux, tantôt légaux. Dans l’exposition, l’histoire se complète. Une histoire planétaire qui s’écrit au-delà des frontières, au-delà des religions, au-delà des systèmes politiques. « Cette histoire, c’est celle de la liberté d’être soi-même, indépendamment du genre qui nous est attribué à la naissance », conclut Scarlett Coten qui souhaite désormais éditer un livre photo de ce travail documentaire.

© Scarlett Coten. Seattle Washington, USA 2017
© Scarlett Coten. Sacha, Dunkerque, France 2022
© Scarlett Coten. Yahia, Tunis, Tunisie 2014
À lire aussi
Et si on redéfinissait la masculinité ?
Et si on redéfinissait la masculinité ?
Dans Boys will be, le photographe américain Jon Ervin s’intéresse à la masculinité. Une notion qu’il explore, apprivoise et déconstruit…
24 mai 2021   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Coming out, nu masculin et désert de Namibie : dans la photothèque de Michael Oliver Love
La première photographie qui t’a marquée et pourquoi ? © Michael Oliver Love
Coming out, nu masculin et désert de Namibie : dans la photothèque de Michael Oliver Love
Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les auteurices publié·es sur les pages de Fisheye reviennent sur…
04 juin 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Désiré, désapé, libéré
© Ahmad Naser Eldein. Afloat.
Désiré, désapé, libéré
Livres, magazines, collecte participative… Les initiatives se multiplient pour diversifier la représentation du corps masculin et offrir…
26 septembre 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Explorez
La sélection Instagram #477 : prendre une pause
© Anouk Nitsche / Instagram
La sélection Instagram #477 : prendre une pause
Cette semaine, à l’occasion des vacances scolaires ou des jours fériés à venir, les photographes de notre sélection Instagram nous...
22 octobre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #515 : Valentine de Villemeur et Giulia Balletta
© Giulia Balletta
Les coups de cœur #515 : Valentine de Villemeur et Giulia Balletta
À travers leurs images, Valentine de Villemeur et Giulia Balletta, nos coups de cœur de la semaine, dépeignent deux univers aux...
21 octobre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les images de la semaine du 14.10.24 au 20.10.24 : la singularité du réel
© Eric Tabuchi
Les images de la semaine du 14.10.24 au 20.10.24 : la singularité du réel
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les photographes cherchent la singularité du réel et portent un soin particulier à la narration....
20 octobre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
La critique du pouvoir de Jason Hendardy par interférences cathodiques
© Jason Hendardy. Untitled (Home Decay), 2023.
La critique du pouvoir de Jason Hendardy par interférences cathodiques
Dans son livre This is a Test, Jason Hendardy s’intéresse à la culture américaine, à ses structures de contrôle, et aux tentatives...
19 octobre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Scarlett Coten à la poursuite des masculinités plurielles
© Scarlett Coten. Colton, Austen Texas, USA 2019
Scarlett Coten à la poursuite des masculinités plurielles
Du 24 octobre au 30 novembre, la photographe Scarlett Coten présente pour la première fois à la galerie Les Filles du Calvaire, sa...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Architectes spatiaux
Exposition Back to Dust de Marguerite Bornhauser (2023), scénographie de Bigtime Studio © Marguerite Bornhauser
Architectes spatiaux
Mises en scène spectaculaires, enrichissements visuels, sonores, voire tactiles… Les scénographes contribuent à donner aux œuvres...
24 octobre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Matthieu Gafsou au Centre Claude Cahun : le corps humain face au vivant
© Matthieu Gafsou
Matthieu Gafsou au Centre Claude Cahun : le corps humain face au vivant
Jusqu'au 25 janvier 2025, le Centre Claude Cahun accueille une exposition de Matthieu Gafsou, Est-ce ainsi que les hommes vivent ? qui...
23 octobre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Dans l’œil de Sina Muehlbauer : les visages flous de nos souvenirs
© Sina Müehlbauer
Dans l’œil de Sina Muehlbauer : les visages flous de nos souvenirs
Aujourd’hui, plongée dans l’œil de Sina Muehlbauer. Intriguée par le masque métaphorique que l’on présente au monde – pour cacher...
23 octobre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas